Les banquiers profitent souvent de la naissance ou l’anniversaire d’un enfant pour proposer des produits d’épargne : Livret A, livret dédié, PEL... ou une assurance-vie « spéciale enfants ». En quoi cette dernière est-elle plus intéressante qu'un contrat classique ?

Gulliver, Erable Essentiel Junior, Multiplacements Avenir, Vivaccio Initial, Nuances Grenadine, Millevie Initiale, etc. Les grands réseaux bancaires ont tous leur assurance-vie « pour préparer l’avenir des enfants ». Des contrats spécifiques présents aussi chez les assureurs, notamment les mutualistes, mais moins systématiquement. Pourquoi une telle offre ? A l’image du classique Livret A ou du Plan épargne logement, tout le monde peut souscrire une assurance-vie, sans âge minimum, et donc quel que soit le contrat. Un enfant peut donc souscrire une assurance-vie « classique » (1) dès son plus jeune âge, ses parents ou représentants légaux signant en son nom. Si un enfant peut souscrire un contrat « classique », pourquoi opter pour ces produits à l’enrobage juvénile ?

Deux familles de contrats bien distinctes

Premier constat : deux types de contrats « pour enfants » coexistent. D'un côté, il y a les assurances-vie souscrites au nom de l’enfant. Dans ce cas, « l’enfant est l’adhérent-assuré du contrat, lequel est ouvert par le représentant légal », explique Isabelle Perchereau, responsable marketing et ingénierie financière de Predica, avant de résumer : « L’assurance-vie appartient à l’enfant. » Tel est le cas de Vers l’Avenir au Crédit Agricole et Gulliver chez LCL, deux contrats gérés par Predica. C’est aussi cette option pour laquelle ont optés BNP Paribas avec Multiplacements Avenir, la Société Générale avec Erable Essentiel Gestion Junior, la Banque Postale avec Vivaccio Initial, ou encore de plus petits acteurs comme la MIF avec Projet Vie et la Matmut avec Vie Générations.

D'un autre côté, il y a l’assurance-vie « intergénérationnelle ». Là, le grand-parent, le parent ou un proche souscrit lui-même l’assurance-vie, en inscrivant l’enfant en tant que bénéficiaire. Ce type de contrat prévoit généralement un « terme » entre le 18e et le 26e anniversaire de l’enfant. Toutefois, l’assurance-vie n’est pas clôturée automatiquement (2) comme le souligne Patrick Céleri, directeur de développement de la MIF, dont le Compte Epargne Enfant a toujours reposé sur ce principe : « A la date indiquée par le souscripteur, nous le sollicitons pour savoir ce qu’il compte faire. » Ce fonctionnement, avec l’enfant en bénéficiaire, c’est celui qui régit le Livret Avenir du Crédit Mutuel, ou encore le Plan Epargne Enfant de Banque Populaire. Ce type de contrat, plus proche d’une assurance-vie classique, peut même permettre au souscripteur de changer de bénéficiaire quand il le souhaite.

Un produit parfois privilégié

Deuxième constat : généralement très accessibles, avec des tickets d’entrée de moins de 50 euros, les assurances-vie « enfant » donnent accès à un fonds en euros et parfois à une sélection réduite de supports en unités de compte. La rémunération du fonds en euros est le plus souvent équivalente à l’assurance-vie grand public de la banque ou de l’assureur. Certains réseaux favorisent toutefois ces contrats avec des offres à la souscription, ou en bonifiant légèrement la rémunération. Tel est le cas chez LCL, le fonds euros de Gulliver rapportant 2% en 2015 (3) contre 1,80% pour celui de Vert Equateur, ainsi qu’au Crédit Agricole, avec du 1,90% à 2,10% sur Vers l’Avenir, contre 1,80% sur le très grand public Predissime 9. « Le taux de rendement correspond à celui servi à la clientèle intermédiaire », explique Isabelle Perchereau, de Predica. « Ces contrats sont destinés à une cible prioritaire pour les réseaux bancaires, leurs clients de demain. » Predica gère ainsi 660.000 contrats Gulliver et Vers l’Avenir, pour 1,2 milliard d’euros d’encours. Une goutte par rapport aux 260 milliards d’euros gérés par l’assureur, mais une goutte stratégique, donc.

Autre spécificité : « Au Crédit Agricole, Vers l’Avenir peut être complété par un produit de prévoyance [portant sur l'adulte, NDLR] : en cas de décès, l’enfant perçoit ainsi la somme que l’adulte comptait épargner pour lui », ajoute Isabelle Perchereau. Une même « garantie de prévoyance », qui fait évidemment l’objet d’une cotisation, est aussi liée au contrat Plan Epargne Enfant chez Banque Populaire. La Banque Postale prévoit elle une « garantie plancher » assurant le capital versé, aux 20 ans de l’enfant, même en cas de perte sur les unités de compte.

