Le débat actuel sur la loi travail est là pour le rappeler : la France est confrontée, comme d’autres pays comparables, à une précarisation de son marché du travail, qui touche particulièrement les jeunes actifs. Comment les établissements de crédit s’adaptent-ils à cette nouvelle donne ? Eléments de réponse avec un cas d’espèce, celui de Cetelem.

En France, selon les données 2014 de l’Insee, 88,5% des actifs sont salariés. Et parmi eux, plus de 85% sont en CDI, contre un peu moins de 10% en CDD. Le salarié en CDI reste donc le profil largement majoritaire, mais il est de moins en moins hégémonique, en particulier chez les jeunes. Un chiffre le montre : en France en 2015, 87% des nouveaux contrats de travail signés l’ont été en CDD. Subie ou choisie, cette précarité croissante des jeunes travailleurs a une conséquence : elle leur ferme l’accès au crédit, alors que l’entrée dans la vie active s’accompagne souvent du besoin d’acheter son premier véhicule ou d’équiper son logement.

Certains établissements de crédit, toutefois, ont compris mieux que d’autres cette évolution de société majeure et l’intérêt qu’ils avaient à adapter leurs conditions d’octroi. La Banque Postale dispose dans son catalogue d’un Prêt personnel intérimaire. La Caisse d’Epargne commercialise un Prêt pour avancer, destiné aux 18-28 ans en CDI, CDD ou intérim. Mais le pionnier, et l’acteur le plus avancé dans le domaine, est Cetelem.

Des critères d’acceptation adaptés

La prise de conscience au sein de la filiale spécialisée de BNP Paribas remonte à 2011, à l’initiative de son PDG de l’époque, Thierry Laborde (1). « A l’époque, certains salariés atypiques pouvaient déjà accéder au crédit chez Cetelem, s’ils bénéficiaient de contrats réguliers : les intermittents du spectacle, les travailleurs indépendants, les journalistes pigistes et parfois certains intérimaires », se souvient Catherine Chalvin, responsable du marketing stratégique de l’enseigne. « Mais les dossiers des salariés en CDD étaient systématiquement refusés. Il était donc urgent d’ouvrir notre offre de crédit à cette cible. »

Depuis fin 2012, le crédit CDD / intérimaire fait partie intégrante du catalogue et donne lieu au financement d’environ 5.000 dossiers par an, dont un quart environ destiné à l’achat d’une automobile. Mais avant de l’intégrer, Cetelem est passé par une phase de test. « Nous avons commencé à financer certains dossiers de salariés en CDD, sans adaptation particulière du produit », explique Catherine Chalvin. « Durant ce test, nous avons recueilli plus d’informations que nous le faisons dans le cadre des dossiers classiques. Par exemple, nous avons demandé à ces emprunteurs le nombre d’emplois successifs occupés en CDD, leur niveau de diplômes, etc. Cela nous a permis d’adapter notre scoring (2) et d’affiner les critères d’acceptation. »

Des taux à la limite des seuils de l’usure

Car c’est un fait, les salariés en CDD représentent une « clientèle plus risquée que la moyenne », confirme la responsable du marketing. « Mais nous assumons ce niveau de risque car nous avons la volonté d’être une marque qui répond aux attentes des consommateurs et s’adapte aux évolutions de la société ». Cetelem est même allé un peu plus loin en mettant en place en décembre 2014 un service d’aide à la recherche d’emploi, fourni gratuitement dans le cadre de l’assurance de crédit.

Côté emprunteur, ce risque statistiquement supérieur a un fort impact sur le coût du crédit. Sur le site web de Cetelem, le prêt CDD affiche actuellement un TAEG de 7,6%, pour un prêt personnel de 10.000 euros sur 48 mois. A la limite, donc, du seuil de l’usure, fixé par la Banque de France à 7,63% actuellement pour ce niveau de financement. Les salariés en CDI, dans le même temps, peuvent espérer un TAEG inférieur à 3% (2,99%). Soit un écart de coût, au final, de près de 860 euros, hors assurance.

Yelloan mise sur la solidarité familiale et amicale

Hors des banques, il existe aussi des initiatives pour faciliter l’accès des salariés précaires au crédit. Surfant sur la vague du web participatif, Yelloan est une plateforme qui permet à un emprunteur de solliciter ses proches pour qu’ils constituent une cagnotte équivalant à 5% du montant emprunté, qui sera apportée en garantie. Le principe a déjà convaincu Financo, la filiale spécialisée du Crédit Mutuel Arkea.

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(1) Thierry Laborde est depuis 2015 directeur général adjoint de la maison-mère, BNP Paribas, poste auquel il a succédé à François Villeroy de Galhau, aujourd’hui gouverneur de la Banque de France.

(1) Le credit scoring consiste en une série d’outils statistiques permettant d’évaluer le risque de non-remboursement d’un prêt pour un profil donné d’emprunteur.