L’investissement socialement responsable (ISR), un concept « hétérogène », peu lisible et qui se traduit par une trop faible transparence de la plupart des fonds revendiqués comme tels selon un rapport publié hier par l’AMF. Le gendarme boursier réclame une meilleure cohérence d’ensemble et d’importants efforts d’information de la part des sociétés gestionnaires de fonds ISR.

Au début de l’automne, le ministre des Finances Michel Sapin a annoncé la création d’un label ISR public, avec de premiers fonds (accessibles en direct, via l'épargne salariale, l'assurance-vie, etc.) labellisés courant 2016. Une nouveauté plus que nécessaire, à en croire le rapport publié hier par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Premier problème soulevé par la gendarme boursier concernant l'ISR : l’absence de définition commune en Europe. En France, l’AFG, association regroupant les sociétés de gestion, et le Forum pour l’investissement responsable (FIR) ont proposé une définition large, et donc peu restrictive, en 2013 : un « placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable (…) ».

Un « risque de greenwashing »

Le gendarme boursier recommande ainsi que tout fonds commercialisé en France mettant en avant un caractère ISR adhère à terme « à une charte, un code, ou un label » attestant le respect d’objectifs « sociaux, environnementaux ou de gouvernance ». Car l’AMF a recensé 409 fonds « commercialisés en France » et « mettant en avant un caractère ISR », ou « durable » et « éthique ». La marque « ISR » va donc bien au-delà des 113 fonds labellisés ISR par la filiale de la Caisse des dépôts Novethic, le label le plus largement reconnu en France.

Au-delà de l’identification des fonds ISR, l’AMF dresse un constat sévère dans son rapport, lié à l’absence de cadre réglementaire ou de norme et définition précises : « Une même approche ISR peut mener à la construction de portefeuilles peu comparables. A l’inverse, il est parfois possible de constater de grandes similitudes entre un portefeuille géré selon une démarche ISR et un portefeuille classique non ISR de même classification. » Bref, le gendarme boursier pointe un manque de cohérence.

Peu d’informations pour l’investisseur

Ces pratiques hétérogènes entraînent un problème de lisibilité pour le particulier souhaitant investir dans un fonds d’investissement socialement responsable. Parmi les 409 fonds identifiés par l’AMF, l’autorité en a plus spécifiquement examiné 100. Pour 74% d’entre eux, l’investisseur ne dispose pas d’une information suffisante « pour lui permettre de comprendre ce que signifie le qualificatif ISR désignant le produit ». Parmi les 100 fonds se revendiquant comme « ISR » que l’AMF a étudié, 21 se contentent même de mentionner « l’existence d’une politique d’investissement responsable » sans livrer « aucune information sur la nature des critères extra-financiers retenus ».

Le gendarme boursier souligne en revanche les « efforts particuliers » et « bonnes pratiques » de certaines sociétés de gestion, les manquements ne concernant ainsi pas l'ensemble des fonds « ISR ». Forte des conclusions de ce rapport, l’AMF a mis à jour sa doctrine relative à l’ISR en réclamant plus de détails, de lisibilité, et de transparence aux sociétés de gestion.