Le Conseil constitutionnel a confirmé vendredi que les poursuites pénales en matière de fraude fiscale ne pouvaient avoir lieu qu'avec l'aval de l'administration française, un principe contesté du droit appelé le « verrou de Bercy ».

« La mise en mouvement de l'action publique pour la répression de certaines infractions fiscales » est subordonnée « au dépôt d'une plainte préalable par l'administration », affirme le Conseil, dans un communiqué de presse qui explique sa décision.

Le Conseil constitutionnel, qui garantit la conformité de la loi aux principes fondamentaux du droit français, valide ainsi une disposition de la procédure fiscale introduite en 1977, qui stipule que « sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts » et de taxes « sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales », un organisme rattaché au ministère des Finances. Ce mécanisme est souvent critiqué pour son caractère arbitraire et opaque.

Syndicat de la magistrature : un « nouveau tour de clé »

Le Syndicat de la magistrature (classé à gauche) a ainsi regretté vendredi dans un communiqué ce « nouveau tour de clé » à un système qui « met à l'abri de tout jugement pénal certains contribuables, avec lesquels l'administration fiscale décide de transiger dans le secret ».

Les Sages avaient été saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet le 24 mai par la Cour de cassation. Elle faisait ainsi droit à la requête d'un fraudeur condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, estimant que ce « verrou de Bercy » allait à l'encontre des principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'administration judiciaire.

Le Trésor « à même d'apprécier la gravité » selon les Sages

Selon le Conseil constitutionnel, « les dispositions contestées (...) ne portent pas une atteinte disproportionnée à ce principe » car « une fois la plainte déposée par l'administration, le procureur de la République dispose de la faculté de décider librement de l'opportunité d'engager des poursuites ».

D'autre part, les infractions concernées portent préjudice « principalement au Trésor public », qui est « à même d'apprécier la gravité des atteintes portées » aux intérêts financiers de l'Etat. Ainsi, si l'administration ne dépose pas de plainte, l'absence de poursuites pénales « ne constitue pas un trouble substantiel à l'ordre public », argumente le Conseil.

Syndicat de la magistrature : « une conception bien curieuse des deniers publics »

Cet argument est critiqué par le Syndicat de la magistrature, qui y voit « une conception bien curieuse des deniers publics ». « La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen défend une conception bien plus ambitieuse de l'impôt, contribution commune dont tout citoyen a le droit de constater la nécessité de déterminer le recouvrement », déplore le syndicat. « En validant le verrou de Bercy, le Conseil constitutionnel prive non seulement le procureur de la République de son offre de poursuites, mais également les citoyens du pouvoir d'agir contre la fraude fiscale qui nuit aux intérêts de tous. »