La Banque de France souhaite fixer trois taux de l’usure différents pour les crédits immobiliers, en fonction de leur durée initiale. Une évolution, attendue pour le début 2017, qui pourrait avoir un impact sur le niveau des taux de crédits supérieurs à 20 ans.

Trois seuils de l’usure différents, selon que le prêt immobilier est d’une durée inférieure à 10 ans, comprise de 10 ans à moins de 20 ans ou de 20 ans et plus, contre un seul actuellement quelle que soit la maturité du prêt : telle est l’évolution envisagée dans un projet d’arrêté présenté le 12 juillet dernier au Comité consultatif du secteur financier (CCSF).

Mise à jour (5 octobre 2016) - L'arrêté, daté du 26 septembre 2016, a été publié au Journal officiel du 1er octobre 2016. Les nouveaux taux de l'usure des prêts immobiliers à taux fixes, distingués par tranche de maturité, entreront donc en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

L’initiative prise par la Banque de France est pour le moins inattendue. A la demande des professionnels du regroupement de crédits, l’institution avait récemment modifié l’arrêté du 24 août 2006, qui encadre la catégorisation des seuils de l’usure, pour gommer certains effets jugés pervers de la récente directive européenne sur le crédit hypothécaire. Mais il ne semble pas avoir été question, à l’époque, d’introduire de nouveaux taux distingués en fonction de la maturité des prêts.

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Des taux bizarrement plus élevés pour les durées courtes

Pour en évaluer l'impact, la Banque de France a fourni aux membres du CCSF présents à la réunion du 12 juillet quelques statistiques, dont cBanque a pu obtenir copie. On y découvre ce qu’auraient été les seuils de l’usure - pour mémoire, les taux maximum, mis à jour chaque trimestre, que les banques sont autorisées à pratiquer - à différentes périodes, remontant jusqu’en 2004, si les nouvelles tranches de maturité avaient été en vigueur. Les seuils de l’usure, en effet, sont le reflet de l’état du marché des crédits immobiliers. Pour les calculer, la Banque de France collecte les taux effectivement pratiqués par les banques au cours d’un trimestre. A partir de ces données, elle publie un taux effectif moyen (TEM) qui, augmenté d’un tiers, devient le taux d’usure du trimestre suivant pour chaque catégorie de prêts (immo mais aussi conso et pro).

Ces statistiques réservent quelques surprises. On y découvre notamment que les taux moyens des crédits immo d’une durée inférieure à 10 ans sont systématiquement plus élevés que ceux des prêts de 10 à moins de 20 ans, et régulièrement que ceux d’une durée de 20 ans et plus. Exemple : actuellement, le taux d’usure appliqué à l’ensemble des crédits immobiliers à taux fixe est historiquement bas, à 3,92%. Si les nouveaux seuils avaient été appliqués, ils auraient été de 4,01% pour les crédits de moins de 10 ans, de 3,86% pour ceux compris de 10 ans à moins de 20 ans et de 3,95% pour ceux de 20 ans et plus.

Le CCSF demande un suivi de la mesure

Qu’attend exactement la Banque de France de ce changement ? Difficile à dire, l’institution n’ayant pas encore communiqué sur le sujet. Equivalents aux taux de marché augmenté d’un tiers, les taux d’usure, publiés au Journal officiel, laissent une large marge aux banques, sur un marché du crédit immobilier fortement concurrentiel. Si l’on observe les statistiques, la réforme du taux d’usure envisagée permettrait toutefois d’augmenter légèrement les taux maximum autorisés sur les prêts à 20 ans et plus, par rapport à ceux des prêts de 10 à moins de 20 ans, qui eux baisseraient. Les banques auraient ainsi un peu plus de latitude pour augmenter, le cas échéant, les taux sur les durées longues, 20 et 25 ans. L’intérêt est toutefois très limité, et la perspective incertaine : si la plupart des observateurs s’accordent à dire que les taux immobiliers ne pourront pas aller beaucoup plus bas, aucun ne s’attend à une hausse forte et soudaine.

A l’issue de sa réunion du 12 juillet dernier, le CCSF, qui réunit des représentants des pouvoirs publics, des banques, des professionnels du secteur financier et des consommateurs, a émis un avis favorable. Mais le Comité demande aussi à la direction générale du Trésor et à la Banque de France d’assurer « le suivi et l’évaluation de l’impact sur les taux de l’usure et leur évolution de l’introduction des trois tranches de maturité », avec à la clé la rédaction d’un rapport sur le sujet. A suivre.