Un juge va enquêter sur des soupçons de « corruption » et « harcèlement moral » visant le Crédit Agricole, à la suite d'une plainte d'une ex-analyste financière licenciée après avoir dénoncé des prises de risques contraires selon elle à la réglementation bancaire, a-t-on appris du parquet de Nanterre.

Le parquet a ouvert le 8 mars une information judiciaire contre X pour « corruption active et passive par une personne morale » et « harcèlement moral » confiée à un juge d'instruction. L'ouverture de cette instruction a été rendue automatique par la plainte avec constitution de partie civile qu'avait déposée le 1er juillet dernier Ida de Chavagnac, une ex-cadre de la CACIB, la banque d'investissement du Crédit Agricole. Une première plainte de juin 2014 avait été classée sans suite. Contacté par l'AFP, le groupe bancaire n'a pas souhaité faire de commentaire.

Dès 2010, cette femme, qui a travaillé 20 ans comme analyste dans les salles de marchés de la banque, avait constaté certaines dérives de la part de son supérieur, à la tête d'une équipe d'analystes de risques de contreparties. Ce service était chargé de noter la qualité financière d'assureurs et administrations publiques dans leurs opérations de marché. Le but : prévenir une faillite, toujours très coûteuse pour une banque.

Des « prises de risques inconsidérés »

Or selon cette ex-salariée, son supérieur « n'hésitait pas à surévaluer la notation d'un client afin de favoriser l'intérêt et les bonus des services commerciaux » de la banque, ce qui constituait à ses yeux des « prises de risques inconsidérés contraires à la règlementation bancaire », et « des agissements relevant de la corruption ».

A plusieurs reprises, l'ex-analyste affirme avoir subi des « pressions » pour qu'elle supprime ou modifie des avis défavorables qu'elle avait produits sur certaines entités présentant à son sens des indicateurs de mauvaise qualité. « Un dérapage » qui illustre selon elle « l'évolution de la banque de plus en plus orientée business », au détriment du contrôle des risques.

Une « lanceuse d'alerte » licenciée en janvier 2014

Ida de Chavagnac, qui se considère comme une « lanceuse d'alerte », avait informé sa hiérarchie de ces pratiques. « J'ai été licenciée en janvier 2014 malgré les preuves que j'ai pu apportées pendant le processus de licenciement », déplore-t-elle. L'ex-salariée, qui se défend sans l'assistance d'un avocat, a par ailleurs engagé une action aux Prud'hommes pour demander sa réintégration dans l'entreprise.