Les courtiers en prêts immobiliers annoncent à cor et à cri que les taux n’ont jamais été aussi bas. Et qu’emprunter en dessous du 1% symbolique est désormais envisageable ! Oui, mais ce « taux de rêve » n'est réservé, aujourd'hui, qu’à une poignée de privilégiés…

« On peut emprunter à moins de 1% sur 20 ans ! » Des « meilleurs dossiers » obtenant du 0,90% voire 0,70% sur 15 ans ! Des taux record à 1% ou 1,05% sur 25 ans ! Dans leurs communications, les courtiers en crédit immobilier vendent du rêve en cet automne. Logique, en 2016, les records de taux bas ont été battus chaque mois ou presque. Et de nombreux acteurs estiment que le plancher a désormais été atteint.

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Le cap des 2% ayant été franchi, le nouveau seuil à battre est de 1%. Possible ? Oui à en croire les courtiers. Facile ? Pas sûr. Même sur 15 ans, une durée relativement courte qui permet d’optimiser le financement, le taux fixe moyen était de 1,26% en septembre selon l’observatoire Crédit Logement-CSA. De même source, les emprunteurs ayant obtenu les conditions de financement les plus avantageuses (1) sur 15 ans ont décroché du 1,01% en moyenne. Certains parviennent donc à obtenir du 1% ou moins, mais il s’agit clairement d’une minorité ! Qui sont donc ces « meilleurs dossiers » ?

Banques : « au cas par cas » malgré les grilles de taux

La question a été posée aux principales intéressées : les banques. Mais elles rechignent à décrypter leur stratégie commerciale, évoquant une politique du « cas par cas ». Huit grands réseaux ont été contactés. Seulement deux nous ont délivré des éléments de réponse. La Société Générale confirme ainsi pouvoir « prêter dans certains cas à moins de 1%, quand il s’agit de très beaux profils en termes de revenus, disposant d’un apport de plus de 15% et sur des durées courtes, inférieures à 15 ans ». LCL évoque des prêts immobiliers à 1% ou moins « principalement en acquisition de bien et rachats de crédits », et pour des durées très courtes, de moins de 7 ans, tout en insistant sur le « cas par cas ».

« De très beaux profils en termes de revenus, disposant d’un apport de plus de 15% »

Si chaque emprunteur est à part, il existe pourtant des grilles de taux, régulièrement actualisées, avec des tarifs plus ou moins compétitifs pour chaque durée. En agence, les chargés de clientèle dévoilent même parfois ces grilles à leurs clients pour leur montrer qu’ils ne pourront obtenir mieux. Et les courtiers évoquent chaque mois les « barèmes » que leur envoient les banques.

Un emprunteur entre-t-il donc dans une case de ces fameux barèmes en fonction de son profil ? « Il y a 5 ou 6 ans, les barèmes dédiés aux courtiers étaient plutôt figés », raconte Cécile Roquelaure, directrice de la communication du courtier Empruntis. « Aujourd’hui, les banques transmettent toujours des barèmes avec différents critères - revenus, apport et durée notamment - mais elles acceptent plus facilement des décotes. » Les banques dérogent donc effectivement à leur grille de taux « au cas par cas », selon l’intérêt qu’elles portent au client-emprunteur. « Surtout les mutualistes », précise Cécile Roquelaure, c’est-à-dire les réseaux Crédit Mutuel, Crédit Agricole, Caisse d’Epargne et Banque Populaire.

55.000 euros annuels pour du 1% sur 20 ans

Le premier critère de jugement reste les revenus. Actuellement, pour un prêt sur 15 ans, les « meilleurs dossiers » peuvent profiter d'un crédit à 1% ou moins selon Empruntis. « Il va quand même falloir 40.000 euros de revenu annuel », soit plus de 3.300 euros par mois pour le ménage. En sachant que dans le cas d’un couple avec un CDI et un CDD, « la banque va uniquement se baser sur les revenus du CDI », affirme Cécile Roquelaure. En revanche, pour un crédit de 20 ans, les barèmes affichent au minimum du 1,08% en cette fin octobre. « Sur 20 ans, le moins de 1% ce sera l’exception », explique-t-elle.

« Sur 20 ans, le moins de 1% ce sera l’exception »

Une exception qu’elle juge envisageable, dans le cadre d’une négociation, pour un foyer pouvant justifier de 55.000 euros de revenus par an et d’un apport de 20%. Sans apport, les revenus doivent grimper à 70.000 euros, soit près de 6.000 euros par mois. Et ces seuils ne valent que pour la province : « En Ile-de-France, il va falloir 100.000 euros et des contreparties ».

LCL confirme en effet que les contreparties facilitent la négociation : « Il est certain que nous serons amenés à considérer les efforts du client dans son intention de nous confier ses besoins bancaires, son épargne, ses assurances. » Pour obtenir le taux le plus bas, la domiciliation des revenus est alors un prérequis, la souscription de l’assurance emprunteur proposée par la banque tout aussi importante, celle de l’assurance habitation un plus, tout comme l’ouverture de produits d’épargne.

Le couple en CDI, en début de carrière…

Décrocher du 1% ou moins requiert donc un alignement des planètes : revenu au-dessus de la moyenne, apport conséquent, accepter des contreparties, le fait d’être primo-accédant ou non, etc. Ce sont en effet les jeunes ménages achetant leur première résidence principale qui intéressent le plus les banques. Car leurs revenus peuvent augmenter, ils peuvent ouvrir des comptes pour leurs - futurs - enfants, etc.

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Même avec un profil idéal, sur la durée d'emprunt la plus courante (2), 20 ans, il faut toutefois un petit coup de pouce pour signer à moins de 1%. Dans son baromètre des « chouchous des banques » publié fin septembre, VousFinancer détaille une dizaine de dossiers ayant obtenu des taux très bas, partout en France. Un seul était sous ce cap symbolique : 0,90% sur 20 ans, à Nantes, pour un couple de primo-accédants, de 33 et 34 ans. Avec 3.500 euros de revenus mensuels, à deux, ils affichaient pourtant un profil « standard ». Mais ils avançaient 300.000 euros d’apport, pour un achat de 570.000 euros. Un cas particulier ! Bref, un crédit à 1% ou moins, c’est possible, mais clairement pas pour tout le monde…

Voir par ailleurs l'indicateur des taux de crédit immobilier

(1) L’observatoire Crédit Logement-CSA découpe les emprunteurs ayant obtenu un financement en quatre groupes, par durée. Il s’agit donc des 25% de particuliers ayant obtenu les meilleurs taux sur 15 ans en septembre 2016.

(2) En septembre, selon Crédit Logement-CSA, la durée moyenne des prêts est de 18 ans et 7 mois pour l’accession à la propriété dans l’immobilier ancien, et de 19 ans et 5 mois pour l’achat d’une résidence principale dans le neuf.