Pour une large part des titulaires d’assurance-vie, ce placement brille plus par la sécurité du fonds en euros que par la possibilité de miser sur les marchés financiers via les supports en unités de compte. Mais les assureurs, eux, ont intérêt à ce qu’ils investissent sur ces UC ! Un exercice qui pourrait s'avérer encore plus difficile en 2016 suite aux fluctuations des marchés boursiers. Pour y parvenir, les assureurs disposent de plusieurs cordes à leur arc. Tour d’horizon.

« 54%, c’est le record ! Pour la première fois, la collecte des unités de compte a dépassé celle des fonds en euros ! » Le 28 janvier dernier, Bernard Spitz, le président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), ne cachait pas sa satisfaction : « Les Français cherchent un meilleur rendement et, pour cela, ils sont prêts à prendre plus de risque. » Les Français, d’ordinaire si frileux, ont-ils réellement préféré aux fonds en euros des supports risqués ? Non. Ce phénomène se constate certes sur la collecte nette (les versements moins les retraits) mais la collecte brute montre toujours la forte domination des fonds euros : 108 milliards d’euros versés sur les fonds garantis en 2015, contre 27 milliards sur les supports en UC. En clair : les UC progressent et les Français retirent peut-être plus des fonds euros que des supports en UC, mais ils ne sont pas encore totalement convertis au risque.

La satisfaction de Bernard Spitz illustre toutefois la volonté non dissimulée des assureurs de provoquer un basculement vers les UC. Pourquoi ? Crédit Agricole Assurances livre une partie de la réponse dans une analyse récente : « Les fonds en euros sont fortement consommateurs de fonds propres du fait de l’application des normes Solvabilité I puis Solvabilité II, en vigueur depuis le 1er janvier 2016. » D’où l’intérêt de favoriser les supports en UC, sur lesquels les pertes sont supportées par l’épargnant.

Astuce n°1 : assumer la baisse du taux du fonds euros

Lors de la saison d’annonces de taux 2015 qui touche actuellement à sa fin, les assureurs ont globalement assumé leurs baisses de rémunération, présentées comme nécessaire dans un contexte durable de taux bas. Décryptage : les taux des fonds euros vont encore baisser. Pour compenser, les assureurs mettent en avant leurs « alternatives » ou autres « nouvelles solutions d’investissement ».

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Astuce n°2 : la promesse d’un rendement supérieur

Un rendement en berne sur le fonds euros ? Les assureurs en profitent pour mettre en avant les performances de leurs meilleurs supports en unités de compte. En 2015, les UC de l’assurance-vie ont rapporté en moyenne 4,1% selon la FFSA : moins que les 5,9% annoncés en 2014 ou que les 8,2% de 2013, mais mieux que le taux moyen de 2,3% communiqué pour 2015 sur les fonds en euros (1). Banques et assurances mettent aussi en avant les rendements élevés des fonds immobiliers (SCPI ou OPCI grand public), qui « présentent un bon couple rendement-risque et peuvent utilement compléter ou remplacer le fonds garanti en euros », plaide Axa dans un dossier de presse fin 2015.

Même s’ils n’oublient jamais l'avertissement « les rendements passés ne préjugent pas des rendements futurs », les distributeurs d’assurance-vie ne se privent pas de mettre en avant les rendements passés de leurs UC. Mais les performances boursières en dents de scie des derniers mois pourraient freiner les ardeurs des assurés. Sur son site, la MACSF affiche les performances 2016 de ses profils d’investissement mêlant fonds euros et UC : -4,08% sur le profil dynamique en janvier 2016, après une année 2015 à +9,67%.

Astuce n°3 : un bonus sur le fonds euros, sous conditions

En 2010, Axa a inauguré une politique de rémunération visant à « compenser la baisse future du rendement des fonds en euros » : un rendement bonifié sur le fonds euros à condition de disposer d’une épargne minimum, ou de détenir une part significative d’UC. Cette politique de bonus de rendement a rapidement été reprise par d’autres assureurs traditionnels, puis par certains acteurs mutualistes, comme MMA qui assume aujourd’hui « une réorientation vers les unités de compte ».

Plusieurs banques se sont elles aussi converties au bonus de rendement, avec la même condition d’investissement en UC mais sous une forme plus restrictive : le complément de rémunération ne s'applique qu'aux nouveaux versements. Le Crédit Agricole renouvèle ainsi régulièrement ce type d’offres, tout comme LCL, BNP Paribas, la Société Générale, ou plus récemment la Banque Postale.

