Grâce à une série de directives, les institutions européennes ont totalement remodelé le paysage bancaire continental. Un effort qui remonte à plus de trente ans, mais s'est intensifié au cours de la dernière décennie. Objectif : favoriser l’émergence d’un marché unique des services financiers, transparent, concurrentiel et respectueux des consommateurs.

Avez-vous déjà, au cours de votre vie, souscrit un produit financer à l’étranger ? La réponse est probablement non : selon les chiffres de la Commission européenne, c’est le cas de seulement 7% des ressortissants européens. Le marché unique, tel qu’envisagé par l’institution bruxelloise, intègre pourtant également les services financiers. La Commission l’a encore rappelé le jeudi 23 mars 2017, en annonçant la mise en place d’un plan d’action sur le sujet : « (…) il s'agit d'améliorer le jeu de la concurrence [et] d'élargir l'offre de sorte que les consommateurs puissent obtenir des prix plus bas et une meilleure qualité pour des services financiers achetés à l'étranger mais aussi dans leur pays, comme un compte bancaire, une assurance automobile ou un transfert d’argent. »

Le plan d’action dévoilé la semaine dernière, toutefois, n’est pas le début, mais la continuation d’un effort entamé depuis plus de trois décennies, à coup de directives qui ont déjà profondément changé la banque.

Passeport européen

Le premier grand jalon de cette histoire remonte au 1er janvier 1993. Cette année-là, la mise en application de la 2e directive européenne de coordination bancaire ouvre aux banques européennes la possibilité d’installer des succursales dans tous les pays de l’espace économique européen (1) en utilisant l’agrément bancaire obtenu dans leur pays d’origine. Ce « passeport européen » ouvre aux banques - mais pas seulement - un marché qui représente aujourd’hui 500 millions de consommateurs.

Il ne suffit toutefois pas en lui-même. Une quinzaine d’années plus tard, en 2007, un autre texte décisif, la directive sur les services de paiement (DSP), a impulsé l’unification du marché des paiements, en donnant naissance, notamment, à l’Espace unique de paiements en euros. Inauguré le 1er novembre 2009, le SEPA a abouti, le 1er août 2014, à l’harmonisation des moyens de paiement (des virements, des prélèvements et des paiements par carte particulièrement) à l’intérieur de l’UE. La DSP a créé également un statut d’établissement de paiement, qui permet à des acteurs non-bancaires de venir concurrencer les banques sur les services de paiement, à l'image du fameux Compte Nickel.

Une série de directives

Depuis 10 ans, plusieurs grandes lois ont amélioré en France les conditions de commercialisation de produits financiers, et la protection des particuliers qui les consomment. Citons les lois Lagarde (2009) et Hamon (2014) pour le crédit à la consommation ou plus récemment la loi Macron, qui a facilité le changement de banque.

Toutes ont en commun d’avoir transposé en droit français des textes européens : la directive sur le crédit à la consommation (dite CCD) de 2008 et la directive sur les comptes de paiement (dite PAD) de 2014. Cette dernière est également à l’origine de la création en France d’un comparateur publics des tarifs bancaires. La directive européenne sur le crédit hypothécaire (dite MCD) a elle abouti à la mise en place de la fiche européenne d’information européenne (FISE), qui accompagne - et clarifie - désormais les offres de prêt.

Les récentes avancées en matière de transparence, de protection des consommateurs et d’amélioration des conditions de concurrence sont donc avant tout le produit de la volonté des institutions européennes. Ces dernières, toutefois, s'inspirent parfois des législations nationales, notamment françaises. La directive PAD, par exemple, généralise à l'UE le droit au compte tel qu'il existe de longue date dans l'Hexagone. La directive MCD, elle aussi, s'inspire largement des usages français en matière de distribution du crédit immobilier. Cette dynamique, au final, améliore l’unification des règles à l’échelle continentale, et ouvre le jeu de la concurrence, dans un contexte particulièrement favorable.

Le numérique supprime les barrières nationales

Le projet européen, en effet, a pris une autre dimension grâce à la révolution technologique en cours, celle du numérique. Un bon exemple des perspectives ouvertes par le passeport européen à l’âge du numérique est celui de N26. La néobanque allemande, conçue à Berlin et lancée en janvier 2015, a obtenu à l’été 2016 un agrément bancaire dans son pays d’origine, qui lui ouvre les portes de l’ensemble du continent. Dans la foulée, elle a pris pied en quelques mois dans une quinzaine de pays de la zone euro, dont la France.

Lire l’intégralité de l’interview du porte-parole français de N26 : Comment N26 peut proposer un compte bancaire dans toute l'Europe

La commission européenne en a bien conscience : c’est le numérique qui va lui permettre d’atteindre son objectif d’un marché unique des services financiers. « Ces technologies ont le potentiel d'améliorer l'accès des consommateurs aux services financiers de l'ensemble du marché unique, de supprimer les barrières nationales et d'apporter des gains d'efficacité », écrit-elle le communiqué accompagnant son nouveau plan d’action. Ce dernier intègre d’ailleurs un volet de soutien au « monde numérique innovant ».

Dans le même ordre d’idées, le Parlement européen a adopté en octobre 2015 la 2e directive sur les services de paiement (DSP2), dont la mise en œuvre est en cours et qui va à terme ouvrir encore plus la concurrence, entre acteurs bancaires et extra-bancaires notamment, dans le domaine des services financiers. Dernière étape, peut-être, avant l’émergence définitive d’un marché bancaire à échelle européenne.

(1) L’EEE intègre les 28 membres de l’Union européenne ainsi que l'Islande, le Lichtenstein et la Norvège.