Comment concilier, en matière d’épargne, sécurité, liquidité et rendement ? Comme lors des années précédentes, une des réponses les plus pertinentes à cette question en 2015 a été la pratique du « saut de livrets ». Dans le scénario que nous reconstituons ici, elle a permis d’atteindre un rendement brut de 3,25% en déplaçant judicieusement son capital d’un super-livret bancaire à l’autre, au gré des promotions de bienvenue offertes par les acteurs du marché de l’épargne en ligne.

C’est un fait déjà largement commenté : 2015 restera comme une année sans relief pour les épargnants privilégiant les placements liquides et sans risque. Le contexte macro-économique dégradé, et la politique de taux très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) pour y remédier, ont amené les rendements des placements grand public à des niveaux historiquement bas : 0,75% net pour le Livret A depuis le 1er août 2015 ; 0,35% brut pour les livrets fiscalisés (1) ; autour de 2,25% (2), probablement, pour les fonds en euros des contrats d’assurance-vie.

Ce déclin, de fait, n’est pas nouveau. Son point de départ se situe à la fin de l’année 2012. Il n’est pas non plus totalement inexorable. Une des parades à la morosité des taux est en effet le « saut de livrets ». Cette pratique, facilitée par internet, consiste à optimiser le rendement de son capital en le déplaçant d’un livret bancaire à l’autre, au gré des promotions de bienvenue (taux boostés pendant quelques mois, primes à l’ouverture), offertes notamment par les banques 100% en ligne.

Le saut de livrets n’est pas une sinécure. Il demande du temps pour la veille des offres (même si notre comparatif des offres commerciales rend la chose plus aisée), de l’organisation pour gérer les transferts de solde d’un compte à l’autre et parfois un peu de chance. Mais l’effort consenti est récompensé. Utilisés comme produit d’appel sur le marché ultra-concurrentiel de la banque en ligne, les « super-livrets » bancaires échappent en effet en partie à la dure réalité du marché de l’épargne. Ces dernières années, en 2012, 2013 et même en 2014, nous avions ainsi réussi à reconstituer des scénarios de sauts de livrets permettant d’obtenir des rendements supérieurs à 4%.

Une chute de près d’un point

Pouvait-on espérer dépasser à nouveau les 4% en 2015 ? Non. Comme les années précédentes, nous avons reconstitué, après coup, un scénario optimisé. Il a consisté à placer 50.000 euros successivement sur 4 super-livrets d’épargne, présentant les offres les plus attractives à un moment donné (voir l’encadré ci-dessous pour le détail) :

Au final, ce scénario nous a permis d’obtenir 1.464,25 euros d’intérêts bruts, plus 160 euros de bonus. Soit l’équivalent d’un taux brut de 3,25%. Le rendement net dépend ensuite de votre niveau d’imposition :

  • 2,79% pour un taux marginal d’imposition (TMI) de 0% ;
  • 2,41% pour un TMI de 14% ;
  • 2,09 ou 1,96% pour un TMI de 30%, selon que vous puissiez opter ou non pour l’acompte libératoire.

A noter : nous avons retenu la somme de 50.000 euros, la même que les années précédentes. Toutefois, étant donné le poids relativement important des primes fixes dans le calcul, ce taux brut augmente si on place une somme moins importante.

A consulter : La fiscalité des livrets d’épargne

Evidemment, ce scénario très agressif a un défaut : celui de solliciter quatre enseignes différentes. Les taux promotionnels et les primes, en effet, sont réservés aux nouveaux clients. Appliquer ce scénario à la lettre signifie donc ne plus pouvoir bénéficier de ce type de bonifications dans les enseignes concernées avant plusieurs années, le temps de sortir de leurs listes de clients. Une autre possibilité, moins rémunératrice mais beaucoup plus simple et moins « consommatrice » d'enseignes, était de placer les 50.000 euros tout au long de l'année sur un Compte Epargne Cetelem, qui affichait début 2015 un taux bonifié de 2,90% brut pendant douze mois.

