Depuis 2010, des héritiers pouvaient être amenés à payer des droits de succession sur une assurance-vie sans avoir encore bénéficié du capital. La faute à la réponse ministérielle dite Bacquet. Bercy a mis fin à cette situation pour les successions ouvertes à partir de 2016. Explications.

Retour en 2010 : une réponse ministérielle, faisant suite à la question du député Bacquet, précise la fiscalité successorale applicable pour une assurance-vie dans un couple soumis au régime de la communauté - régime matrimonial concernant de nombreux couples puisque cela correspond notamment au choix par défaut - (1). Elle crée alors un cas bien particulier, si l'un des deux époux a souscrit un contrat et que celui-ci a été alimenté par des fonds communs aux mariés.

En cas de décès du conjoint non assuré, et si l’assurance-vie n'est pas dénouée, ce contrat intègre tout de même l’actif successoral de la communauté. Conséquence : en tant que conjoint survivant, l’assuré est exonéré de droits de succession mais les enfants et autres héritiers, eux, doivent s’en acquitter. Des droits de mutation peuvent alors être calculés sur la valeur de rachat de cette assurance-vie, même si ces héritiers ne peuvent pas obtenir l'argent détenu sur ce contrat, puisqu'il n’est pas clôturé.

Une « belle victoire » pour l’Afer

Octobre 2015. Gérard Bekerman, le président de l’Afer, la plus emblématique association d’épargnants en France, annonce avoir obtenu un « engagement » de la part du président de la République : revenir sur la doctrine dite Bacquet. L’Afer s’étant emparée du sujet de longue date, Gérard Bekerman s’est ainsi empressé de mettre en avant ce qu'il considère comme une « décision capitale pour l’assurance-vie ». Avant de revendiquer, à la mi-janvier, une « belle victoire » suite à la publication d'un communiqué de Bercy annonçant un « changement de doctrine fiscale ». Toutefois, l’acte concrétisant cette évolution fiscale se faisait attendre. Il a pris la forme d’une nouvelle réponse ministérielle, faisant cette fois suite à une question du député Ciot.

Dans cette nouvelle réponse ministérielle, parue le 23 février au Journal officiel de l'Assemblée nationale, le ministère de l’Economie annule la « doctrine Bacquet » pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016. Et elle vient confirmer ce qui avait été annoncé par Bercy à la mi-janvier : « Désormais, le décès du premier époux sera neutre fiscalement pour les successeurs, notamment les enfants, (…). Ils ne seront imposés sur le contrat d’assurance-vie qu’au décès du second époux (…). »

Pas de changement pour le régime civil

Plus précisément, la réponse ministérielle souligne qu’en cas de décès du premier époux, et si l’assurance-vie n’est pas dénouée, alors sa valeur de rachat « ne constitue donc pas un élément de l'actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l'époux prédécédé ». Par la suite, comme Bercy le laissait entendre dans son communiqué, « les sommes versées aux bénéficiaires de l'assurance-vie resteront bien évidemment soumises aux prélèvements prévus » lors du dénouement du contrat, notamment en cas de décès du second conjoint.

La réponse Bacquet avait fait l’objet d’une mise à jour de la documentation fiscale. Cette « réponse Ciot » devrait donc entraîner une nouvelle mise à jour. En revanche, cette actualisation ne concerne pas le régime civil : ainsi, sur le strict plan civil, l’assurance-vie peut être intégrée dans la délimitation de l’actif à liquider.

(1) Hors communauté universelle, qui elle n'ouvre pas de succession en cas de décès d'un des époux. Lire, par ailleurs, pour plus de détails sur la réponse Bacquet, sur le blog de la rédaction : Communauté légale et souscription d’un contrat d’assurance-vie avec des fonds communs : retour sur la réponse ministérielle dite Bacquet