Des rendements dépassant les 4%, voire même tutoyant les 7% ? Telle est la prouesse réalisée en 2016 par certains fonds euro-croissance. Mais attention : ces supports ne servent pas les mêmes performances à tous les épargnants…

« A terme, il y aura un troisième pilier de l’assurance-vie, entre les fonds en euros et les unités de compte. » Cette phrase, c’est Pierre Moscovici, alors ministre de l’Economie et des Finances, qui l’a prononcée dans Les Echos en octobre 2013. Ce « troisième pilier » devait donc être l’euro-croissance. Sauf que les rares statistiques sur le développement de ce produit sont loin des promesses initiales. A la fin 2015, 123.000 contrats d’assurance-vie étaient concernés selon la FFA (1), pour un encours global de moins de 2 milliards d’euros selon l’ACPR (2). Les statistiques à fin 2016 devraient être dévoilées la semaine prochaine par la FFA, mais le constat sera toujours valable : l’euro-croissance reste une goutte d’eau dans les plus de 1.600 milliards d’euros de l’assurance-vie en France.

Certains assureurs devraient toutefois nourrir des espoirs pour 2017. Car le support va profiter de la publicité offerte par les rendements élevés de quelques uns en 2016. A titre de comparaison, le rendement moyen des traditionnels fonds en euros devrait se situer, lui, autour de 1,90% pour 2016…

Les performances 2016 annoncées par les assureurs

  • Afer Eurocroissance (Aviva) : 6,87%
  • Eurocroissance 100 et Croissance 70 (CNP pour la Caisse d’Epargne) : 4,39% (performance de l’actif des deux supports)
  • Fonds G Croissance (Generali) : 4,15% (5,5% en 2015)
  • Alégria (AEP pour Nortia) : 2,96% (6,40% en 2015)
  • Fonds Agipi Euro Croissance (Axa) : 2,70%
  • Fonds Eurocroissance (BNP Paribas Cardif) : 0,82% sur le contrat BNP Paribas Avenir Retraite, 0,47% sur Multiplacements Diversifié, Multiplus Perspective et Cardif Essentiel (respectivement 10,75% et 10,69% en 2014 puis 0,20% et 0,57% en 2015)
  • Objectif Programmé (Crédit Agricole) : non communiqué

Attention à la périlleuse comparaison des rendements !

Sauf exception, les taux ci-dessus correspondent tous à la « performance globale des actifs », sur l’année 2016, exprimée en net de frais de gestion du contrat. Mais attention, comme les assureurs le répètent, il ne s’agit pas d’un rendement individualisé ! Autrement dit : à la différence d’un fonds en euros, aucun assuré ne perçoit la rémunération telle qu’elle est affichée. Le taux annoncé permet uniquement de jauger la gestion globale de l’assureur.

Pourquoi ? Car deux éléments viennent différencier les performances des épargnants : l’échéance choisie et le niveau de capital garanti. Pour rappel, l’euro-croissance offre une garantie en capital, partielle ou totale, à une échéance donnée, de 8 ans minimum. Ainsi, certains fonds ne garantissent pas 100% du capital versé (les assureurs parlent alors de fonds « croissance »), et d’autres ne prévoient une échéance qu’à un horizon très lointain, 40 ans par exemple. Or, plus l'échéance est lointaine, plus l’assureur peut prendre des risques dans sa gestion financière, et plus les rendements sont potentiellement intéressants.

Lire à ce propos : Comprendre les provisions mathématiques et de diversification de l’euro-croissance

Ainsi, la meilleure performance 2016 a été réalisée par Afer Eurocroissance, un fonds disposant d’une garantie à 100% mais avec une échéance comprise « entre 10 et 40 ans », au choix de l’épargnant. Les nouveaux entrants sur le marché l’ont bien compris : ainsi la Banque Postale vient de lancer un fonds « Croissance 80-12 ans » avec, comme son nom l’indique, une garantie en capital de 80% au bout de 12 ans.

Une marge de manœuvre différente selon les assureurs

Les performances 2016 s'avèrent ainsi symptomatiques des spécificités de l’euro-croissance. Suite à la chute des marchés boursiers début 2016, les gestionnaires devant assurer d’importantes garanties en capital ont dû sécuriser leurs actifs. Alors que les autres ont conservé une marge de manœuvre, et ont ainsi pu profiter pleinement du redressement des marchés financiers qui a suivi. Sandy Campart, directeur de l’IUP banque finance assurance de Caen, explique ainsi les bonnes performances de certains fonds euro-croissance par le « rallye des marchés boursiers à la fin 2016 ».

BNP Paribas Cardif, qui a misé de longue date sur ces fonds (3), rappelle ainsi dans sa communication qu'ils offrent une garantie à 100%, et que cet investissement s’envisage sur le long terme. L’assureur tente ainsi de dédramatiser ses contre-performances 2015 et 2016 en mettant en avant un rendement annualisé depuis 2010 (4,22% pour le fonds euro-croissance de BNP Paribas Avenir Retraite).

« Ce n’est pas un produit miracle »

Les bonnes performances d’ensemble, BNP Paribas Cardif mis à part, vont-elles relancer un produit au succès très relatif ? « Même si elle est conjoncturelle, cette surperformance va forcément relancer la collecte », juge l’économiste Sandy Campart. « Mais ce n’est pas un produit miracle. Il faudrait plusieurs années de fortes performances pour qu’il séduise très largement. »

Cet universitaire ne fait d’ailleurs pas partie des aficionados du produit : « Si l’on est sur des échéances à 15 ou 20 ans, il n’est pas nécessaire de se positionner sur l’euro-croissance pour aller chercher du rendement. A long terme, les supports en unités de compte offrent de meilleures perspectives. Selon moi, l’euro-croissance a surtout une vertu pédagogique, en apprenant aux épargnants à miser sur le long terme. » En sachant toutefois, en cas de bonne performance ponctuelle, que rien n’empêche un épargnant de retirer son pécule de façon prématurée, afin de récupérer ses gains.

Voir par ailleurs le comparatif de contrats avec un fonds euro-croissance

(1) Fédération française de l’assurance (2) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (3) BNP Paribas Cardif a transformé ses anciens fonds euro-diversifiés en euro-croissance.