Ephémère banque publique, tête de pont d’un large groupe de banques régionales, le CIC a longtemps jonglé entre messages locaux et nationaux dans ses publicités. Avant de trouver sa marque de fabrique avec la saga de la « banque d’en face » dans les années 2000. Flash-back.

Quiz : listez trois feuilletons publicitaires tournant autour d’un même gag, d’un même acteur ou d’un même univers depuis 10 ans ? Nespresso et George Clooney ? Bonne réponse : la saga a été lancée en 2006. Maaf et l’univers de Palace ? Oui, les 10 ans ont été fêtés en 2014. Et dans le secteur bancaire ? Réponse : le CIC et la saga « banque d’en face » lancée au milieu des années 2000. Il faudra toutefois tenir encore une quinzaine d’années pour afficher la même longévité que Don Patillo, célèbre curé des Panzani.

Difficile, en effet, de faire vivre des sagas aussi longtemps dans le monde publicitaire : « Si les sagas apportent de nombreux et réels bénéfices à la marque qui les utilisent (installation d’une identité de marque très spécifique, entrée dans une sorte de patrimoine publicitaire…), elles peuvent également enfermer une marque dans une identité dont il est parfois difficile de sortir », expliquent Françoise Hernaez Fourrier et Jérémy Daumard, membres de l’observatoire publicitaire banque-assurance chez Ipsos Connect, dans un article dédié aux sagas en 2014. « Le véritable enjeu pour les marques est de réussir à faire évoluer dans le temps sa saga, en la rendant toujours actuelle et en évitant ainsi un essoufflement et une lassitude croissante. »

Le CIC longtemps dans le top 10 des pubs préférées des Français

Chose que le CIC, à l’image de Nespresso, a « réussi à faire » selon ces observateurs, qui soulignent la présence répétée de la saga CIC dans le top 10 du palmarès Ipsos des publicités préférées des Français : « 7 fois (...) depuis 2004 ». Une performance « rare » pour une « communication bancaire », selon Jérémy Daumard.

Signe d’un certain essoufflement, Le CIC n’apparaît plus dans ce top 10 depuis 2011. La dernière déclinaison de cette saga, version vente de téléphones mobiles (ci-dessus), reprend les mêmes codes mais atténue l’aspect burlesque des débuts de la saga. Le slogan a aussi évolué depuis le lancement de ce feuilleton, avec l’arrivée de la signature « Construisons dans un monde qui bouge » en 2013.

Le contraste avec une agence d’un autre siècle

Retour sur la génèse de cette saga à succès. Au début des années 2000, le CIC s'appuie sur un nouveau slogan, « Parce que le monde bouge », et insère de l'humour dans une communication jusqu'alors très institutionnelle. A l'image de ce spot TV de 2004 mettant en scène un jeune confronté à l’impossibilité de payer, faute de provisions suffisantes sur son compte.

Cet esprit burlesque se décline l’année suivante dans l’un des premiers épisode de la saga de la « banque d’en face ». Un jeune actif fait alors face à un chargé de clientèle immobile lorsqu’il lui demande des solutions adaptées à sa situation. Une métaphore de l’immobilisme de certains réseaux – autres que le CIC à en croire cette campagne – qui semblent figés dans le XXe siècle.

Un procédé décliné dans de multiples situations par la suite. Même si les conseillers bancaires changent, ils restent toujours aussi dépassés par les demandes de leurs clients, comme ici en 2011.

« Banques groupe CIC » : quand l’union fait la force

Cette saga marque d’autant plus l’histoire publicitaire du CIC qu’une plongée dans les archives de l’INA pointe le décalage avec le message colporté par l’enseigne pendant des décennies. Créé en 1859 par Napoléon III, la Société Générale de Crédit industriel et commercial prend une dimension nationale après la Première Guerre mondiale. Elle entre alors au capital de nombreux établissements régionaux : la Banque Dupont, le Crédit industriel d’Alsace et de Lorraine, la Banque Scalbert, le Crédit Nantais, le Crédit industriel de l’Ouest, etc. Avant de, en 1929, l'Union des Banques Régionales pour le Crédit Industriel qui réunit « 18 banques régionales et locales autour du CIC ».

Suite à l’entrée du CIC dans le giron du groupe Suez, en 1968, le maillage du territoire à travers de multiples enseignes s'impose toujours comme un axe de communication fort. Comme dans cette campagne télévisée de 1973, où la voix off annonce, par dessus le son du clairon, que les « quinze banques » du groupe CIC « vous prêtent main forte pour défendre votre argent ! »

Le logo des « banques groupe CIC » est alors un maillon, symbole de l’union d’établissements locaux sous une même enseigne au niveau national. C’est d’ailleurs le message appuyé dans cette publicité du Crédit industriel de l’Ouest (CIO) pour montrer, carte à l’appui, que les enseignes du groupe couvrent tout l’Hexagone. Une publicité reprise, sous une forme similaire, dans d’autres régions.

Le tournant de la privatisation

Cette communication relativement institutionnelle n’empêche pas la diffusion, ponctuelle, de quelques spots moins classiques. Comme cette campagne, en musique, en chanson, et sur fond de dessins animés, pour faire la promotion du compte électronique accessible pour les adolescents, dès 13 ans, avec la « carte Moa ». En 1984, le CIC vient alors, comme de nombreuses grandes entreprises, de faire l’objet d’une nationalisation.

La procédure de privatisation, progressive, est lancée près de 10 ans plus tard, et achevée en 1998 avec le rachat par le Crédit Mutuel (groupe Centre Est), pour former le groupe aujourd’hui appelé CM11-CIC. Le logo bleu, rouge et vert avait lui fait son apparition dès 1997. La communication télévisée se fait alors encore très policée, quelques années avant le lancement du slogan « Parce que le monde bouge » puis de l’arrivée de la saga de la « banque d’en face ».

Le CIC et les YouTubeurs

Cyprien, Norman, Stéphane de Groodt, Gonzague… Le CIC a choisi d’embaucher les stars du web – et du petit écran – pour faire sa promotion sur YouTube. Sans oublier les productions « maison » comme la web-série « Les 2 minutes du Pr. Roger Nialle » ou la plus récente « #TopLab ». Une recette payante : quatre vidéos du CIC dépassent les 2 millions de vues, et une douzaine le million.

Lire aussi : Cyprien, Kev Adams… Comment les banques utilisent YouTube pour toucher les jeunes