En comparaison de ses voisins européens, le rythme de fermeture des agences bancaires en France est lent. Y-a-t-il une exception hexagonale en la matière ? Ou les banques tricolores sont-elles simplement en retard dans un processus inéluctable ?

La banque, « sidérurgie de demain » : l’expression, puissante, a récemment été employée par la fédération banques de Force Ouvrière, à l’occasion d’un point presse. Le syndicat y dénonçait notamment des plans sociaux qui « s’enchaînent » et une profession qui « détruit de l’emploi », « quelles que soient les aides accordées par le gouvernement » : 300 millions d’euros en trois ans au titre du Crédit d’impôt compétitivité emploi pour les seuls établissements affiliés à l’Association française des banques (AFB), l’organisme professionnel des banques commerciales.

Un tiers des agences ont disparu au Pays-Bas

Ce tableau terriblement sombre est-il justifié ? Une chose est certaine : la banque de détail française vit une période de mutation. Avec quelques années de retard sur d’autres industries, elle accélère actuellement sa transition vers le numérique et ferme des points de vente. Les chiffres compilés chaque année par la Banque centrale européenne (BCE) le démontrent : l’institution a comptabilisé 37.623 agences bancaires en 2014 sur le territoire national, y compris les points de vente de la Banque Postale. Elles étaient 37.862 en 2013 et près de 38.000 en 2012.

Dans un récent article [en anglais], le site d’informations économiques Bloomberg a ainsi chiffré à 3% la baisse du nombre d’agences en France entre 2010 et 2014, en se basant également sur les chiffres de la BCE. Mais c’est pour mieux la relativiser. Bloomberg rappelle en effet que, sur la même période, le pourcentage de Français visitant leur agence chaque mois a chuté, de 52% à 21%. Chez nos voisins européens, toujours entre 2010 et 2014, 35% des agences ont disparu au Pays-Bas, 26% en Espagne et 11% en Allemagne.

Une exception française ?

La question se pose : le secteur bancaire fait-il figure d’exception ? Ou ce maintien d’une densité d’agences parmi les plus importantes du monde (570 par million d’habitant en 2014) est-il uniquement le symptôme d’un retard dans la transition numérique ?

La réponse doit être nuancée en fonction du type d’enseigne. D’un côté, les grands réseaux nationaux, principalement urbains, ont déjà commencé à préparer le terrain pour des fermetures relativement massives. Le premier à l’avoir assumé ouvertement est la Société Générale, qui a annoncé en septembre 2015 la fermeture de 20% de ses agences à l’horizon 2020, un projet qui pourrait amener à la suppression de 2.000 postes selon la CFDT. Plus récemment, c’est le Crédit Agricole qui annonçait la fermeture, également d’ici 2020, de 13% du réseau de sa filiale LCL. Soit près de 250 agences et de 350 à 400 suppressions d’emplois, selon FO. BNP Paribas se montre plus discret sur le sujet mais le groupe a déjà pris les devants en poussant une partie de sa clientèle peu active vers son service bancaire 100% en ligne, Hello bank.

L’atout proximité pour les banques régionales

La situation est sans doute différente pour les banques mutualistes régionales, qui captent plus de 50% de la clientèle bancaire française. Toutes jouent aujourd’hui la carte du contraste avec les acteurs bancaires numériques, en communiquant sur la proximité et l’accompagnement de leur clientèle. Pour tenir cette promesse, elles se doivent donc de conserver une présence de terrain, notamment dans les petites et moyennes villes.

Pour autant, maintien du réseau d’agences ne signifie pas automatiquement maintien de l’emploi : toutes ces enseignes sont actuellement engagées dans des refontes de leurs réseaux d’agences, qui font la part belle aux guichets automatiques, dont le nombre, lui, continue de progresser : 58.640, sur l’ensemble du territoire, en 2014.