La loi Hamon a-t-elle permis de renforcer la concurrence sur le marché de l’assurance de prêt immobilier ? L’impact s’avère « très limité » selon un rapport parlementaire, qui pointe les « réticences » des banques à accepter d’autres contrats d’assurance, et des tarifs de plus en plus segmentés.

Ce mardi après-midi, les députés devraient adopter la possibilité de résilier chaque année son assurance de prêt, dans le cadre du projet de loi Sapin 2. Ce dernier est soumis au vote définitif de l’Assemblée et, dans sa version actuelle, il introduit la résiliation annuelle dans le code de la consommation.

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Pourtant, en juillet 2014, le volet de la loi Hamon visant à rendre ce marché plus concurrentiel est entré en vigueur. Depuis, les emprunteurs ont un an, suite à la signature de leur crédit, pour substituer l’assurance de groupe proposée par leur banque par un contrat alternatif dont les garanties sont équivalentes. Une mesure qui devait donc ouvrir un marché très largement dominé par les banques.

Les banques jouent avec la notion d’équivalence

Le rapport d’information déposé le 19 octobre dernier à l’Assemblée nationale par les députés LR Damien Abad et PS Philippe Kemel constate l’impact « très limité » de la mesure. Pourtant, les deux parlementaires estiment que la possibilité de substitution ou de délégation de l’assurance emprunteur était « désormais bien connue ». Mais si les particuliers connaissent leur droit en la matière, ils l’appliquent toujours peu. Sur l’encours global des assurances de prêt, la part des contrats délégués reste de 12% en 2015 selon la Fédération française de l’assurance, soit exactement la même proportion qu’en 2011.

« Le problème est que le système assurantiel développe des contrats segmentés dans les risques, qui multiplient la présentation de ces risques », a expliqué le député Philippe Kemel, en commission, avant de poursuivre : « Du coup, la substituabilité d’un contrat à l’autre ne devient pas aussi évidente qu’elle pouvait l’être hier. » Le rapport pointe ainsi les « réticences des établissements bancaires à accepter d’autres contrats d’assurances, s’appuyant pour ce faire sur la notion d’équivalence des garanties ». Les banques s’appuieraient ainsi sur des contrats « jamais strictement identiques » pour refuser la substitution.

La « démutualisation » a déjà eu lieu

La loi Hamon aurait par ailleurs eu à la fois un impact favorable et un effet pervers sur les coûts de l’assurance emprunteur. « Elle aurait conduit les banques à proposer des contrats plus compétitifs », souligne le rapport. Problème, cette évolution « aurait également eu pour effet d’inciter les banques à segmenter davantage leur clientèle et à proposer à leurs clients des offres plus ajustées au profil de risque des emprunteurs, entraînant une certaine démutualisation du risque ». Autrement dit : une couverture plus avantageuse et moins coûteuse pour les plus jeunes, par exemple, au détriment des emprunteurs plus âgés.

Les parlementaires basent en particulier ce constat de « démutualisation » sur les auditions d’associations de consommateurs. Or, c’est justement en soulevant le risque de démutualisation que la Fédération française des banques (FBF) s’est opposée à la résiliation annuelle ouverte par le projet de loi Sapin 2.

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Le risque de segmentation de ce marché, et de démutualisation des risques, serait donc réel puisque la loi Hamon l’aurait provoqué malgré son impact limité. Mais les banques ont d’ores et déjà enclenché ce mouvement, sans attendre la loi Sapin 2.