Les Français ont-ils changé leurs placements en réaction à la crise financière ? Ont-ils favorisé les actifs les moins risqués ? Ou ont-ils tout simplement réduit leur épargne ? La Banque de France répond à ces questions dans une étude sur les « placements financiers des ménages avant et pendant la crise ».

De 1995 à 2015, « le portefeuille d’actifs financiers des ménages français a plus que doublé, en dépit des épisodes de crises ou de turbulences financières ». Dans le bulletin bimestriel de la Banque de France, trois économistes de l’institution monétaire (1) comparent les placements des Français « avant et pendant la crise ». Ils mettent en avant une constante : les Français restent des fourmis puisqu’ils réalisent, encore et toujours, « davantage de placements financiers qu’ils n’empruntent ». Conséquence : leur capacité d'épargne continue d'augmenter malgré la crise. Ainsi, leur « capacité nette de financement » s’élève « à 50 milliards d’euros en moyenne par an sur la période 1995-2009 et à plus de 80 milliards annuellement depuis la crise économique et financière ».

La progression freinée des actifs risqués...

Mais leur épargne s’oriente-t-elle toujours vers les mêmes placements ? Dans un premier temps, l’onde de choc des bourses en perdition, quand la crise financière a éclaté au cœur de l'été 2007, a modifié la répartition des placements des Français. Aussitôt, les investissements en actions, cotées ou non, ont diminué. Grimpée juste au-dessus de 25% du portefeuille global des Français, en 2007, la part d’actions est vite tombée en-dessous des 20%, en 2008, pour rester cantonnée à cette même barre depuis. Concernant les fonds d’investissement, la décrue a été plus lente et progressive, mais réelle : la part de titres d’OPCVM dans les actifs financiers des ménages « est passée de 12% à 7% entre 1995 et 2015 ». Les ménages se sont donc bel et bien écartés des actifs risqués.

... pour un (bref) détour par les dépôts bancaires

Pour les principales composantes du portefeuille des Français que sont l’assurance-vie et les dépôts bancaires, le tournant se situe plus en 2009, année marquée par les premières répercutions de la crise dans l’économie française, et en particulier sur le marché de l’emploi. Avant, la période 1995-2009 était très favorable à l’assurance-vie, notamment au détriment des dépôts bancaires (livrets, PEL, comptes courants, etc.). Les souscriptions nettes atteignaient 67 milliards d’euros par an sur l'assurance-vie, contre 29 milliards par an pour les dépôts. Après 2009, les ménages « ont réorienté leur épargne vers les dépôts (46 milliards de flux nets annuels moyens entre 2010 et 2013) ».

La volonté de sécuriser son épargne dans les coffres des banques ? Non, les auteurs de l’étude ont une explication plus pragmatique : « Ce changement s’explique principalement par la hausse du rendement relatif des dépôts » et par les « mesures gouvernementales » qui « ont favorisé les produits d’épargne réglementée ». Parmi elles l’ouverture du Livret A à tous les réseaux bancaires en 2009, ou les relèvements de plafonds en 2012 et 2013.

Un long mouvement vers l’assurance-vie

Mais ce phénomène n'est que de courte durée : « Depuis 2014, avec la fin de la crise de la dette souveraine et la saturation de nombreux livrets d’épargne réglementée, les ménages privilégient de nouveau les placements en contrats d’assurance-vie au détriment des placements sous forme de dépôts. » En chiffres : 49 milliards de flux nets annuels moyens en 2014 et 2015 pour l’assurance-vie, 36 milliards pour les dépôts bancaires. Retour à la case départ donc.

Depuis 2009, la Banque de France publie par ailleurs un tableau de bord trimestriel de l’épargne des ménages. A la mi-2009, les livrets d’épargne représentaient un peu plus de 15% du portefeuille des Français. Fin 2015 : un peu plus de 13%. Le portefeuille des Français n’a donc évolué qu’à la marge en sept années de crise.

La crise n’a ainsi fait que retarder un mouvement des dépôts bancaires vers l’assurance-vie : « Les placements sous forme de dépôts bancaires ont cependant baissé, passant de 40% à 30% du total au cours des deux dernières décennies, au profit des placements en assurance-vie dont la part progresse de 20% à 35% », développe la Banque de France dans son bulletin bimestriel.

Une épargne profitant pour 40% au « reste du monde »

Les auteurs pointent en revanche une tendance, plus discrète, que la crise financière a stoppé : l’expatriation des actifs financiers des ménages français. Une tendance due aux placements indirects, auprès des banques, sociétés d’assurance et organismes de placement collectif (OPCVM), qui gèrent les actifs pour le compte des ménages. En 1995, légèrement moins de 20% des actifs financiers des ménages étaient investis auprès du « reste du monde », contre plus de 40% en 2008. Une tendance stoppée par la crise : cette proportion est restée bloquée à environ 40% depuis, car le nombre d’intermédiaires par lesquels passent les actifs s’est effrité. Les économistes de la Banque de France soulignent toutefois que la crise « n’a pas pour autant conduit à un retour massif et durable des placements financiers vers l’économie nationale ». Bref, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la crise n’a pas révolutionné l’épargne des Français.

(1) Publication « La destination finale des placements financiers des ménages avant et pendant la crise » par Adeline Bachellerie et Clémence Charavel, de la direction des statistiques monétaires et financières, et Christian Pfister, de la direction générale des statistiques.