Le succès des ETF, en particulier sur l’assurance-vie en ligne, serait-il déjà contrarié ? Une étude Banque de France instaure le doute : le rendement de ces fonds « copiant » un indice serait inférieur à celui de l’ensemble des fonds actions. Et l’encours serait en baisse. Mais Clarisse Djabbari, de Lyxor, a une toute autre lecture de la situation.

L’étude de la Banque de France pointe une performance annuelle de -14% pour les ETF (1), ou « trackers », à fin avril, et un encours en baisse de 5 milliards d’euros depuis novembre 2015. Comment l’expliquez-vous ?

Clarisse Djabbari, directrice adjointe Lyxor ETF et gestion indicielle : « L’étude de la Banque de France [voir le document ci-dessous, NDLR] me semble avant tout mesurer l’activité des fonds et ETF de droit français. Or les ETF de droits français ne représentent qu’une partie du marché européen des ETF. Sur les environ 1.500 ETF existants en Europe, 40% sont domiciliés en Irlande, 30% au Luxembourg, et 20% en France. L’étude n’est donc pas représentative de l’ensemble du marché. »

Au niveau européen, vous ne constatez pas de baisse des encours ?

C.B. : « Le marché européen des ETF était de 451 milliards d’euros à la fin 2015 (2), contre 444 milliards à la mi-juin 2016. Donc, oui, ''facialement'', les encours apparaissent en baisse de près de 2% en 2016, mais il faut distinguer l’effet collecte de l’effet marché. Cette baisse est avant tout due à la baisse des indices, c’est l’effet marché : les ETF répliquent leurs performances donc la valorisation des encours baisse logiquement. En 2016, cet effet marché représente -18 milliards d’euros. En revanche, la collecte nette reste positive, de 11 milliards d’euros : les ETF n’ont donc pas perdu de leur attrait. On reste par ailleurs sur une collecte nette record en 2015 : +70 milliards d’euros au niveau européen. »

Selon cette étude Banque de France, sur un an, les ETF (-14%) rapportent moins que l’ensemble des fonds actions (-10% environ). Cela vous paraît-il représentatif ?

C.B. : « L’effet marché, c'est-à-dire les -18 milliards d’euros auxquels je faisais allusion, ne représentent que -4%. Je ne reconnais donc pas les -14% en tant que tels. Maintenant, les trackers répliquent des indices de marché, et se calent donc sur les évolutions des marchés sous jacents. Quand les marchés baissent, les performances des ETF correspondant baissent également. L’Euro Stoxx 50 a perdu 10%, par exemple, entre le 31 décembre 2015 et le 30 juin 2016… »

Avec le contexte financier défavorable en 2016, les trackers qui attirent sont-ils les mêmes qu’en 2015 ?

C.B. : « 2015 a été une année record en termes de collecte nette, ce particulièrement en Europe. L’année a été marquée par la forte collecte sur les ETF actions - deux tiers de la collecte nette -, entre autres les actions européennes, soutenue par les politiques monétaires accommodantes. En 2016, le paysage est très différent : l’essentiel de la collecte nette provient des ETF obligataires. Sur les actions, nous observons une décollecte nette depuis le début d’année, d’environ -5 milliards d’euros, principalement sur les actions européennes. »

Que conseiller aux particuliers après le vote sur le Brexit : fuir les trackers européens ?

C.B. : « Si l’incertitude sur le résultat du vote est derrière nous, l’incertitude politique reste importante et va continuer de peser sur l’investissement. Les actions européennes qui ont particulièrement souffert, peuvent représenter des points d’entrée attrayants pour les gérants. On pense aux valeurs bancaires, aux utilities [services aux collectivités : énergie, eau, etc., NDLR] par exemple. Le marché américain reste par ailleurs une valeur refuge par excellence. »

Les uns après les autres, les distributeurs d’assurance-vie en ligne annoncent l’intégration d’ETF à leur catalogue d’unités de compte. Pourquoi ?

C.B. : « En effet ! Ce phénomène est assez récent. Notre clientèle historique est institutionnelle, et elle représente d’ailleurs l’essentiel de nos encours. Notre clientèle de particuliers reste à ce stade relativement restreinte : elle est surtout composée d’investisseurs avisés, capables de faire eux-mêmes leurs choix d’investissement et de passer leurs ordres via un courtier en ligne. Les supports d’investissement privilégiés jusqu’à maintenant ont été les comptes-titres et les Plans d’épargne en actions (PEA). Ces derniers temps, nous sentons que les lignes bougent du côté de l’assurance-vie, très clairement. C’est sûrement la conjonction de plusieurs facteurs : une évolution de la réglementation avec une plus grande transparence sur les frais de gestion (avec les directives européennes MIF et DIA II), un contexte de taux bas qui poussent à aller vers les unités de compte (UC), mais également la digitalisation de la distribution et l’épargne : l’offre des robo-advisors [pour robot-conseillers, à l’image de Yomoni ou Marie Quantier, NDLR] permet de démocratiser l’accès aux ETF. »

Est-il préférable d’opter pour une gestion pilotée pour investir sur les trackers ?

C.B. : « L’ETF est un investissement qui permet de s’exposer en directionnel à un marché donné. Si le particulier n’est pas un investisseur avisé, alors il est loin d’être évident pour lui de savoir quoi acheter et quand. Il est donc important qu’il soit conseillé, guidé et accompagné. Cela peut passer par une gestion conseillée ou une gestion pilotée. Notre récent partenariat avec l’Unep correspond à cette logique. »

Est-il possible de chiffrer ce développement des trackers dans l’assurance-vie en ligne ?

C.B. : « Les lignes bougent au niveau de l’offre disponible aux particuliers. Assurancevie.com propose des portefeuilles modèles à base d’ETF Lyxor, comme outil d’aide à l’investissement sur ce type de supports. Cette offre est disponible sur leur site depuis début 2016. Il est donc encore tôt pour tirer des conclusions mais la proposition suscite de l’intérêt. »

Les trackers affichent de moindres frais de gestion par rapport aux autres supports en UC. Pourquoi ?

C.B. : « En moyenne, les frais de gestion des ETF se situent à 0,3%, contre 1,5%, le plus souvent, pour les fonds traditionnels. L’explication est simple : l’ETF appartient à la famille de la gestion passive : le gérant cherche à répliquer un indice de référence, pas à le surperformer contrairement au gérant de fonds actifs. Ce type de gestion est tout simplement moins coûteux. Il ne nécessite pas autant d’analyses et de recherches avancées. La stratégie d’investissement étant simple, elle bénéficie immédiatement des effets d’échelle : l’encours peut croître sans coûts supplémentaires. Ces frais réduits font partie de la proposition de valeur des ETF, et les directives européennes [MIF pour les produits financiers, DIA 2 pour l’assurance, NDLR] imposant plus de transparence sur les frais devraient contribuer au développement des ETF dans l’assurance-vie. »

En quoi ces directives vous favorisent ? Est-ce parce qu'elles vont contraindre les distributeurs d'assurance-vie à afficher les commissions que leur reversent les sociétés de gestion ?

C.B. : « Sur les rétrocessions, nous ne pouvons pas lutter. Même en proposant la moitié de nos frais de gestion, de 0,30% environ, aux distributeurs, nous sommes loin de ce que peuvent proposer les sociétés de gestion traditionnelles et leurs 1,5% de frais. C’est ce qui a constitué, jusqu’ici, un frein à notre développement. L’obligation de transparence, notamment sur ces rétrocessions, va donc nous aider. »

(1) Exchange traded funds, fonds indiciels cotés.

(2) Selon le baromètre des flux d'ETF de Lyxor.