Succession de défauts d’entreprises, critiques de la part des prêteurs... Lendopolis, l'un des pionniers du crowdlending, est dans le dur. Mais la directeur de la plateforme, Nicolas de Feraudy, assume. Tout en promettant des lendemains meilleurs, il détaille ce qui n’a pas fonctionné et ce qui va changer. Opération transparence.

Fin 2015, Lendopolis faisait face à son premier défaut de paiement. Depuis, sur votre portefeuille de 152 projets, 14 entreprises ont connu des soucis majeurs, soit 9,21% !

Nicolas de Feraudy : « Vous avez raison : on est entré dans la phase de gestion des difficultés des entreprises. Statistiquement, les entreprises les plus faibles connaissent des défauts relativement tôt dans la maturité des projets. Lendopolis a plus de deux ans, il est donc logique que certains défauts apparaissent actuellement. »

Sur cBanque, Vincent Ricordeau annonçait cette situation, mais il espérait « le moins de défauts possible ». C’est une déception ?
« Avec notre nouvelle procédure de risques, on aurait évité 80% des défauts ! »

N.dF. : « Évidemment. On imaginait avoir un tiers d’entreprises en défaut en moins, soit moins d’une dizaine. C’est une déception vis-à-vis de l’analyse qui a été faite, notamment sur les projets structurés en 2015. On s’est rendu compte que notre process n’était pas l’idéal. Maintenant, nous avons réagi. On a modifié et remplacé totalement l’équipe risque, on a repensé l’intégralité du process et des conditions d‘éligibilité sur la plateforme. Comme nous l’avons écrit en début d’année dans une lettre ouverte : avec notre nouvelle procédure de risques, on aurait évité 80% des défauts ! »

Vous aviez donc sous-estimé la partie risques et l’analyse des entreprises ?

N.dF. : « Ce n’est pas une question de sous-estimer… L’équipe qui était en place à l’époque, vraisemblablement, n’avait pas mis en place les procédures nécessaires et une politique de risque assez stricte. Attention : on reste sur un rendement positif. Un prêteur qui aurait investi dans tous les projets proposés sur la plateforme en 2015, il aurait aujourd’hui un rendement positif. »

Mais cet exemple est très théorique ! La majorité des prêteurs n’ont pas effectué 152 prêts chez vous mais 5, 10, 30… Chaque défaut est donc une perte sèche !

N.dF. : « On a quelques profils positionnés sur tous les prêts, mais effectivement c’est rare ! Pour les autres, vous avez raison, chaque défaut a plus d’impact. C’est pour cela que l’on insiste beaucoup sur cette logique de diversification. Lorsque vous avez 1 000 euros, mieux vaut prêter 20 euros à 50 entreprises, que de miser sur 3 entreprises. »

Ceux qui vous ont fait confiance dès le début sont les plus concernés par les pertes. Il y a de quoi être frustré !
« Il faut continuer à diversifier le portefeuille »

N.dF. : « C’est tout à fait normal que les prêteurs se sentent un peu frustrés. Je comprends que certains aient le sentiment d’avoir été notre ''crash test'', même si ce n’est pas du tout le cas. Ce que je leur dirais, c’est qu’il faut continuer à diversifier le portefeuille. Les pertes subies seront absorbées par les nouveaux prêts. Cela permettra d’amortir les pertes. »

Mais il y a deux ans, le discours était le même : il fallait faire confiance à votre analyse ! Lendopolis en 2017 remet en cause Lendopolis en 2015…

N.dF. : « Force est de constater que le travail mis en place il y a deux ans n’était pas à la hauteur de nos espérances. On ne va pas se le cacher. Une fois que l’on a dit cela, que fait-on ? Soit on pleure sur notre sort, soit on engage les réformes nécessaires. »

Quelles sont ces réformes ?
« On est plus exigeant sur l’analyse comptable, les éléments de conformité... »

N.dF. : « On étudie tous les signes qui peuvent nous montrer des faiblesses financières, de gestion, de conformité. On a rehaussé le seuil de chiffre d’affaires minimum à 200 000 euros. On est plus exigeant sur l’analyse comptable, les informations et éléments de conformité des entreprises qui prouvent la cohérence du projet, les perspectives de développement… »

Vous reconnaissez des manquements dans le process. Imaginez-vous une forme de gratification ou indemnisation pour vos prêteurs ?

N.dF. : « C’est quelque chose que l’on a envisagé, par exemple au sujet des prêteurs qui ont perdu l’ensemble de leur capital dans un seul prêt, mais nous n’avons pas retenu cette solution pour le moment. Ce serait très complexe. Mais rien n’est arrêté. »

Moins de projets présentés, des jauges qui se remplissent moins vite… Cette situation impacte l’activité.

N.dF. : « Il y a moins de projets proposés qu’avant sur Lendopolis. Et c’est vrai, c’est moins facile de les financer. Et c’est tout à fait naturel. On fait face à des gens qui hésitent à franchir à nouveau le pas. Cela impacte l’ensemble de notre activité : il faut convaincre les anciens de croire à nouveau en nous. »

Se pose la question de la confiance…

N.dF. : « Nous en sommes très conscients. La confiance se regagne par les faits, et par les rendements que l’on va apporter aux prêteurs. On s’attelle à présenter des projets qui nous semblent sérieux pour les prêteurs, qui semblent donner un bon rapport rendement-risque. Malheureusement, l’effet ne sera pas immédiat. »

Cette situation doit être difficile à gérer…
« Nous ne sommes pas dans la situation la plus idéale vis-à-vis des relations avec les prêteurs ! »

N.dF. : « Je ne vais pas mentir : nous ne sommes pas dans la situation la plus idéale vis-à-vis des relations avec les prêteurs ! On en a conscience, on les a déçus. Quand on leur parle au téléphone, ils se demandent pourquoi continuer à prêter sur notre plateforme. Nous leur expliquons notre nouvelle gestion du risque, notre diversification de projets. Le futur nous dira si nous réussissons à les convaincre. On fait beaucoup d’efforts sur le support client, les explications. On échange beaucoup avec les prêteurs pour comprendre ce qui leur permettrait de revenir. »

Et si les défauts sont encore nombreux dans deux ans ?

N.dF. : « Si, dans deux ans, on a des taux de défaut qui ne permettent pas de servir des rendements cohérents avec le risque pris, cela ne voudra pas dire que le crowdlending français a une problématique. Cela voudra dire que Lendopolis a une problématique. Je serai le premier à l’admettre. »