La fiscalité appliquée aux héritages et donations est trop « complexe » et pas assez « redistributive », et devrait être réformée « en profondeur » pour renforcer l'égalité des chances et l'accès des jeunes générations au patrimoine, estime l'organisme de réflexion France Stratégie.

« La fiscalité en matière de successions et de donations est appelée à devenir un enjeu majeur pour la société française », souligne cet institut rattaché au Premier ministre dans une « note d'analyse » publiée jeudi, destinée à alimenter le débat de la campagne présidentielle. En cause, selon France Stratégie : des raisons démographiques, liées aux décès des générations nombreuses du baby-boom qui va entraîner une hausse significative des montants transmis. Mais aussi des raisons économiques, le patrimoine s'étant concentré ces 20 dernières années « entre les mains des plus aisés ».

Les transmissions, en euros constants, sont passées de 60 à 250 milliards d'euros depuis 1980 pour représenter aujourd'hui environ 19% du revenu des ménages, contre 8% voilà 35 ans. Et le phénomène devrait se poursuivre, puisque les transmissions pourraient représenter entre 25 et 30% du revenu dans la seconde moitié du XXIème siècle.

« Eviter l'apparition d'une société à deux vitesses »

« Dans un contexte de croissance économique ralentie, ce mouvement risque d'accentuer la reproduction sociale, puisque les destins individuels dépendront moins de la trajectoire des revenus individuels et davantage de l'importance des héritages reçus », souligne France Stratégie. Pour « éviter l'apparition d'une société à deux vitesses, où le patrimoine serait hérité à un âge avancé par une petite partie de la population », l'organisme dirigé par Jean Pisany-Ferry propose plusieurs pistes de réforme, destinées à modifier un système jugé « complexe ».

Première d'entre elles : une modification des règles d'abattement, actuellement identiques sur les successions et sur les donations, afin de favoriser les « transmissions plus précoces ». Une réforme qui ne s'attaquerait toutefois pas aux « inéquités du système », reconnaît France Stratégie.

Une « dotation universelle de patrimoine » versée par l'Etat

L'organisme de réflexion propose donc une deuxième option, consistant à taxer le patrimoine total reçu par l'héritier au cours de sa vie et non les héritages transmis à chaque décès. Dans ce schéma, le taux de taxation augmenterait en fonction du montant de patrimoine hérité, quelle que soit l'origine de la transmission. Une façon d'inciter les détenteurs de patrimoine à « disperser leur héritage », en transmettant des sommes aux individus ayant peu hérité.

France Stratégie évoque une dernière piste « complémentaire », et destinée à prendre en compte les personnes issues de familles ayant peu de patrimoine : celle d'une « dotation universelle de patrimoine » versée par l'Etat à tous les individus. Cette dotation, qui serait financée par une partie des recettes sur les transmissions, permettrait à chacun de bénéficier « d'un capital de départ au moment de l'entrée dans la vie adulte », souligne la note.