Le projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, d’ores et déjà surnommé loi Sapin II, vient d’être dévoilé en conseil des ministres. Parmi la multitude de sujets traités, des mesures sont annoncées concernant le chèque et les nouveaux moyens de paiement. Détails.

Ce n’est pas nouveau : le chèque est dans la ligne de mire des pouvoirs publics. Supplanté depuis plus de 10 ans par la carte bancaire comme moyen de paiement préféré des Français (hors espèces), le chèque confirme sa capacité de résistance. Rayé de la carte dans la plupart des pays, il représentait toujours 13% des paiements scripturaux effectués en France en 2014 : soit, tout de même, 2,5 milliards de chèques signés dans l’Hexagone, ce qui représente près de 70% du total des chèques émis dans l’Union européenne. Le chèque dispose en effet de deux grands avantages, qui expliquent l’attachement que lui portent les Français - trois quarts d’entre eux s’opposent à sa disparition - : sa simplicité d’usage et, surtout, sa gratuité.

La durée de validité du chèque limitée à 6 mois

Le gouvernement semble pourtant bien décidé à remédier à cet anachronisme. Car le chèque présente également des inconvénients, décrits dans le dossier de presse de la loi : un « circuit d’encaissement peu fluide », avec un risque de pertes côté bénéficiaire, et une incertitude sur la date d’encaissement côté payeur ; un « risque d’impayés pour les commerçants », « qui conduit nombre d’enseignes à les refuser » ; d’importants coûts de traitement pour les banques, alors même qu’elles ne les font pas payer.

Comme annoncé en octobre 2015 dans le cadre de la stratégie nationale sur les moyens de paiement, la durée de validité du chèque, c’est-à-dire la période durant laquelle il peut être encaissé, devrait donc être ramenée de 12 mois actuellement à 6 mois. L’objectif de cette mesure est clairement présenté dans l’exposé des motifs de la loi Sapin II : elle « vise à encourager l’utilisation de moyens de paiement alternatifs aux chèques, rapides, sécurisés et accessibles (cartes, virements, prélèvements, etc.) ».

Dans le même ordre d’idées, l’Etat va également mettre à disposition des collectivités locales et des établissements publics, dans les prochains mois, un nouvel outil baptisé PAYFIP, qui facilitera le paiement par prélèvement des créances émises par ces entités. Une initiative qui devrait également participer à une réduction supplémentaire de l'usage du chèque.

La confirmation de la diminution de la durée de validité des chèques a déjà provoqué des réactions négatives, notamment du côté de l’Association française des usagers de banques (Afub). Mais on peut douter qu’à elle seule, elle suffise à détourner les Français du chèque. Celui-ci n’a pas grand chose à craindre tant que n’existeront pas des alternatives simples et gratuites. Une myriade de jeunes sociétés technologiques, qu'on regroupe souvent sous l'appellation fintech, y travaillent. Mais la route est toutefois encore longue avant qu’elles ne gagnent la confiance des Français.

Un nouveau cadre pour les services de paiement

La loi Sapin II va y contribuer en autorisant le gouvernement à transposer par ordonnance deux textes européens. Le premier est la deuxième directive sur les services de paiement, dite DSP2, qui pose les bases d’une régulation des services de paiement tiers et des agrégateurs de comptes. Ces deux derniers ont en commun d’importer, avec l’autorisation de l’usager, des données détenues par les banques, qui ne voient pas ça d’un très bon œil. En imposant à ces nouveaux acteurs de respecter des normes prudentielles et de sécurité, la DSP2 va contribuer à les crédibiliser, et à accentuer la concurrence sur le marché des paiements électroniques. Mais les apports du texte ne s’arrêtent pas là : il renforce également la supervision des établissements de paiement et élève les standards de sécurité des paiements en ligne en généralisant l'authentification renforcée de l'acheteur.

Le second texte à transposer est une directive, datée du 23 juillet 2014, sur la « comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base ». En sont déjà issus le comparateur public des tarifs bancaires, lancé début 2016, et le nouveau dispositif de mobilité bancaire qui entrera en vigueur en février 2017. Restait toutefois à transposer des dispositions relatives à la transparence des tarifs bancaires et sur l'extension du droit au compte à l’échelle européenne. Ce que le gouvernement sera autorisé à faire par ordonnance, si la loi est adoptée en l'état.