Dans une étude récente, l’organisme de réflexion gouvernemental France Stratégie souligne à quel point l’abondante épargne des Français pourrait être investie de façon plus utile dans l’économie. Parmi ses deux propositions, l’une est ouvertement « radicale » : supprimer les avantages fiscaux pour mieux redistribuer les cartes.

Environ 40% du portefeuille financier des Français, à la fin 2016 : l’assurance-vie accapare toujours la majeure partie de l’épargne selon le dernier baromètre trimestriel de la Banque de France. Une domination surtout due aux avantages fiscaux que procure ce « couteau suisse de l’épargne » : fiscalité dégressive au fil des années de détention du contrat, abattements en cas de décès, etc.

Le cadre mis en place par l’Etat permet donc d’orienter massivement l’épargne des Français vers ce placement. Ce qui profite en grande part à la dette des Etats (obligations souveraines) ou à celle des entreprises (obligations corporate), les principaux actifs des fonds en euros, support majoritaire de l'assurance-vie. Ce système permet-il d’orienter l’épargne des Français vers les secteurs nécessitant un soutien économique ? Pas vraiment, constate le think tank lié aux services du Premier ministre, France Stratégie, dans une note publiée début mai.

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Améliorer le système actuel ou le révolutionner ?

Cette étude porte sur la fiscalité de l’épargne dans son ensemble. Et elle pointe la nécessité de réforme pour « faire face aux défis écologiques » et « favoriser les investissements les plus porteurs de croissance durable ». Pour ce faire, deux solutions sont exposées. Une première, la méthode douce : « rationaliser » et « verdir » les « 54 niches fiscales et sociales » existantes. Bref, conserver le système existant en le rendant plus simple et plus efficace. Pour l’assurance-vie ou le PEA, cités en exemples, cela se traduirait par une condition supplémentaire pour profiter des avantages existants : il faudrait que les supports « embarquent une proportion d’actifs verts minimale, avec des avantages potentiellement croissants lorsque cette proportion augmente ».

France Stratégie propose une seconde option, plus ambitieuse et « plus radicale » : « Déconnecter totalement l’incitation fiscale du support d’épargne. L’incitation ne serait plus liée au placement de l’épargne sur un livret ou sur un plan d’assurance aujourd’hui commercialisé par les établissements de collecte, mais directement associée à l’évaluation de chaque actif financé in fine au regard de l’objectif poursuivi. »

Privilégier la finalité du placement, et non l’enveloppe

En clair, le think tank propose de supprimer le concept d’enveloppe fiscale, aussi bien pour l’assurance-vie que le Plan d’épargne en actions ou le Livret A, afin de le remplacer par un avantage directement lié à la destination de l’épargne. Comment est-ce possible ? « En traçant avec précision la destination finale des fonds collectés quel que soit le support d’épargne », développent les auteurs de l’étude. « Chaque actif recevrait un score en fonction de sa nature. Si l’objectif poursuivi est le financement de la transition énergétique par exemple, le score reposerait sur une analyse de la cohérence des investissements finaux avec les besoins de la transition énergétique. » Les scores de chaque actif seraient « additionnés pour attribuer un score à chaque support d’épargne ». L’incitation fiscale fonctionnerait alors « comme un bonus-malus », grâce à ce système de notation.

Une logique de « scoring » par actif qui paraît cohérente avec des produits « multisupports » comme le PEA ou l’assurance-vie en unités de compte. Mais moins évidente pour des produits « monosupport » comme un livret d’épargne ou un fonds en euros d’assurance-vie. A ce stade, France Stratégie ne détaille toutefois pas plus sa proposition.

Délicate orientation de l’épargne des Français

L’orientation des plus de 4.500 milliards d’euros de placements financiers détenus par les ménages français revient constamment dans les études des organismes liés au gouvernement. En 2015, le Conseil national du numérique proposait des incitations fiscales pour pousser l’épargne et le patrimoine vers les PME et l’innovation. Toujours en 2015, François Villeroy de Galhau, désormais gouverneur de la Banque de France, a remis un rapport proposant de réorienter l’assurance-vie vers l’économie réelle. Plus récemment, en janvier dernier, France Stratégie publiait une note pour nourrir le débat présidentiel sur la question de l’orientation de l’épargne vers les start-ups. Trois exemples parmi d’autres.

Lors du quinquennat de François Hollande, un produit d’épargne a été créé spécifiquement pour orienter l’épargne vers les PME et ETI : le PEA-PME. Plus d’un an après le lancement, seuls 42.000 PEA-PME étaient recensés. D’où l'idée « radicale » avancée par France Stratégie.