La transformation numérique dans le secteur financier est porteuse d’avancées - meilleure inclusion financière des consommateurs, déconcentration du secteur, etc. - mais aussi de risques potentiels, récemment détaillés par l’ACPR.

Un « choc technologique multiforme/multiservice » : c’est ce qu’est en train de vivre, comme d’autres industries (culturelles, de services, etc.), le secteur financier, selon Frédéric Visnovsky. Le secrétaire général adjoint de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le « gendarme » français du secteur financier, a consacré une intervention à ce thème, dans le cadre d’un séminaire des responsables de la supervision bancaire des pays de la Méditerranée, organisé les 17 et 18 mai dernier à Casablanca, au Maroc.

Paiements, dépôts et prêts, financement de l’économie, etc. : ce sont en effet toutes les activités bancaires traditionnelles qui sont affectées par le nouveau paradigme numérique, avec deux tendances fortes, selon Frédéric Visnovsky : un recentrage sur le client, et l’émergence de la donnée client comme actif à part entière.

Un accès plus large aux services financiers

Quelles sont, toutefois, les conséquences prévisibles de cette révolution sur la stabilité financière du secteur bancaire, et plus généralement des systèmes économiques qu’il soutient ? Le secrétaire général adjoint de l’ACPR ne le cache pas : la transformation numérique et l’émergence de nouveaux acteurs technologiques dans le secteur financier (les fameuses « fintechs ») présentent des avantages espérés, mais aussi des risques potentiels.

Il en va ainsi de la banque mobile, des portefeuilles électroniques, des agrégateurs ou du financement participatif. Autant d’innovations qui permettent d’améliorer l’accès et l’usage des services financiers, et donc l’inclusion financière des consommateurs, mais qui comportent des risques : financiers, « liés à la moindre qualité des financements accordés » ; opérationnels, liées à « l’arrivée de nouveaux entrants moins protégés » et donc plus exposés à la cybercriminalité ; commerciaux enfin, avec une accentuation des « comportements grégaires » des consommateurs, capables de fuir du jour au lendemain un acteur victime d’un bad buzz.

La mission des régulateurs rendue plus complexe

Le numérique apporte également des évolutions dans le back office des banques : blockchain, contrats électroniques, intelligence artificielle, entre autres. Autant de technologies qui promettent une meilleure efficacité et une baisse des coûts, mais qui comportent des effets négatifs potentiels. Frédéric Visnovsky en liste trois : des pertes potentiellement plus importantes en cas de retournement de conjoncture, liées « à la vitesse des prises de décision » ; une volatilité supérieure des marchés « si l’automatisation des stratégies conduit à l’uniformité des stratégies des acteurs » ; une augmentation des risques opérationnels, enfin, ces derniers étant liés à la numérisation des processus.

Du point de vue de la régulation, la décentralisation et la désintermédiation des services financiers rendues possibles par le numérique pose également question. Si cette évolution permet d’envisager « une moindre concentration du système financier autour des acteurs systémiques », notamment de certaines banques too big to fail, elle comporte aussi des risques liés à la « solvabilité des nouveaux entrants » et à la « profitabilité des acteurs établis ». Surtout, les régulateurs voient leur mission rendue plus difficile et plus complexe, en raison « d’un nombre croissant d’acteurs, parfois agissant en dehors du cadre réglementaire », et de risques plus difficiles à identifier car « dispersés dans un système décentralisé ». D’où la nécessité, pointée par Frédéric Visnovsky, de « trianguler » l’innovation bancaire avec les enjeux de régulation et de stabilité du système.