De nombreux clients bancaires expérimentent chaque jour la difficulté de virer des sommes à 4 chiffres vers un compte bancaire détenu dans une autre enseigne, à cause des limites fixées par leurs banques à ces virements externes. Le point sur les pratiques.

77% : c’est la part des Français qui sont clients de plusieurs enseignes bancaires simultanément (1). Un phénomène de multibancarisation qui n’est pas nouveau, mais qui a été encore accentué depuis une quinzaine d’années par l’émergence de nouveaux acteurs bancaires, 100% en ligne, qui proposent des produits d’épargne (livrets et assurances-vie en particulier) à rémunération attractive.

A l’âge d’internet, cette gestion multicomptes est d’autant plus aisée que déplacer son argent d’un compte à l’autre est devenu techniquement aussi simple que d’envoyer un mail. Les virements en ligne, en libre-service et gratuits, sont devenus un standard du marché. Pourtant, de manière paradoxale, cette pratique peut devenir dans certains cas un véritable parcours du combattant. Les forums internet spécialisés - celui de cBanque en premier lieu - sont remplis de témoignages d’épargnants confrontés à la frustration de ne pas pouvoir disposer librement de leurs liquidités, à cause des limites fixées par les banques aux virements effectués vers d’autres enseignes.

Un manque de transparence sur les montants

Nous avons interrogé une série de banques de détail, parmi les principales de la place, pour connaître leurs pratiques en la matière. En l’absence de réglementation plafonnant le montant des virements externes, chaque enseigne est en effet libre de fixer le niveau de ce plafonnement. Et toutes, de fait, n’appliquent pas les mêmes règles. Le montant maximum journalier est ainsi de « 6.000 euros par jour pour les virements tiers SEPA (2) », nous a expliqué la communication de BNP Paribas. A la Société Générale, « les virements sortants sont limités en montant, par ordre et par jour. Le plafond journalier par défaut est de 4.000 euros ». Des sommes confortables, qui couvrent sans doute la majorité des besoins des clients, mais peuvent s’avérer insuffisantes dans certains cas. Par exemple lorsque, en prévision d’un achat immobilier, vous cherchez à rassembler sur un compte des sommes réparties sur plusieurs livrets d’épargne, afin de constituer votre apport.

Ce type d’opération peut s’avérer d’autant plus périlleux que le manque de transparence domine au sujet du virement. Alors que nombre de banques sont aujourd’hui capables d’informer clairement leurs clients sur les plafonds de paiements et de retraits de leurs cartes bancaires - voire d’ajuster quasi-automatiquement ces plafonds au besoin - il n’existe rien de tel pour les virements. De plus, la majorité des enseignes ne fixe pas un plafond unique, mais le module selon le profil du client. C’est par exemple le cas de LCL. « Les plafonds sont fixés initialement par défaut selon le marché, puis des adaptations sont proposées aux clients en fonction de leurs habitudes », explique la communication de la banque. « Ils gardent bien sûr leur autonomie sur les possibilités de les modifier en fonction de leur profil. »

Résultat : rares sont les clients à connaître a priori le plafond de virements qui leur est appliqué. Ils les découvrent souvent à leurs dépens, lorsqu’on leur refuse un virement. Dans ce cas de figure, le seul recours pour pouvoir mener à bien l’opération est de se rendre en agence ou d’utiliser son téléphone pour contacter un conseiller, habilité lui à outrepasser le plafond après vérification d’identité. Un recours à l’humain qui a un coût : 3,81 euros en moyenne au 1er décembre 2015, selon le comparateur de frais bancaires de cBanque.

Une « protection des avoirs de la clientèle »

Si la politique des banques en matière de plafonds est hétérogène, toutes utilisent le même argument pour les justifier : la fraude. « Nous appliquons ces limites pour des raisons de sécurité et de protection des avoirs de la clientèle » explique la communication de LCL. « Pour limiter les risques de fraude pour les clients » confirme BNP Paribas. En résumé, il s’agit d’éviter qu’un fraudeur ne vide un compte bancaire à vitesse grand V en piratant l’espace bancaire en ligne d’un client.

Le plafonnement du montant des virements n’est toutefois pas le seul dispositif susceptible de sécuriser, mais aussi de compliquer, la procédure de virement externe. Les banques, en effet, prennent également soin d’encadrer l’ajout de coordonnées de comptes externes, préalable indispensable au virement. Une opération sensible, qui est généralement sécurisée par une étape d’authentification renforcée. Comme pour certains paiements en ligne par carte bancaire, la plupart des enseignes ont choisi d’envoyer à leur client un code à usage unique par SMS. Pour les réfractaires au mobile, BNP Paribas et LCL, notamment, permettent aussi à leurs clients de recevoir ce code par courrier papier.

Cette étape de sécurisation par code n’est toutefois pas suffisante pour toutes les enseignes. Certaines prévoient également une période de temporisation, de 24 voire 48 heures, avant de pouvoir effectivement virer de l’argent sur le compte. Mais là encore, les pratiques sont hétérogènes. La Société Générale, par exemple, ne prévoit pas de délai. BNP Paribas se réserve un délai de 24 heures, sauf pour les clients du service bancaire 100% en ligne Hello bank.

Virements externes interdits depuis les comptes épargne

Dernière pratique compliquant l’accès des clients bancaires à leurs liquidités : l’impossibilité, quasi-généralisée, d’effectuer un virement en direct depuis un compte épargne vers un compte externe. Pour justifier cette pratique, les enseignes concernées se réfèrent à la réglementation interbancaire, en l’occurrence à une Décision à caractère général du Conseil national du crédit datant de 1969. Elle explique que « les opérations enregistrées sur des comptes sur livret sont limitées à des versements ou des retraits au profit du titulaire ou à des virements de ou à son compte à vue ».

Pour autant, la détention dans un même établissement du compte à vue et du livret n’est pas obligatoire, comme le prouve l’exemple de RCI Banque et de PSA Banque. Ces deux marques, filiales respectivement des constructeurs automobiles Renault et Peugeot-Citroën, distribuent des livrets d’épargne à taux boostés, mais ne proposent pas de comptes courants. Leurs clients sont donc autorisés à virer des sommes (jusqu’à 50.000 euros par période de 7 jours glissants dans les deux cas) depuis leur livret vers un compte externe. Avec une nuance : si PSA Banque accepte d'enregistrer jusqu'à 10 comptes bénéficiaires différents, RCI Banque s'en tient, pour raison de sécurité, à un compte courant externe unique. Une limite mise en place récemment par la banque.

A consulter sur cBanque : les frais de virements occasionnels ou permanents

(1) Selon une étude Audirep publiée en octobre 2014, 77% des clients bancaires en France possèdent des comptes dans plusieurs banques - 96%, même, des clients des banques en ligne.

(2) Virement au format européen, généralisé depuis l’été 2014, vers les autres pays de la zone SEPA.