Quoi qu'il en soit, cette campagne de saut de livrets aura permis de largement dépasser le rendement du Livret A, voire celui des fonds euros de l’assurance-vie dans de nombreux cas. Il n’en reste pas moins qu’elle marque un décrochage de près d’un point par rapport à 2014, où le taux obtenu était de 4,19%.

Des acteurs moins agressifs sur l’épargne

La première explication à ce décrochage tombe sous le sens : les rendements offerts par les banques en ligne ont tout simplement été plus faibles que les années précédentes. Les taux boostés en 2015, quelle que soit l’enseigne, n’ont pas dépassé les 4%, contre 5% en 2014. Certaines promotions sont même descendues jusqu’à un maigre 2,50%, à l’image du Livret + de Fortuneo actuellement.

Les périodes de bonifications ont également été moins nombreuses et moins systématiques. Seuls BforBank, Cetelem et ING Direct ont maintenu en permanence des promotions sur leurs livrets. Certains acteurs, à l’inverse, ont nettement diminué la voilure. C’est le cas, par exemple, de RCI Banque, qui a fait le choix de relever son taux de base, de 1,50% à 1,70%, mais n’a plus mis en place de taux boostés depuis la fin juin 2015.

Plus généralement, on peut faire le constat d’un revirement stratégique des banques en ligne, qui ont toutes choisi - en tout cas, celles qui le peuvent - de porter l’effort sur le compte bancaire en ligne avec carte bancaire gratuite, devenu leur principal produit d’appel. Les primes de 80 euros en l’échange de l’ouverture d’un compte courant ont ainsi été omniprésentes l’an passé et le restent en ce début 2016, à une exception près : ING Direct. Un choix raisonnable sans doute, à l’heure où de plus en plus de Français se posent la question du coût supporté pour accéder aux services de leur banque.

Notre scénario en détail

Le scénario que nous avons retenu est celui d’un placement de 50.000 euros commençant à produire des intérêts dès le 1er janvier 2015, ce qui implique une ouverture du premier livret au cours de la dernière quinzaine de 2014.

Ces 50.000 euros sont placés successivement sur :

  • un Livret Zesto de RCI Banque du 1er janvier au 30 avril (offre à 4% pendant 4 mois) pour un gain brut de 666,67 euros, plus 0,11 euros d’intérêts lié à l’immobilisation de 10 euros sur le compte, RCI Banque imposant de maintenir le compte ouvert jusqu’au 31 décembre 2015 pour bénéficier du taux promo ;
  • un Livret Bforbank du 16 mai au 16 août (offre à 3% pendant 3 mois), pour un gain brut de 374,93 euros ;
  • un Livret Hello Bank du 1er septembre au 30 novembre (offre à 3% pendant 3 mois), pour un gain brut de 376,63 euros auxquels s’ajoutent 0,01 euro d’intérêts liés à l’immobilisation de 10 euros pour maintenir le compte ouvert + 80 euros de prime. A noter que le capital versé sur le livret est passé à 50.216,83 euros avec l’ajout des intérêts nets de cotisations sociales et fiscales perçus à la fermeture du Livret BforBank ;
  • un Livret d’épargne Monabanq du 16 décembre au 31 décembre (offre à 3% pendant 3 mois + 80 euros de prime), pour un gain brut pour cette unique quinzaine 2015 de 45,93 euros (dont 8,42 euros pour la partie du versement dépassant le solde limite de l’offre) + 80 euros de prime. Ici, le capital versé est de 50.206,83 euros.

Au final, les intérêts bruts versés atteignent 1464,25 € + 160 € de bonus, soit l’équivalent d’un taux brut de 3,25% sur l’année. En soustrayant les prélèvements sociaux et l’acompte fiscal, il reste 885,88 euros d’intérêts nets + 160 euros de bonus.

(1) Taux moyen en janvier 2016, selon l’indicateur cBanque des taux de livrets bancaires.

(2) Avant fiscalité éventuelle et prélèvements sociaux.