Dans un rapport signé de son futur ex-président, le CCSF évalue le phénomène des frais de tenue de compte en France et le compare avec ses voisins européens. Verdict : la généralisation et l’augmentation de cette ligne tarifaire sont loin d’être circonscrits à l’Hexagone.

Une « évolution structurelle », qui « se passe dans nombre d’autres pays européens » : tel est l’un des constats posés par Emmanuel Constans à propos de la généralisation récente des frais de tenue de compte. A la demande du ministère de l’Economie et des Finances, le futur ex-président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a en effet rédigé sur ce sujet polémique un rapport publié en début de semaine, en même temps que le rapport 2016 de l’Observatoire des tarifs bancaires.

En France, selon les données de cet Observatoire, le coût annuel moyen des frais de tenue de compte, pondéré par les parts de marché des différentes enseignes, a explosé entre début 2015 et début 2016, passant de 9,20 euros à 15,24 euros. Dans le même temps, le nombre d’enseignes pratiquant la gratuité sur ce service poursuivait sa chute, passant de 30 à 18. Toutefois, selon Emmanuel Constans, moins d’un Français sur deux paie directement ces frais de tenue de compte, les autres en étant exonérés ou les payant dans le cadre d’une offre groupée de services.

Une conjoncture de taux comparable

Ces phénomènes sont-ils comparables à ce qui se passe ailleurs en Europe ? Oui, répond Emmanuel Constans, qui en fournit l’explication : « L’ensemble des banques européennes sont en effet confrontées à une situation dans laquelle leur rentabilité souffre de la politique de la BCE et de ses conséquences sur la rémunération des dépôts obligatoires des banques. Les activités de transformation des dépôts et de crédits deviennent moins rentables. »

Constans observe un autre point commun entre les situations des différentes pays : la généralisation des frais de tenue semble contemporaine de la transposition, dans les différents droits nationaux, de la directive dite PAD (pour Payment Accounts Directive), un texte européen de 2014 destiné à améliorer la transparence et la comparabilité des comptes bancaires, et qui est notamment à l’origine en France du lancement d’un comparateur public de tarifs bancaires et de la mise en place du contrat de mobilité. « La mise à plat des textes régissant les comptes de paiement a été manifestement, dans de nombreux pays, l’occasion de revoir les offres et leurs tarifications », note ainsi le rapport.

Des modes de facturation différents

Dans le détail toutefois, des différences subsistent entre les pays européens. Le pays le plus proche de la France est sans doute les Pays-Bas, où la tenue du compte est facturée entre 2 et 5 euros par trimestre, indépendamment des moyens de paiement et des services complémentaires, facturés à part ou dans des packages. Même cas de figure en Irlande, où les frais de tenue de compte sont facturés entre 18 et 48 euros par an, selon les banques. Les clients les plus actifs, ceux notamment dont les dépôts dépassent un certain seuil (entre 1.000 et 3.000 euros) en sont exonérés. Contrairement à la France, où cette avantage tarifaire est souvent négocié au cas par cas, il est là clairement annoncé dans les plaquettes tarifaires.

Autre cas de figure : en Suède, les banques ne facturent pas directement les frais de tenue de compte, mais font la part belle aux offres groupées de services, avec des offres de base peu onéreuses, comprises entre 12 et 18 euros. Les services en agence, dont le nombre a baissé de 11% en 5 ans, y sont en revanche très chers. L’offre groupée de services est également devenue incontournable en Pologne. Comme en Irlande ou en Allemagne, les clients les plus actifs peuvent réduire la facture s’ils effectuent suffisamment de transactions par carte et utilisent les services de banque en ligne.

En Autriche, des frais de tenue de compte plafonnés

Il existe un pays, l’Autriche, qui a choisi une autre voie : dans le cadre de la transposition de la directive PAD, les pouvoirs publics locaux ont en effet fixé des plafonds annuels pour les frais de tenue de compte. Ils sont d’un montant élevé : 40 euros pour les clients fragiles, 80 euros pour les autres. Mais la réglementation autrichienne donne une définition assez extensive de la tenue de compte, y incluant notamment une carte de retrait. Ce qui l’apparente ainsi plutôt aux services bancaires de base proposés gratuitement en France aux usagers du droit au compte.