Bloqué à son plus bas niveau historique depuis deux ans, le taux du Livret A doit remonter le 1er août prochain. C'est la conséquence de la formule de calcul en vigueur et du niveau d'inflation du mois de juin, dont l'Insee a livré une estimation ce matin. Explications.

C’est l’heure du dégel ! Il y a près d’un an, le gouverneur de la Banque de France choisissait de maintenir le taux du Livret A à 0,75%, alors même qu’il aurait dû être abaissé à 0,50%. Dans la foulée, Michel Sapin, alors ministre de l’Economie, annonçait son intention de geler le taux du Livret A jusqu’à l’élection présidentielle. Prochaine échéance de révision : le 1er août 2017. Nous y sommes.

Rappel : le taux du Livret A est susceptible de varier « automatiquement » deux fois par an, le 1er février et le 1er août (1), en fonction de l’évolution des deux indicateurs pris en compte dans sa formule de calcul : l’inflation hors tabac sur un an et le taux interbancaire EONIA. Une formule de calcul, justement, qui a changé depuis la mi-novembre 2016, et dont la nouvelle mouture doit donc être utilisée pour la première fois pour le 1er août 2017.

Lire sur le sujet : Taux du Livret A : qu'est-ce qui va changer en 2017 ?

Le taux de 1% tient la corde

C’est une certitude : s’il y a changement du taux du Livret A, ce ne sera pas en raison de l’évolution de l'Eonia, qui reste à un niveau extrêmement bas. Comme à chaque évolution depuis des années, c’est l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac sur un an qui sera pris comme indicateur de référence. Justement, l’Insee a publié ce matin l’IPC provisoire pour le mois de juin : il est de 0,7%. Un chiffre qui confirme la tendance des derniers mois : celle d’une inflation modérée après un léger échauffement en début d’année.

Toutefois, contrairement à ce qui se passait auparavant, ce n’est pas la seule inflation annuelle au mois de juin qui est décisive. Dans la nouvelle formule de calcul - dont l’objectif est clairement de lisser l’évolution du taux - c’est en effet sa moyenne sur les six derniers mois qui est prise en compte. Soit 1,1% après arrondi dans l’hypothèse d’un 0,7% au mois de juin. La réforme de novembre a introduit une autre évolution : le coup de pouce de 0,25 point par rapport au taux d’inflation, autrefois systématique, est désormais fonction de l’écart entre la moyenne semestrielle de l’Eonia et celle de l’inflation. Actuellement, cet écart est trop important pour déclencher ce coup de pouce.

Bilan : ces différents critères pris en compte, la formule de calcul du taux du Livret devrait bien le faire passer de 0,75% à 1% au 1er août.

Retournement de tendance

Une telle hausse constituerait un petit événement, et un vrai retournement de tendance. Certes, certains observateurs annonçaient un taux de 1,25% en août 2017. Mais depuis cette prévision, l’inflation a faibli. Surtout, depuis son passage de 2,25% à 1,75% le 1er février 2013, le taux du Livret A n’a cessé de baisser pour atteindre 0,75%, le 1er août 2015. Un niveau historiquement bas, qui apparaît également comme un taux plancher, Bercy n’ayant jamais osé aller plus bas, alors même que la très faible inflation depuis deux ans l’aurait justifié.

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Le taux de 1% ne pourrait qu’améliorer encore l’attractivité d’un Livret A qui a retrouvé de sa superbe depuis juin 2016, après plusieurs années de disette. Malgré son faible taux, le Livret A réussit en effet en 2017 son meilleur début d’année depuis longtemps, avec une collecte nette positive de 8,6 milliards d’euros à la fin mai.

Contrer les effets d’un inflation soudaine

Reste deux inconnues. La première : l’estimation de l’Insee sera-t-elle confirmée dans une quinzaine de jours, au moment de la publication du chiffre définitif ? C’est généralement le cas. Mais quoi qu’il en soit, il n’y a guère de suspense. Une variation même importante de l’IPC définitive aurait en effet peu de chance de changer la donne. La nouvelle formule de calcul, celle qui prend en compte la moyenne des six derniers mois, a pour conséquence - et c’était bien l’objectif - de contrer les effets d’une variation soudaine de l’inflation.

Ainsi, selon les calculs effectués par cBanque, il faudrait que l’inflation annuelle hors tabac du mois de juin tombe largement sous la barre du zéro, en deçà de -0,3%, pour justifier un maintien du taux à 0,75% ! Totalement improbable lorsqu’on observe la tendance des derniers mois : 1,2% en avril et 0,8% en mai.

A l’inverse, peut-on espérer qu’une correction à la hausse de l’inflation de juin, permette de passer à 1,25% ? Là encore, il faudrait une variation d’une ampleur improbable, avec un IPC d’au moins 1,2%.

La balle dans le camp des pouvoirs publics

Mais la principale inconnue est ailleurs : dans l’attitude que vont adopter les pouvoirs publics face à cette hausse. Même réformée, les règles de fixation du taux du Livret A confient toujours au gouverneur de la Banque de France le pouvoir de déroger, et à Bercy celui de fixer dans ce cas le taux du Livret A.

Depuis les élections présidentielles, le gouverneur de la Banque de France n’a pas changé : il s’agit toujours de François Villeroy de Galhau. Mais ce n’est plus le même ministre de l’Economie. Quelle sera la politique de Bruno Le Maire face à la perspective de cette hausse ? Prendra-t-il le parti d’appliquer strictement la formule ? Ou choisira-t-il de limiter le coût de la ressource pour les organismes HLM, qui puisent dans les fonds du Livret A pour financer la construction de logements sociaux ? Réponse définitive, au plus tard, dans une quinzaine de jours.

(1) Deux autres échéances de révision intermédiaires sont prévues, au 1er avril et au 1er octobre, mais seulement en cas de circonstances exceptionnelles.