Dans les différentes familles du financement participatif, celle du prêt affiche, très largement, la croissance la plus importante selon le dernier baromètre du crowdfunding diffusé par l’association Financement participatif France. Parmi les plateformes de « crowdlending » exerçant en France, Look&Fin affiche elle la particularité d’être basée en Belgique. Quelles conséquences pour les investisseurs ? Réponse de son fondateur, Frédéric Lévy-Morelle.

Look&Fin exerce en Belgique depuis juin 2012 et s’est donc lancé en France en avril 2015. Pour quel bilan ?

Frédéric Lévy-Morelle : « Nous voulons nous positionner comme un acteur européen du crowdlending. Nous nous différencions des autres plateformes par notre vision du financement participatif : elles cherchent à s’ancrer dans l’économie locale et de proximité. Nous, nous proposons avant tout une alternative aux placements traditionnels. Raison pour laquelle nous incitons nos clients à diversifier leurs placements au niveau sectoriel et au niveau géographique. En 2015, au total, nous avons collecté 3,5 millions d’euros, pour 26 entreprises, dont la moitié sont françaises, les autres étant belges. Pour 1.484 prêts réalisés : les prêteurs résident en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Suisse. Depuis notre lancement, nous avons une croissance de 10% par mois. En 2016, nous pensons que cela va s’accentuer et nous visons donc 90 entreprises emprunteuses pour 15 à 16 millions d’euros de collecte. »

Vous avez lancé votre activité en France plusieurs mois après l’entrée en vigueur du cadre réglementaire du crowdfunding, en octobre 2014. Pourquoi ?

F. LM. : « Ce cadre réglementaire ne nous impactait pas puisque les prêts prennent chez nous la forme de bons de caisse, comme chez Unilend, qui a lancé son activité avant l’entrée en vigueur de ce cadre. Ce qui permet d’ailleurs aux investisseurs de ne pas être plafonnés à 1.000 euros sur notre plateforme. »

Sur Look&Fin, les prêteurs investissent-ils régulièrement plus de 1.000 euros par projet ?

F. LM. : « Le panier moyen est important : il s’élève à 2.400 euros par prêteur et par projet. Et les investisseurs réalisent en moyenne quatre opérations : ils sont donc souvent exposés pour plus de 10.000 euros sur notre plateforme. Notre ticket d’entrée est d’ailleurs assez élevé : 500 euros. Nous atteignons ce panier moyen grâce au bon de caisse mais aussi grâce à notre historique commercial : en 4 ans nous n’avons toujours connu aucun défaut de remboursement, en sélectionnant des entreprises à valeur ajoutée et pas le petit commerce du coin ! De quoi donner confiance aux investisseurs. Nous communiquons toutefois dès à présent un taux de défaut de 0,87% puisque nous savons qu’un montant de 45.000 euros pourra très prochainement poser problème. »

Look&Fin revendique un taux d’intérêt moyen de 8,4% actuellement. Pourquoi des entreprises « à valeur ajoutée » acceptent-elles d’emprunter à des taux si élevés ?

F. LM. : « Dans 80% des cas, les PME que nous sélectionnons obtiennent un financement bancaire en complément. Nous nous positionnons sur des dossiers éligibles au crédit bancaire classique. Comme par notre biais, les fonds sont débloqués rapidement [les fonds sont généralement disponibles en une dizaine de jours, temps de collecte comprise, selon Look&Fin, NDLR], les banques considèrent notre partie du financement comme du ''quasi-capital'' : pour les entreprises emprunteuses, nous sommes ainsi des facilitateurs de crédit bancaire. »

Comment sont fixés vos taux d’intérêt ?

F. LM. : « Pas aux enchères : nous avons un outil de notation qui nous permet de suggérer un taux à l’emprunteur. C’est toutefois ce dernier qui décide du taux qu’il souhaite proposer aux investisseurs. »

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Votre siège social est en Belgique. Qu’est-ce que cela change pour les prêteurs français ?

F. LM. : « Nous sommes souvent catégorisés comme une plateforme belge exerçant en France mais nous disposons de projets en France comme en Belgique, et nous avons aussi un bureau français basé à Paris. Nous allons par ailleurs ouvrir notre activité à deux pays supplémentaires, que nous ne pouvons pas encore dévoiler, lors des 24 prochains mois. »

D’un point de vue fiscal, comment est déclaré un investissement via Look&Fin pour un prêteur français ?

F. LM. : « Lorsque vous investissez sur Look&Fin, il n’est pas nécessaire de créer et d’approvisionner un compte de monnaie électronique [sur les principales plateformes françaises de crowdlending, tout investissement nécessite l’ouverture d’un ''compte prêteur'', NDLR]. Les prêts sont réalisés via virements bancaires et sont matérialisés par la signature d’un bon de caisse par l’emprunteur. Look&Fin s’occupe de la collecte des fonds ainsi que de réaliser des prélèvements mensuels auprès des emprunteurs pour rembourser chacun des prêteurs. Du point de vue fiscal, une retenue à la source est prélevée par l’emprunteur. »

Et si un Français prête à une entreprise belge, par exemple ?

F. LM. : « Au niveau européen, les conventions empêchent la double taxation. Il y a donc une retenue à la source au niveau de l’entreprise emprunteuse, dans son pays de résidence, puis la fiscalité française s’applique pour le prêteur mais ce dernier peut faire valoir le prélèvement à la source en Belgique comme acompte fiscal. Pour que ce processus soit facilité, nous l’avons automatisé. Et les prêteurs ont accès au décompte de tous les intérêts perçus sur leur espace personnel, afin de faciliter leur déclaration. Ils ne reçoivent pas d’imprimé fiscal unique (IFU) mais toutes les informations nécessaires à leur déclaration sont récapitulées sur le site. »

Les pertes peuvent désormais être déduites des intérêts perçus grâce au crowdlending, mais pas pour les prêts matérialisés par un bon de caisse. Quand espérez-vous pouvoir faire profiter de cette déductibilité fiscale des pertes à vos clients ?

F. LM. : « La loi #noé [qui ne fera finalement pas l'objet d'un projet de loi disctint mais de mesures intégrées à d'autres textes selon Emmanuel Macron, NDLR] devrait favoriser les bons de caisse, et peut-être élargir à ces supports la déductibilité des pertes. Mais, pour continuer à proposer des investissements en bons de caisse, il faudra probablement être soit IFP, soit CIP [les deux statuts créés spécifiquement pour les plateformes de financement participatif, NDLR]. Nous travaillons donc à l’obtention de ces statuts. »