L’ACPR a rendu publique aujourd’hui une décision concernant la néobanque Morning. Le régulateur banque-assurances lui reproche de ne pas avoir « mis en œuvre les diligences requises pour assurer la protection des fonds reçus de sa clientèle ». La fintech, elle, se veut rassurante et annonce que sa situation est en cours de régularisation.

C’est un coup dur pour Morning. L’établissement de paiement toulousain, qui s’apprête à lancer début 2017 un compte avec carte de paiement, fait l’objet de mesures conservatoires, décidées le 1er décembre par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et publiées aujourd’hui 7 décembre. Aux termes de celles-ci, « il est interdit à la SAS MORNING de fournir des services de paiement » et « de débiter le compte de cantonnement », a décidé l’ACPR. En résumé : c’est toute l’activité de Morning qui, dans l’immédiat, semble remise en question.

Contacté par cBanque, Eric Charpentier, fondateur et CEO de Morning, avoue être tombé de haut en recevant ce matin le courrier l’informant de ces mesures conservatoires. Mais il tient à rassurer : « Nous sommes en capacité de reverser les cagnottes de nos clients dans des délais normaux, et des dispositions ont déjà été prises pour régulariser la situation vis-à-vis de l’ACPR ».

Un « point de conformité »

Comment en est-on arrivé là ? C’est l’usage fait par la start-up, née à Toulouse en 2013 sous le nom de Payname, de son compte de cantonnement qui est à l’origine des mesures conservatoires. En tant qu’établissement de paiement, Morning n’est en effet pas autorisé à détenir en son nom propre les dépôts effectués par ses usagers dans leurs comptes de monnaie électronique. Elle cantonne donc ces sommes sur un compte détenu par un établissement de crédit, en l’occurrence le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne.

Premier reproche de l’ACPR : la société a prélevé sur ce compte 500.000 euros en septembre 2016, « pour la verser sur un compte à terme nanti au profit d’un organisme tiers dans la perspective du lancement envisagé d’une nouvelle activité », détaille la décision. Eric Charpentier confirme que Morning a utilisé les fonds déposés par ses clients en vue d’apporter une garantie sur les paiements effectués à l’aide des cartes MasterCard Morning. Il s’agit d’un « point de conformité », selon lui : Morning a estimé qu’elle pouvait utiliser les dépôts de ses clients pour garantir ces paiements, l’ACPR lui demande d’utiliser pour cela des fonds propres. Toujours selon le régulateur, Morning n’a toutefois pas été capable, avant le 1er décembre en tout cas, de réintégrer la garantie dans le compte de cantonnement. L’ACPR, par ailleurs, mentionne un « rapport spécial d’alerte du commissaire aux comptes », indiquant que « la trésorerie de la société était devenue négative au 17 novembre 2016 ».

Mais il y a plus. L’ACPR explique en effet avoir été informée le 23 novembre 2016 par le commissaire aux comptes de Morning que « le montant des fonds de la clientèle à cantonner était supérieur à celui déclaré par la société ». En clair : que Morning avait sous-estimé le montant réel des dépôts effectués par ses clients, d’un montant de 538.494 euros. Un écart qu’Eric Charpentier explique : Morning, à l’époque Payname, a en effet commencé son activité de cagnotte en ligne avant d’obtenir l’agrément d’établissement de paiement. La somme correspond donc, selon lui, à des dépôts captés avant l’agrément. Une situation qui « nécessite une régularisation », admet le patron de Morning.

La procédure contradictoire a débuté

Des sommes cantonnées jugées insuffisantes pour couvrir les dépôts de ses clients ; un doute sur la capacité de la société à remédier à cette insuffisance en l’absence de trésorerie : l’ACPR considère que Morning « n’a pas mis en œuvre les diligences requises pour assurer la protection des fonds reçus de sa clientèle , et donc que les « intérêts [de ces derniers] sont susceptibles d’être compromis ». Une situation dont « la gravité » et « l’urgence » justifient, selon le régulateur, de rendre publique la décision, sans attendre la mise en œuvre de la procédure contradictoire préalable, généralement prévue.

Les mesures prises par le régulateur, toutefois, ne sont que conservatoires, et cette procédure contradictoire a désormais commencé. Eric Charpentier indique ainsi être déjà en contact avec l’ACPR, afin de lui apporter toutes les garanties. Il n’y a « pas de raison de surréagir », rassure le CEO, qui espère une levée rapide des mesures conservatoires.