Lancé début février, le nouveau dispositif d’aide à la mobilité bancaire issu de la loi Macron connaît des débuts difficiles. A tel point que certains posent la question : ne vaut-il pas mieux se passer du mandat de mobilité pour changer de banque ?

Des banques non connectées à la messagerie interbancaire ; d’autres incapables de lire les messages qui leur sont transmis ; des émetteurs de prélèvements mal informés sur leurs nouvelles obligations ; des règles opérationnelles trop imprécises. La liste des dysfonctionnements qui ont marqué les premiers mois du déploiement de la mobilité bancaire Macron est longue.

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Trop longue ? Pourtant le dispositif était très attendu, en témoigne son succès immédiat. Mais à cet enthousiasme initial succède une certaine frustration, lorsque les demandes de transfert ne fonctionnent pas comme annoncé. A tel point que certains se demandent si le mandat de mobilité n’apporte pas une réponse trop imparfaite pour être vraiment efficace. C’est le cas par exemple de Philippe Coiffard. Pour cet expert en systèmes de paiement, le nouveau dispositif de changement de banque est en quelque sorte mal né.

Un dispositif mal-né

Premier souci : la difficulté pour les banques à tenir les délais imposés par la loi. En particulier le délai de 5 jours, au cours duquel la banque de départ doit transmettre à la banque d’arrivée la liste des opérations récurrentes effectuées par le client au cours des 13 derniers mois. Un vrai challenge pour les banques. « Il ne suffit pas d’interroger un moteur de recherche pour obtenir ces informations », explique le spécialiste. « Les banques traitent des millions d’instructions de paiement, qu’elles archivent de manière graduée. Retrouver les informations des 3 derniers mois est assez simple, au-delà il faut aller interroger des archives plus profondes, et cela prend du temps. »

Il y aurait donc, au cœur même du dispositif, une sorte de vice de forme, conséquence d’une méconnaissance des contraintes propres au fonctionnement de l’informatique et des échanges interbancaires.

22 jours, une « éternité dans le monde actuel »

Autre critique : celle du délai de 22 jours ouvrables, durée maximum prévue par le dispositif Macron pour mener à bien les changements de domiciliation. Pour une moitié - soit 10 jours ouvrés -, ce délai correspond au temps laissé aux émetteurs de virements et de prélèvements pour prendre en compte les nouvelles coordonnées bancaires de l’usager changeant de banque. « Dans le monde d’aujourd’hui, où il faut moins de 20 minutes pour ouvrir un compte bancaire, cela paraît une éternité », estime Philippe Coiffard.

Un dispositif mal conçu ; des banques qui ne parviennent pas à tenir leurs délais ; des délais par ailleurs trop longs. Au final, est-il pertinent de signer un mandat de mobilité ? Pour Philippe Coiffard, la réponse est non. L’expert encourage plutôt les usagers bancaires à garder la main sur leur changement de banque, pour des questions de rapidité et d’efficacité.

D’autres sont moins définitifs. C’est le cas d’Etienne Jaouen, manager au sein du cabinet de conseil Ailancy : « Les clients des grandes enseignes françaises qui souhaitent par exemple partir vers une banque en ligne ont de bonnes chances que cela fonctionne », explique le spécialiste. « On peut toutefois leur conseiller de ne pas clore le compte d’origine, et d’en surveiller l’activité pendant quelques mois. »

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Le rendez-vous manqué de la portabilité

Avant la mise en œuvre de la mobilité bancaire issue de la loi Macron, une autre solution avait été envisagée pour faciliter le changement de banque : la portabilité du numéro de compte, à l’image de ce qui existe dans le monde de la téléphonie mobile. Une solution qui n’a finalement pas été retenue, à la suite de la publication, en décembre 2014, d’un rapport officiel expliquant que « la redirection automatique des opérations (…) a un coût important pour un bénéfice limité en termes de mobilité bancaire ».

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Pour Philippe Coiffard, c’est bien en amont que le rendez-vous de la portabilité a été manqué, au moment de la mise en place de l’IBAN, l’identifiant bancaire à la norme européenne. La France a en effet choisi d’y transposer les caractéristiques de l’ancien RIB (code banque, code guichet, etc.), rendant impossible la portabilité en l’état. D’autres ont fait d’autres choix, comme les Pays-Bas qui ont créé un numéro de compte invariant attaché à un client, où seules changent les premières lettres (celle du code banque) en cas de mobilité. Résultat : la portabilité du numéro de compte est aujourd’hui une réalité aux Pays-Bas.