Les taux des crédits à la consommation en France sont les plus bas en Europe de l’Ouest : c’est un des constats d’un récent rapport tirant le bilan des réformes du crédit conso intervenues dans l’Hexagone depuis 2010.

Loi Lagarde en juillet 2010, loi bancaire en en juillet 2013, loi Hamon en mars 2014 : en 4 ans et trois lois, le contexte réglementaire du crédit à la consommation a été largement chamboulé, et avec lui la manière de distribuer ce produit en France. C’est pour mesurer l’étendue de ces changements que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a commandé fin 2015 un bilan complet de ces lois au cabinet Athling (1), pour la période 2010-2015.

Le rapport (2), publié fin avril, trace un paysage du crédit à la consommation « profondément impacté par les réformes », qui ont atteint leur objectif de « distribution plus responsable » et permis « la montée en puissance du prêt personnel et des banques », aux dépens du crédit renouvelable et des établissements spécialisés. Ce qui, rappelle le dossier, était bien l’objectif du législateur

Des taux d’intérêt plus faibles en France

5,8% en France, contre 6,7% en moyenne dans la zone euro sur la période 2010-2015 : nous vivons dans le pays d’Europe de l’Ouest où les taux des crédits amortissables (prêts personnels, crédits affectés, etc.) sont les plus faibles, selon les calculs effectués par Athling à partir des chiffres de la Banque de France. L’écart est relativement modéré avec l’Allemagne (6,7%) ou l’Italie (7,6%), mais nettement plus important avec l’Espagne (8,5% ) et surtout le Royaume-Uni (9,4%)

La hiérarchie est globalement la même pour le découvert et le crédit renouvelable, à une nuance près : la France est légèrement devancée par l’Italie, où le taux moyen 2010-2015 est de 7%, contre 8,1% dans l’Hexagone. Ces deux pays ont un point commun : une réglementation sur l’usure.

Le taux d’usure déterminant

Dans la plupart des pays, c’est le marché qui régule le niveau des taux d’intérêt des crédits conso, et les tribunaux qui sanctionnent les excès en s’appuyant sur la jurisprudence. En France aussi, la concurrence joue son rôle, mais avec certaines limites réglementaires. La Banque de France fixe en effet chaque trimestre les seuils de l’usure, c’est-à-dire les taux maximum auxquels un crédit peut être accordé au cours de la période. Pour ce faire, elle relève les taux effectivement pratiqués au cours du trimestre précédent, et les augmente d’un tiers.

Cette réglementation sur l’usure existait déjà en 2010, mais la loi Lagarde en a revu le fonctionnement. Avant elle, ces seuils différaient selon le type de prêts, crédit renouvelable ou prêt personnel. Au terme d’une période de transition qui s’est achevée en mars 2013, la distinction se fait désormais par le montant : jusqu’à 3.000 euros, entre 3.001 et 6.000 euros, supérieur à 6.000 euros.

Comme souhaité, ce changement a eu pour effet de faire fortement baisser les seuils d’usure des crédits renouvelables d’un montant supérieur à 3.000 euros : de 19,67% au 4e trimestre 2010, ils sont passés à 13,25% actuellement, et même 7,61% pour les prêts supérieurs à 6.000 euros. A l’inverse, le seuil de l’usure des crédits renouvelables de 3.000 euros et moins est resté pratiquement stable, passant de 21,31% fin à 19,99% sur la période.

Le crédit renouvelable recentré

Avec de telles contraintes de taux sur les montants les plus élevés, le crédit renouvelable est devenu un produit moins intéressant pour les prêteurs. C’est pourquoi la réforme du taux de l’usure a sans doute été la mesure la plus efficace pour atteindre un des objectifs de la loi Lagarde : limiter les recours à ce type de prêt, pointé du doigt pour son omniprésence dans les dossiers de surendettement.

« Il y a eu un rééquilibrage très net en faveur du prêt personnel pour les montants supérieurs à 3.000 euros et du crédit renouvelable pour des montants inférieurs à 3.000 euros », constate le rapport. La part des comptes ouverts avec un plafond inférieur ou égal à 3.000 euros est ainsi passé de 71,7% à près de 78% entre 2010 et 2015. Dans le même temps, la part des utilisations de faible montant (inférieures à 250 euros) a nettement progressé, passant de 71,7% à 77,9%. Le tout dans un contexte de forte dégringolade de l’activité, le nombre de comptes actifs passant de 20 à 15,2 millions, et l’encours de 43,2 à 29,6 millions d’euros.

Les banques gagnent des parts de marché

Le recentrage du crédit renouvelable s’est accompagné d’un essor des prêts personnels. Malgré la morosité du contexte économique, la production annuelle est passée de 23,5 milliards d’euros en 2010 à 28,8 milliards entre juillet 2015 et juin 2015.

Assez logiquement, cette évolution a permis aux banques, qui détiennent 80% de l’encours total des prêts personnels, d’accroître leur poids dans la distribution des crédits, aux dépens des établissements spécialisées. A fin juin 2015, l’encours des banques représentait en effet 60,6 % de l’encours total du crédit à la consommation, contre 54,3 % à la fin 2010.

Prochaine étape : l’éducation budgétaire

Que reste-t-il à faire en France en matière de lutte contre le surendettement ? Si les lois successives ont atteint l’essentiel de leurs objectifs, un territoire reste en friche : l’éducation budgétaire. En février dernier, Emmanuel Constans, le président du CCSF, avait préconisé la mise en place d’une « stratégie nationale » sur le sujet et fait des propositions, sans réponse pour l’instant. D’où cette piqure de rappel : « (…) Il devient urgent que les pouvoirs publics entrent dans une phase opérationnelle en ciblant des actions visibles et symboliques, notamment en lien avec l’Éducation nationale pour les plus jeunes et pour les étudiants, ou avec les centres d’apprentissage. Les technologies actuelles permettraient de mettre en place rapidement des outils utilisables par le plus grand nombre de nos concitoyens. » A suivre.

(1) Ce même cabinet avait déjà travaillé sur le sujet : en 2008, en amont de la loi Lagarde, et en 2012, à l’occasion d’un premier bilan de ce texte.

(2) « Panorama et bilan des réformes en matière de crédit à la consommation et de prévention du surendettement sur 2010-2015 », publié en avril 2016.