Les députés ont instauré mercredi une peine complémentaire d'inéligibilité obligatoire pour les personnes exerçant une fonction publique en cas de condamnation pénale pour corruption, dans le cadre de l'examen du projet de loi Sapin II.

Lors de l'examen du texte en commission des Lois, les députés ont adopté un amendement du rapporteur Sébastien Denaja (PS), qui « érige la peine d'inéligibilité en peine complémentaire obligatoire en matière d'atteintes à la probité », selon son exposé. Cette proposition est issue du rapport Nadal sur la transparence de la vie publique de début 2015, a précisé le rapporteur.

Inéligibilité de 5 ou 10 ans

Seraient concernés par cette peine l'ensemble des manquements à la probité commis par des personnes exerçant une fonction publique (concussion, corruption passive, trafic d'influence, prise illégale d'intérêts, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, soustraction et détournement de biens) ainsi que la corruption active et le trafic d'influence commis par des particuliers, indique l'exposé des motifs. La peine d'inéligibilité est en principe de 10 ans pour crime et de 5 ans pour délits.

L'amendement vise à appliquer « plus fréquemment » cette peine complémentaire, selon M. Denaja, qui a souligné que « nos concitoyens ne comprennent plus l'impunité en la matière et que des responsables publics puissent continuer à faire carrière alors même qu'ils ont porté atteinte à la probité ». « Aujourd'hui, l'inéligibilité, lorsqu'elle sanctionne des infractions pénales, est une peine complémentaire facultative que le juge n'est jamais contraint de prononcer », note l'exposé des motifs de l'amendement.

Une peine complémentaire obligatoire

« Afin de rendre le prononcé de l'inéligibilité plus systématique, cet amendement en fait une peine complémentaire obligatoire, que le juge est en principe tenu de prononcer », poursuit le texte. Mais le juge pourra, « par une décision spécialement motivée, décider d'écarter le prononcé de l'inéligibilité : il ne s'agit donc pas d'une peine automatique, qui serait inconstitutionnelle ». Plusieurs députés Les Républicains, dont Lionel Tardy et Pierre Lellouche, ont néanmoins alerté « sur le risque d'inconstitutionnalité » de la mesure.

Charles de Courson (UDI) s'en est aussi inquiété, tout en soulignant que les concitoyens « ne supportent plus ces grandes canailles, assez bien réparties sur tous les bancs de l'Assemblée d'ailleurs, qui ont piqué dans la caisse et qui continuent pendant des années à être élus ».

Statut de repenti étendu

Les députés ont également adopté, avec le soutien de LR et parfois des réticences à gauche, un autre amendement du rapporteur prévoyant d'étendre le statut de « repenti » aux faits de corruption et trafic d'influence. Les déclarations du « repenti », qui sera exempté de peine, devront permettre d'empêcher que l'infraction qu'il a préparée soit commise, et d'identifier les auteurs ou complices. Il faudra donc qu'il se dénonce en amont.