La loi Sapin II vient de passer l'étape de l'Assemblée nationale. Le texte envoyé au Sénat intègre des dispositions plus détaillées que dans le projet de loi. Le point sur ce qui devrait s'appliquer aux produits d'épargne.

Les députés ont achevé, dans la nuit de jeudi 9 juin, la discussion sur le projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, surnommé « Sapin II ». Le texte final, voté ce mardi 14 juin, doit à présent être débattu au Sénat, avant de probables allers-retours entre les deux assemblées pour être définitivement adopté. Ce qui laisse encore quelques étapes et autant d'opportunités de modification, avant que la loi ne soit promulguée.

Des dons par l'intermédiaire du Livret A et du LDD

Dans sa version initiale, le projet de loi Sapin II avait prévu l'ajout d'une option solidaire au Livret de développement durable (LDD) : chaque année, les épargnants pourraient ainsi choisir d’affecter, sous forme de don, une partie des revenus tirés de ce produit d’épargne réglementée à une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) de leur choix. Finalement, cette disposition de solidarité est étendue au Livret A « afin d’accroître son impact pour le financement de l'économie sociale et solidaire » ont estimé les députés. Il est vrai que l’encours du Livret A se trouve actuellement deux fois et demi supérieur à celui du LDD : 255 milliards d’euros contre 101 milliards d’euros. Et les deux produits ont le même taux de rémunération, 0,75%. Ainsi, sans que cela puisse entraîner la facturation de frais, les titulaires d'un Livret A devraient pouvoir affecter « une partie des sommes qui y sont déposées sous forme de don » à une entreprise de l'ESS ou à un organisme de financement ou de crédit investissant dans des entreprises solidaires et d'utilité sociale (1).

Dans une suite logique, les députés ont validé les propositions permettant d’aller plus loin que le texte initial sur le LDD. D'abord, ce livret est renommé : « Livret de développement durable et solidaire ». Ensuite, effectivement, comme le proposait le texte initial, les épargnants pourront donner une partie de leurs revenus à l’ESS. Enfin, une partie des sommes placées seront investies dans les entreprises de l'ESS puisque les banques auront l'obligation de le faire. Ces dispositions viendront s'ajouter à celles déjà en vigueur. Actuellement, les banques qui distribuent le LDD ont l’obligation d’utiliser les ressources non centralisées à la Caisse des dépôts pour financer les PME et les travaux d’économies d’énergie dans les bâtiments anciens. Les entreprises de l’ESS dûment identifiées s’ajouteront à cette liste.

Un nouveau cas de rachat anticipé pour les Perp

Entre 2004 et 2006, dans la foulée de sa création, les banques ont ouvert près de 2 millions de Plans d’épargne retraite populaire (Perp), y compris à des épargnants modestes pour qui ce produit ne présente que peu d’intérêt. Résultat : nombre d’entre eux n’ont jamais réellement abondé leur Perp, mais ne peuvent récupérer les sommes versées initialement, le rachat anticipé n’étant actuellement autorisé qu’en cas d’accident de la vie : décès du conjoint, invalidité, surendettement, etc.

Pour aider ces « piégés du Perp », le projet de loi initial avait prévu un nouveau cas de déblocage anticipé mais dont les modalités seraient traitées par ordonnance. Les députés ont choisi de prendre les choses en main en incluant, dans le texte final voté, les critères et le seuil de cette nouvelle possibilité de fermer un Perp avant son terme.

Ce rachat de contrat sera possible si trois conditions sont réunies : une valeur de transfert du contrat inférieure à 2.000 euros ; aucun versement de cotisation réalisé au cours des quatre dernières années (si le contrat ne prévoyait pas de versements réguliers) ou une ouverture du Perp depuis au moins 4 ans (si le contrat prévoyait des versements réguliers) ; un revenu du foyer fiscal de l’année précédant celle du rachat inférieur au barème (2) permettant de bénéficier du dégrèvement de la taxe d'habitation.

Deux LEP pour un couple marié… ou pacsé

Pour le moment, seul un couple marié peut ouvrir deux livrets d’épargne populaire (LEP), avec une rémunération de 1,25% net actuellement. Les députés ont décidé que cette disposition puisse bénéficier aussi aux couples pacsés. Pour rappel, le LEP est réservé aux contribuables les plus modestes : ceux dont le revenu fiscal de référence (RFR) ne dépasse pas, pour la première part, 19.255 euros.

Nouveau plafond pour le prêt sur gage et amendes sur les commissions d'interchange

Le vote de la Loi Sapin II a été l'occasion pour les députés de rétablir à 3.000 euros le seuil des espèces versées dans le cadre de prêts sur gage. Un décret par le 24 juin 2015 l'avait réduit à 1.000 euros. De même, ils se sont penchés sur les commissions d'interchange pour les opérations sur les cartes bancaires afin de fixer le montant des amendes administratives en cas de manquement aux dispositions votées par le Parlement européen : 3.000 euros pour une personne physique (15.000 euros pour une personne morale) pour le non-respect des règles fixées pour les cartes de débit et de crédit, les cartes de paiements de plusieurs marques associées, la non indication des cartes acceptées ou encore la non-délivrance d'un ticket avec les informations de l'opération de paiement effectuée ; 75.000 euros pour une personne physique (375.000 euros pour une personne morale) en cas de manquements plus graves comme la restriction ou la discrimination territoriale dans l'acception de porteurs de cartes.

(1) Les caractéristiques sont définies au III de l'article article L. 3332-17-1 du Code du travail.

(2) BOI-BAREME-000006-20160229