Le mandat de mobilité bancaire issu de la loi Macron va grandement faciliter le changement de banque, à compter de février 2017. Les banques traditionnelles, à réseaux d’agences, doivent-elles craindre cette échéance ? Et quels sont les leviers à leur disposition pour endiguer le départ de leurs clients vers les banques en ligne, voire vers les « comptes sans banque », moins chers et mieux adaptés aux nouveaux usages ?

« Pourquoi créer maintenant une banque (…) ? » Cette question, c’est Orange qui se la pose, dans un récent mémo consacré à ses activités dans les services financiers. L’opérateur télécom, qui justement lancera Orange Bank en France début 2017, affiche trois arguments : une « explosion des usages du mobile » ; une « adoption croissante de la banque en ligne » ; une « évolution du contexte réglementaire favorable », enfin, grâce à la « portabilité du compte bancaire en 2017 ».

Comme la future Orange Bank, certaines banques en ligne françaises attendent avec impatience l’entrée en vigueur, le 6 février 2017, du volet de la loi Macron consacré au changement de banque. A compter de cette date en effet, les clients bancaires pourront signer un « mandat de mobilité bancaire » avec leur nouvelle banque, qui prendra alors en charge les changements de domiciliation des virements et prélèvements, le suivi des chèques émis et même la clôture de l’ancien compte.

« C’est maintenant (…) que la [banque en ligne] va prendre pleinement son essor (…), et la loi Macron va (…) accélérer cette transformation », expliquait ainsi récemment à cBanque le nouveau patron d’ING Direct, Olivier Luquet. « La loi Macron a été médiatisée, et le mandat de mobilité va peut-être servir de réveil pour les Français », confirme Françoise Mollet, du cabinet de conseil Investance.

La loi Macron, une opportunité marketing

Qu’en pensent les banques traditionnelles ? Pas de panique dans l’immédiat. D’abord parce que, comme le rappelle Françoise Mollet, les banques en ligne « sont de toute façon [leurs] filiales ». Ensuite parce que si le frein administratif au changement de banque est en passe de sauter, d’autres persistent, liés au crédit immobilier ou à certains produits d’épargne. Enfin, parce qu’elles sont bien placées pour savoir qu’en matière bancaire, les habitudes ne changent pas du jour au lendemain.

Pour autant, l’entrée en vigueur du mandat de mobilité promet, au moins à la marge, de rebattre les cartes, et pourrait donc faire des gagnants et des perdants. « Les gagnants seront ceux qui ne percevront pas la loi Macron comme une contrainte réglementaire, mais comme une opportunité marketing », estime ainsi Stéphane Maureau. « La nécessité de séduire le client va revenir au cœur du système ».

Le directeur général d'Isilis sait de quoi il parle. De longue date, sa société fournit aux banques une solution clé en main de changement de domiciliation bancaire. Avec l’arrivée du mandat de mobilité, elle a dû revoir son modèle économique. Et propose désormais des services de récompense client et de fidélisation.

La qualité du service avant tout

Stéphane Maureau en est persuadé : « Le premier enjeu est de générer de la satisfaction. » Problème : dans le domaine, les banques traditionnelles sont clairement en difficulté. Dans une étude du cabinet Bain & Company datant de 2014, les banques à réseaux affichaient un indice de recommandation (1) négatif (-11%), alors que celui des banques en ligne atteignaient 52%. Or la recommandation d’un proche est précisément le premier critère de choix d’une nouvelle banque…

« Pour éviter que le client parte, il lui faut un conseiller réactif, capable de lui faire sentir qu’il est reconnu, grâce à des petites attentions proposées au bon moment », estime Stéphane Maureau. « Tout ce qui permet de lui dire : je vous connais et j’apprécie que vous soyez mon client. » Un vrai défi dans le contexte actuel, qui voit plutôt les conseillers se raréfier et gérer des portefeuilles de clients de plus en plus épais.

Pression sur les prix ?

Qu’en est-il de l’autre levier à la disposition des banques, celui des tarifs ? « La pression va être forte sur les prix », confirme Stéphane Maureau. Comme elle l’a été pour les abonnements mobiles au moment de la mise en œuvre de la portabilité du numéro.

Toutefois, si les tarifs bancaires sont un critère important au moment de choisir sa nouvelle banque, ils ne le sont pas nécessairement dans le choix de quitter sa banque actuelle. « Aujourd’hui, un tiers des mobilités bancaires font suite au rachat d’un crédit immobilier et un autre tiers à un déménagement », explique le directeur général d’Isilis. L’insatisfaction et la recherche du meilleur prix ne sont donc à l’origine que d’environ un changement de banque sur trois environ.

Cela tombe plutôt bien, car les marges de manœuvres des banques traditionnelles dans le domaine sont très réduites actuellement, en période de taux bas et de pression réglementaire. « Concernant les tarifs, il y a des limites économiques et toutes les banques me semblent aujourd’hui proches d’un plancher », constate Stéphane Maureau. A défaut de baisser leurs tarifs, les banques traditionnelles vont donc devoir convaincre leurs clients que si elles sont plus chères, c’est parce qu’elles offrent un service de meilleur qualité. Au boulot !

La DSP2 plus inquiétante que la loi Macron ?

Si le nouveau dispositif de changement de banque issu de la loi Macron est une évolution d’importance, il apparaît moins inquiétant pour les revenus des banques qu’une autre évolution à venir : l’ouverture, à certains tiers, des données bancaires, telle que prévue par la 2e directive européenne sur les services de paiement (DSP2), en cours de mise en œuvre. « La DSP2, qui facilite l’usage des agrégateurs de comptes et des services de paiement tiers, est un plus grand danger que la loi Macron », confirme Françoise Mollet. « Les banques doivent trouver la parade, en fidélisant d’urgence leurs clients. »

(1) L’indice utilisé est le Net Promoter Score (NPS), calculé en soustrayant le pourcentage de clients ne recommandant par leur banque du pourcentage de ceux qui la recommandent.