Quelques plateformes de financement participatif s’étaient déjà positionnées sur l’aide aux étudiants. Mais c’était jusqu’ici par le biais du don voire du prêt sans intérêt. Studylink propose à la fois des prêts avec et sans intérêt. Même si, côté prêteurs, le cofondateur Jérémy Ruet voit plus son offre comme un produit d'épargne solidaire.

Vous avez lancé votre site de « prêt étudiant entre particuliers » en juin 2016. Depuis quand est-il opérationnel ?

Jérémy Ruet : « Les étudiants ont commencé à s’inscrire à la fin juillet. En 3 mois, 200 étudiants ont demandé un financement. Nous vérifions alors l’inscription scolaire et la capacité de remboursement post-diplôme avant que leur fiche soit visible aux 250 prêteurs inscrits. Neuf collectes sont en cours (1). »

Comment parvenez-vous à proposer du prêt rémunéré entre particuliers ? Le seul site qui en propose à grande échelle, Younited Credit, dispose d’un statut d’établissement de crédit…

J.R. : « Nous sommes dans le cadre réglementaire du crowdfunding. Nous avons un statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP), nous sommes enregistrés à l’Orias (2), et nous travaillons avec S-Money, du groupe BPCE, comme prestataire de services de paiement. Le prêt entre particuliers avec intérêts est en effet autorisé pour le financement d’une formation initiale ou continue (3). »

Pourquoi les autres plateformes n’en ont-elles pas profité ?

J.R. : « Nous sommes très clairement sur un marché de niche. Le prêt participatif aux entreprises, ou crowdlending, c’est un marché à plusieurs milliards d’euros. Or, en France, le prêt étudiant, c’est 700 millions d’euros par an. »

« Notre objectif n’est pas d’être une plateforme élitiste ! »
Espérez-vous que ce marché, accaparé par les banques, se développe ?

J.R. : « En France, une faible part d’étudiants emprunte. Car une majeure partie d’entre eux est financée par leur famille. Nous y voyons justement une piste de développement : servir de plateforme technique à un prêt familial. »

Quels sont vos objectifs d’ici l’été 2017 ?

J.R. : « On vise une cinquantaine d’étudiants financés sur la première année d’existence, pour un prêt moyen entre 8.000 et 10.000 euros. Nous avons noué des partenariats avec des écoles en ce sens. »

Quel est le profil des étudiants sur votre plateforme ? Parmi les projets listés, il y a beaucoup d’écoles de management…

J.R. : « Notre objectif n’est pas d’être une plateforme élitiste ! D’ailleurs, nous finançons la formation initiale comme la formation continue. La première collecte bouclée, de 1.000 euros, concerne ainsi un étudiant en formation continue d’ébéniste, dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Nous ne souhaitons pas financer uniquement des étudiants en école de commerce mais, statistiquement, ce sont ceux dont le coût de scolarité est le plus important. Et, avec ce type de cursus, nous sommes aussi en mesure de calculer une estimation du potentiel de remboursement à la sortie. »

Vous sélectionnez les dossiers sur la base des capacités futures de remboursement : en quoi est-ce plus intéressant, pour l’emprunteur, que de contacter une banque ?

J.R. : « La banque va examiner le dossier en fonction des garanties : les parents. Nous, nous partons du principe que l’étudiant va rembourser, avec un différé éventuel : nous n’analysons pas le contexte familial, uniquement le salaire potentiel et donc la capacité de remboursement. »

Est-ce plus compliqué d’attirer les prêteurs ou les emprunteurs ?

J.R. : « Les prêteurs. Nous avons des prêteurs qui font partie du cercle de l’étudiant : là, c’est lui qui va communiquer auprès d’eux. C’est plus facile dans ce cadre : on prête à quelqu’un que l’on connaît. Nous avons aussi des prêteurs dans une optique d’épargne sociale et solidaire. Ils ne sont pas là pour le rendement mais pour que leur argent ait une utilité. »

« Il ne faut pas espérer des taux de 7% à 8%. »
Quels sont les taux d’intérêt ?

J.R. : « Il ne faut pas espérer des taux de 7% à 8% comme sur les plateformes de prêt aux PME. Nous déterminons le taux maximum avec l’étudiant, selon la durée de son emprunt et son profil. On laisse ensuite le choix au prêteur : le taux maximum ou un taux intermédiaire. Actuellement, nous avons un étudiant qui réalise une collecte avec un taux maximum à 3,50% mais son taux moyen, à ce jour, est de 1,50%. »

Quel est le processus en cas d’absence de remboursement ?

J.R. : « L’objectif, c’est que les crédits soient remboursés. C’est pour cela que nous prévoyons un différé partiel pendant les études, puis après le diplôme selon les statistiques d’insertion fournies par l’école. Nous incitons par ailleurs les étudiants à entrer en contact avec les prêteurs, dans l’idée d’humaniser la relation et ainsi pour favoriser des règlements amiables par la suite. »

Comment Studylink finance-t-elle son activité ?

J.R. : « L’utilisation de la plateforme est gratuite côté prêteurs. Côté emprunteurs, il y a une commission de 4% lors de la mise en place du prêt : pour financer 960 euros, il faut donc emprunter 1.000 euros. »

D’autres plateformes pour financer les étudiants

Avant Studylink, d’autres plateformes ont investi le créneau du financement des études. Mais StudentBackr ou encore Eduklab fonctionnent sur le principe du don, avec ou sans contrepartie. La plateforme What if community a elle cessé son activité après 2 ans d’existence. Quant aux plateformes EasiUp ou HelloMerci, elles proposent du prêt entre particuliers mais pour tout type de projet et sans rémunération du prêteur.

(1) L’interview a été réalisée le 27 septembre. Ce lundi 3 octobre, seules quatre collectes étaient en ligne. Lorsque le montant visé n’est pas collecté, le prêt n’est pas réalisé, sur le principe du « tout ou rien » comme indiqué sur Studylink.

(2) Organisme du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance.

(3) Ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif.