De nombreux courtiers et conseillers en patrimoine sollicitent leurs clients. L’objectif : les informer de l’opportunité d’investir sur plusieurs SCPI du groupe Primonial, avant une hausse « garantie » de la valeur des parts, fin mars. Or, si l’information semble largement répandue, Primonial assure que « rien n’est fait ». Qu’en est-il ? cBanque a enquêté.

« L’opportunité du moment », « Profitez de la hausse », « Revalorisation de SCPI à venir »… Depuis janvier, le marché s’affole. De nombreux conseillers en gestion de patrimoine et courtiers en assurance-vie en ligne alertent leurs clients par email, ou sur leurs sites web.

L’objet de cette communication massive : une hausse programmée de 6% du prix des parts des SCPI Primovie et Primopierre, fin mars. En ayant l’information en amont, l’investisseur pourra « gommer une partie des frais de souscription », glisse un expert des SCPI. Grâce à une valeur de revente rehaussée, tout investissement avant fin mars génèrerait une plus-value automatique en cas de revente.

Communication progressive

La communication a été progressive. Dès la mi-janvier, les conseillers évoquaient « une hausse significative à venir pour des SCPI de très bonne qualité ». Sur internet, les sites suggéraient la hausse, incitant à appeler pour en savoir plus. Par téléphone, le message était bien plus clair : « Primopierre et Primovie vont gagner 6%, c’est une certitude. »

Depuis mi-février l’information se fait plus précise. Comme le symbolise ce mailing, envoyé par un courtier en ligne : « Les SCPI Primovie et Primopierre vont augmenter leur prix de part en mars de +6%. Pour profiter de ces hausses, et acheter au prix actuel, merci d'investir avant le 20 mars. » S’il préfère garder l’anonymat, l’auteur de ce email confie avoir « beaucoup hésité avant l’envoi » : « Nous avons même sollicité un déontologue. Mais comme Primonial nous a clairement soufflé l’info, et que d’autres courtiers relayaient la même information, nos clients avaient aussi le droit d’en profiter. » Car il y voit une opportunité rare : « Ces SCPI délivrent autour de 4,8% de rendement. La hausse permet d’amortir plus vite les frais d’entrée, et de rentabiliser l’investissement en deux ou trois ans. »

Devoir de confidentialité ?

L’affaire semblait limpide. Sauf que, du côté de Primonial, il n'y a rien d'officiel. cBanque a sollicité le gestionnaire. Et après de multiples relances, nous avons reçu ce message laconique de Laurent Fléchet, président du directoire de Primonial REIM : « À ce stade, aucune décision n’est prise, et bien évidemment aucune communication à quelque niveau que ce soit. Si des augmentations de prix étaient envisagées, les personnes en charge de les analyser et de les proposer seraient soumises à un devoir de confidentialité total. »

Un devoir de confidentialité total ? Ce n’est pas ce que racontent les courtiers ! « Un contact chez Primonial nous a appelés pour nous dire ''c’est certain, c’est +6%, au 31 mars'' », glisse un conseiller. Une expérience partagée par de nombreux contacts, lors de notre enquête.

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Chuchoté sous le manteau

Des canaux officiels doublés par les acteurs de terrain ? C’est la théorie de cet autre courtier, qui souhaite là encore rester anonyme : « Il y a un peu d’hypocrisie dans cette affaire. C’est un peu : je vous le chuchote sous le manteau… Sauf qu’ils l’ont dit à tout le monde, suffisamment à l’avance ! » Un concurrent va plus loin : « La fuite est organisée ! Ils ont tout fait pour que ça se sache. Mais c’est un classique pour les SCPI. C’est un bon moyen de stimuler la collecte. »

Face à ce qui ressemble à un drôle de copinage, certains n’ont pas relayé l’information aux clients. « Ces bruits de couloirs plus ou moins organisés, ce n’est pas normal », déplore un acteur historique du milieu. « Quand on voit que certains sont catégoriques par email ou sur leur site, c’est grave. Comment feront mes confrères si le gestionnaire change d’avis ? »

L'AMF « condamne ces pratiques »

Faut-il y voir un « délit d’initiés » ? « On ne peut employer ce terme, qui correspond à des situations bien précises », répond l’Autorité des marchés financiers. Néanmoins, l’AMF confirme que ce cas n’est pas isolé. « Dans l’absolu, on condamne ces pratiques, qui sont irrégulières, car tout le monde n’a pas un accès égal à l’information. »

L’Autorité rappelle que le cadre de l’information légale sur les prix de parts de SCPI est clair : « La seule obligation, c’est de communiquer l’information sur l’évolution du prix des parts au moins 6 jours à l’avance sur un journal d’annonces légales ou le site web du gestionnaire, et d’informer les détenteurs de parts par courrier. A l’inverse, il n’y a pas de délai maximum. » Ce qui n’autorise pas à promettre des choses sans garanties. « Les épargnants qui ont suivi le conseil ne risquent rien. Par contre, si la hausse n’a pas lieu, il y a un risque de manquement à l’obligation de conseil. » Reste à savoir si la « rumeur », largement diffusée mais contestée du bout des lèvres par Primonial, se vérifiera.