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Astuce n°4 : l’accès à un fonds euros dynamique, à condition d’investir en UC

Suravenir Opportunités, Netissima, Euro Allocation Long Terme (2), Eurocit', etc. Ces fonds euros, dynamiques ou à dominante immobilière, trustent les premières places des classements des fonds euros les plus rémunérateurs en 2015. Sauf qu’ils sont loin d’être aussi accessibles que les fonds en euros classiques, investis majoritairement sur des obligations. Ainsi, depuis la fin 2015, Sécurité Pierre Euro (contrat Sérénipierre), le champion de l’année 2015 avec un taux de 4%, n’est accessible qu’à condition d’affecter la moitié de son versement sur des unités de compte. Autre exemple, sur l’assurance-vie Diade Evolution, les fonds Europierre et Europierre Plus rapportent 3,20% en 2015 mais nécessitent d’investir en UC et la plaquette commerciale précise qu’ils ne sont accessibles que « ponctuellement dans le cadre de campagnes commerciales spécifiques ».

Sur son contrat web « maison », Generali Vie ne laisse même plus la possibilité d’investir à 100% sur un fonds en euros ! Désormais, sur Generali Epargne, l’accès au fonds classique Eurossima et au fonds « diversifié » Netissima nécessite respectivement une part de 25% et 30% en UC.

Astuce n°5 : démocratiser la gestion pilotée et simplifier le choix des épargnants

Gérer des dizaines de supports risqués peut faire peur : par manque de temps, de connaissance ou de confiance en sa capacité d’arbitrage. Jadis, la gestion sous mandat, qui permet de déléguer ces arbitrages à une société de gestion, était réservée aux plus fortunés. Les banques en ligne Boursorama et ING Direct ont donc fait de la démocratisation de cette option un véritable argument commercial : ce mode de gestion y est actuellement accessible à partir de 1.000 euros. Une stratégie payante : « la majorité de la collecte se fait via la gestion sous mandat », affirme Julien Schahl, responsable placements et épargne au sein de la banque orange.

Les nouveaux arrivants sur le marché de l’assurance-vie en ligne, les robo-advisors (robots-conseillers), vont encore plus loin. Yomoni propose ainsi d’investir à 100% en UC, sur des fonds indiciels, en signant dès le départ un mandat d’arbitrage, le fonds en euros n’intervenant qu’en cas de clôture de ce mandat. Les acteurs plus traditionnels cherchent aussi à démocratiser la gestion sous mandat : Axa a abaissé le ticket d’entrée de 300.000 euros à 10.000 euros sur ces principaux contrats en 2016. Mais la gestion pilotée a souvent un coût : majoration des frais de gestion de 0,10% sur ING Direct Vie (soit 0,95% sur les UC), majoration de 0,60% sur les supports concernés chez Axa, un taux cumulé de 1,6% chez Yomoni, etc.

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Au lieu de jouer l’exhaustivité des UC, d’autres acteurs choisissent plutôt de simplifier le choix des détenteurs d’assurance-vie. La Banque Postale pousse cette logique à l’extrême sur Vivaccio avec un fonds euros et un seul support en unités de compte (le fonds commun de placement actions internationales Vivaccio Actions). Un principe que l’on retrouve au Crédit du Nord, qui vante la « simplicité » d’Antarius Duo.

Astuce n°6 : la sécurisation progressive de l’épargne

Une dernière astuce semble faire des émules dans les rangs des assureurs : épargner en vue d’un objectif, en misant sur les UC au départ et en sécurisant les actifs petit à petit sur le fonds en euros à l'approche de l'échéance choisie. A l’image de la MAAF (sur Winalto) ou de la MACSF (« profil évolution » sur RES Multisupport), Groupama a intégré la « gestion à horizon » sur son assurance-vie phare, Modulation, la présentant même comme nécessaire pour compenser la faible rémunération des fonds euros dans une vidéo promotionnelle.

La MIF, jusqu'ici fidèle aux contrats 100% en euros, lance elle son premier contrat multisupports, Horizon Euroactif, en optant pour ce même principe de sécurisation progressive. Cette nouvelle « astuce » montre aussi que les assureurs sont conscients de l’attachement des Français à la garantie en capital du fonds en euros, d’où la promotion de la complémentarité entre fonds euros et UC.

(1) Toutes les performances évoquées s’entendent net de frais de gestion (et hors contributions sociales et fiscales).

(2) L'accès à Euro Allocation Long Terme n'est pas conditionné à un investissement en unités de compte mais reste restrictif, puisque limité à 60% de chaque versement. Pour plus de détails : le fonds Euro Allocation Long Terme de Spirica.