Parmi les mesures périphériques incluses dans le projet de loi anti-corruption dit « Sapin II », le gouvernement envisage d’ajouter une option solidaire au Livret de développement durable (LDD). Comment fonctionnerait cette option ? Et aurait-t-elle vraiment un intérêt ? Eléments de réponse.

Il fut un temps où le Livret de développement durable (ou plutôt le CODEVI, son ancien nom) se distinguait du Livret A - exclusivité des Caisses d’épargne, des bureaux de poste et des Crédits mutuels - par sa présence au catalogue de toutes les banques françaises. Une différence qui a disparu début 2009, lorsque les pouvoirs publics, en application des traités euroépens, ont décidé d’ouvrir la distribution du Livret A à tous les réseaux.

Depuis, le LDD, qui partage avec le Livret A l’essentiel de ses caractéristiques - son taux (0,75% net actuellement), son absence de fiscalité - vit dans l’ombre de celui-ci. Outre son plafond de versement (12.000 euros contre 22.950 euros pour le Livret A), la principale différence entre les deux produits est invisible aux épargnants. Comme pour le Livret A, l’argent des LDD est en partie centralisé au fonds d’épargne, géré par la Caisse des dépôts et consignations. Toutefois, dans le cas du LDD, les banques doivent s’engager à utiliser le reste pour financer la création et le développement de petites et moyennes entreprises (PME).

Un don annuel et sans frais

Ce fonctionnement général ne devrait pas être modifié par la loi Sapin II. Pour permettre au LDD de se distinguer du Livret A, le texte dévoilé la semaine passée prévoit seulement de lui adjoindre une « option solidaire ». Les épargnants auraient ainsi, chaque année, la possibilité d’affecter une partie des revenus tirés de leur LDD à une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS). Soit à « l’ensemble des associations exerçant une activité économique, [aux] coopératives, [aux] mutuelles, [aux] fondations, ainsi qu’[à] une nouvelle catégorie de sociétés commerciales recherchant une utilité sociale » en dirigeant leur activité « soit vers des publics vulnérables, soit vers la création ou le maintien de solidarités territoriales », rappelle l’étude d’impact publiée en parallèle du projet de loi Sapin II.

Comment fonctionnerait cette option ? Le texte renvoie le détail de ses modalités d’affectation à un décret. On ne sait donc pas encore si les banques distributrices du LDD auront l’obligation de proposer cette option solidaire, ou si l’épargnant aura la possibilité de choisir le pourcentage à affecter ou l’entreprise bénéficiaire. Seules certitudes : le don se fera « sans frais » et « sur proposition annuelle de l’établissement de crédit », qui devrait pouvoir sélectionner les bénéficiaires potentiel en amont.

Un coût limité pour les banques

La mesure a un mérite, mis en avant par Bercy : elle n’aurait que très peu d’impact sur l’existant, et représenterait donc un coût négligeable. Du côté de l’Etat, l’impact sur les recettes fiscales serait nul, puisque les intérêts du LDD sont déjà défiscalisés. Du côté des banques, la mise en place de cette option solidaire se limiterait à des « coûts informatiques liés à la mise en place des opérations nécessaires pour permettre l’exercice par le client du don ». Il n’est pas prévu, en effet, de changer la dénomination du LDD, ce qui aurait été « susceptible d’avoir des coûts beaucoup plus importants ».

Des coûts limités donc, mais quel impact pour les épargnants et les entreprises de l’ESS ? Pour les Français désireux de contribuer au développement de l’économie sociale et solidaire, il existe déjà une offre de livrets de partage solidaire au CIC, dans les Caisses d'Epargne, les Crédits Mutuels, à la MAIF, à la Société Générale, à la Banque Postale et depuis peu à la Nef, désormais agréée en tant qu’établissement de crédit spécialisé. Mieux, le LDD solidaire existe déjà : il s'appelle le Livret Codesol au Crédit Coopératif. Insuffisant, toutefois, pour le gouvernement qui regrette dans l’étude d’impact que ces « livrets orientés vers l’économie sociale et solidaire [soient] restés une exception et commercialisés seulement dans certaines banques. »

Les intérêts du LDD divisés par 2 en 3 ans

Côté ESS, que peut-on attendre de la mesure ? Dans son étude, Bercy rappelle qu’il « existe environ 25 millions de LDD pour un encours global collecté de l’ordre de 100 millions d’euros », une chiffre qui n’augmente plus depuis la fin 2013. En 2015, le LDD a produit 880 millions d’euros d’intérêts. Un chiffre non négligeable, mais qui a été divisé par deux depuis 2012, en raison de la baisse du taux. Quelle part de ce butin de plus en plus maigre les épargnants français seraient-ils prêts à partager ? Réponse dans quelques mois, si la mesure est votée en l’état.

A consulter : notre page consacrée aux livrets de partage