Comparaison des offres « enfant » et « standard » au Crédit Agricole
ContratsVers l’AvenirPredissime 9
L’enfant est…Souscripteur et adhérent-assuréBénéficiaire ou souscripteur
Rémunération 20151,90% à 2,10%1,80%
Plafond de versements4.600 euros par an (conseillé)Pas de plafond
Frais sur versements3% maximum4,50% maximum
Frais de gestion0,70% maximum sur le fonds euros, 0,85% sur les UC0,60% maximum sur le fonds euros, 0,85% sur les UC
Frais d’arbitrage0,50% maximum0,50% maximum
Des versements limités pour rester présents d’usage

Troisième constat : si les versements ne font l’objet d’aucune limite sur les contrats intergénérationnels, les contrats souscrits au nom de l’enfant limitent le plus souvent les flux entrants, du moins tant que le souscripteur est mineur. La MIF pousse même cette logique à l’extrême sur Projet Vie avec un maximum de 30 euros par mois, pour les versements programmés, et de 360 euros par an : « Avec l’ancien contrat Compte Epargne Enfant [un contrat intergénérationnel, NDLR], fiscalement parlant et dans des cas extrêmement rares, il pouvait y avoir un risque de donation déguisée », explique le directeur de développement de la mutuelle, Patrick Celeri. « Avec MIF Projet Vie, nous sommes sur des sommes raisonnables, qui correspondent à ce que des parents peuvent verser sur le Livret A de leur enfant. Nous avons fait ce choix pour assurer la tranquillité de nos clients. »

« Concernant le régime fiscal, avec ces contrats, nous sommes dans le présent d’usage », précise Isabelle Perchereau, de Predica. Problème : il n’existe pas de seuil définissant les sommes pouvant être considérées comme présent d’usage (4), l’important étant de veiller à ce que la valeur reste « proportionnée au regard du patrimoine du donateur », pour reprendre l’avertissement de la Matmut. Predica, filiale de Crédit Agricole Assurances, préfère tout de même livrer un ordre d’idée à ses clients : « Nous conseillons aux parents de limiter leurs versements à 4.600 euros par an sur ''Vers l’Avenir''. » Mais Isabelle Perchereau reconnaît qu’il n’y a « pas de blocage » si un versement dépasse ce seuil : « C’est donc à l’appréciation de chacun. »

Une procédure contraignante pour les retraits

Dernier constat : toujours pour les contrats dont l’enfant est le souscripteur, les représentants légaux ne peuvent pas effectuer toutes les opérations de la même manière : « Sur la partie administration du contrat, c’est-à-dire la souscription, l’arbitrage et le versement, un parent peut le faire seul », explique Isabelle Perchereau, pour les contrats Predica. « En revanche, pour la sortie, il s’agit d’un acte de disposition : il faut l’acceptation des deux représentants légaux pour effectuer un rachat. » Pour les contrats intergénérationnels, l’adulte étant souscripteur, il reste libre d’effectuer toutes les opérations qu’il souhaite. A la MIF, qui commercialise les deux types de contrats depuis octobre dernier, Patrick Celeri propose plus volontiers l’intergénérationnel aux « parrains et marraines, ou aux grands-parents », et le Projet Vie aux parents. Sur les premiers mois d’existence des deux contrats, les clients n’affichent pas de préférence marquée entre les deux : « C’est du 50-50 ».

Comparaison des offres « enfant » et « intergénérationnelle » à la MIF
ContratsMIF Projet VieMIF Intergénérations
L’enfant est…Souscripteur et adhérent-assuréBénéficiaire
Les parents sont…Signataires en tant que représentants légauxTout adulte peut être souscripteur
Plafond de versements360 euros maximum par personne, par anPas de plafond
Rémunération 20153,30%3,30%
Frais sur versements2% maximum2% maximum
Frais de gestion0,35%0,35%
A partir de 18 ansL’enfant utilise son contrat comme il le souhaiteEpargne revenant au bénéficiaire au terme du contrat (entre le 18e et le 26e anniversaire de l’enfant)

(1) L’article L132-3 du Code des assurances défend « à toute personne de contracter une assurance en cas de décès sur la tête d’un mineur âgé de moins de 12 ans », mais il ne s’applique pas pour l’assurance en cas de vie, et concerne donc « plus spécifiquement les contrats prévoyance » comme le confirme Isabelle Perchereau, responsable marketing et ingénierie financière de Predica. A noter toutefois : certains contrats limitent la souscription aux personnes majeures dans les conditions générales.

(2) Même pour un contrat en durée fixe.

(3) Tous les taux s’entendent net de frais de gestion, mais avant prélèvements sociaux.

(4) Article 852 du code civil : « Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. »