C’est une première. Le fonds en euros à coussin Eurocit, pionnier du genre porté par AG2R La Mondiale, ferme sa collecte pour 10 mois. La raison : la poche dynamique a été emportée par la baisse des marchés.

Malaise chez les conseillers en patrimoine. En février, AG2R-La Mondiale les informe que le fonds euros Eurocit est fermé à tout versement… de mars à décembre !

Une première pour ce pionnier des fonds à coussin, lancé en 2009 par AG2R-La Mondiale. Le principe : un fonds euros à capital garanti, dont une partie, le coussin (18%), est investie sur des OPCVM, pour aller chercher un bonus de performance. « L’idée, c’est de mettre un peu de sel dans la soupe », glisse Jean-Marc Crestani, directeur épargne et clientèle patrimoniale au sein du groupe AG2R La Mondiale. « La théorie, c’est qu’on achète en début d’année, et on vend en fin d’année. » Le modèle a pris, et malgré la concurrence, Eurocit est devenu un fonds qui compte, pesant près de deux milliards d’euros.

Pertes cristallisées

Mais après avoir livré un taux correct de 3% en 2015, le fonds souffre depuis début 2016. « Depuis 15 ans, c’est la première fois que le marché baisse aussi fort et aussi tôt », promet Jean-Marc Crestani. « C’est le pire des scénarios. » Car chaque année, Eurocit fonctionne avec « un budget de risque » : le rendement de la poche de 82% d’actif général. Le coussin d’OPCVM peut donc tolérer 10% de baisse. Au-delà, la garantie en capital engagerait les fonds propres de l’assureur.

Mais le 9 février, la chute des marchés a atteint en séance 13% depuis le 1er janvier. « Comme on ne peut pas tout liquider d’un coup, on a commencé à vendre avant, quand on a atteint la moitié du budget de risque », détaille le directeur. « Au total, on a soldé les deux tiers de la poche dynamique. Forcément, on a vendu au plus bas. Les pertes sont donc cristallisées. » La performance 2016 sera donc maigre. « On a éteint deux moteurs sur trois. Pour générer de la surperformance, il faudrait que le dernier tiers investi rattrape son cours du début d’année, et le dépasse très largement. On en est loin, même si on est au quart de l’année. » S’il refuse de fixer un taux, l’assureur confirme qu’il est « peu probable » qu’Eurocit livre un rendement « égal ou supérieur » à l’actif général. On se situerait plutôt dans la configuration de 2014 : Eurocit n’avait pas dépassé les 1%.

Éviter le défaut de conseil

AG2R-La Mondiale a donc tranché, et fermé le fonds à tout versement jusqu’au 31 décembre. Un expert du sujet analyse cette stratégie. « C’est un groupe avec une approche très défensive dans la gestion des risques. Ils ont préféré bloquer le fonds, pour ne pas être attaqué pour ''défaut de conseil'' en cas performance nulle à la fin de l’année. » Jean-Marc Crestani concède que continuer à vendre le fonds aurait pu « mettre les distributeurs dans une mauvaise posture. On les a donc prévenus, on a communiqué clairement. On a l’information qu’Eurocit sera moins performant en 2016, il n’y a aucune raison de garder cela pour nous. On ne veut pas donner de mauvais conseils, que les nouveaux investisseurs soient déçus. »

Les rumeurs se sont multipliées : désinvestissements massifs, fonds menacé… S’il reconnaît « quelques mouvements de retraits, mais rien d’extraordinaire », il préfère sourire des chuchotements. « On peut nous montrer du doigt, s’étonner de la fermeture du fonds. Mais la bonne question, c’est : qu’ont fait les autres fonds dynamiques ? Ils sont restés plus discrets. On verra bien les performances en fin d’année ! »

Certains concurrents sont ainsi restés investis, dans l’espoir d’un éventuel rebond. L’occasion de moyenner à la baisse les investissements, grâce à la collecte. Pourquoi Eurocit n’a pas appliqué la même stratégie ? À cause d’un effet paquebot. « Notre fonds pèse deux milliards. Il faudrait collecter un milliard pour changer la donne ! Ce qu’on a fait n’est pas la gestion idéale, mais c’est le fonctionnement normal du fonds. Le capital reste garanti, en protégeant l’assuré. »

Les épargnants doivent-ils s’inquiéter ?

« Il n’y a aucun risque pour les personnes investies », promet le directeur. « Eurocit continue sa vie. On sait que cette année, ce ne sera pas bon. Mais les années sont étanches entre elles. On espère que le démarrage de 2017 sera meilleur ! »

Malgré tout, il semble de plus en plus complexe de gagner avec un fonds à coussin. « Notre matelas se rétrécit de plus en plus. » La poche dynamique d’Eurocit, proche de 25%, a été ramenée à 18% en quelques années. « La tendance est de réduire la proportion de la poche à risque. Et peut-être de diversifier les fonds, en réduisant la volatilité. Ce n’est peut-être pas plus mal, car il y aura moins d’à-coups. » Mais aussi moins de performance.