A quelques jours de la fin de son mandat, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer était interrogé jeudi matin sur la radio Europe 1. Un entretien en forme de bilan, au cours duquel il a appelé une nouvelle fois à réformer le mode de fixation du taux du Livret A.

A propos de ce mode de fixation, Christian Noyer a expliqué qu’il est fondé en partie sur des « raisons économiques, puisqu’on demande au gouverneur de la Banque de France de donner son opinion, d’être un peu le chef d’orchestre de la procédure ». « Mais en réalité la décision finale est inspirée par des considérations politiques et ça, c’est absurde », a regretté le gouverneur. « Le Livret A, c’est un instrument économique, c’est un instrument d’épargne et il devrait suivre les taux d’intérêt de la BCE [Banque centrale européenne, NDLR]. (…) On a donné la politique monétaire à une banque centrale indépendante qui est la BCE avec l’ensemble du système. On devrait faire la même chose pour le Livret A. »

Le changement du taux du Livret A « devrait être entièrement délégué au gouverneur de la Banque de France ou alors totalement indexé sur les taux de la BCE », a répété Christian Noyer, qui quitte son poste le 1er novembre. « Que cela suive la politique monétaire et les gens s’y habitueraient très vite. On saurait que ce n’est pas le gouvernement qui décide, que ce n’est pas sa responsabilité. Quand la BCE monte ses taux ou baisse ses taux, on ne va pas accuser le gouvernement français ou allemand. On considère que ce n’est pas leur responsabilité. »

Dans sa forme actuelle, la formule de calcul du taux du Livret A prend en compte l’évolution de l’indice des prix hors tabac et, le cas échéant, des taux interbancaires Euribor et Eonia. Mais le gouvernement a pris l’habitude de déroger à cette formule pour éviter au taux du Livret A, symbole de l’épargne populaire et de l’effort public en faveur du logement social, de baisser trop rapidement. Néanmoins, il se situe actuellement à un niveau historiquement bas, 0,75% net de fiscalité. Le principal taux directeur de la BCE, de son côté, est fixé à 0,05%, un plus bas historique également.

A consulter : le taux des livrets d'épargne réglementée

La Société Générale a été « menacée dans son existence »

S’il a expliqué n’avoir « jamais été inquiet sur les banques françaises qu’[il] trouve très solides » à la suite de la crise des subprime, Christian Noyer est en revanche revenu sur l’affaire dite « Kerviel ». « J’ai été averti un dimanche qu’on avait découvert une énorme fraude d’un trader. (…) Il y avait des risques qui étaient pris pour une cinquantaine de milliards, c’était donc un risque de pertes considérables (…). La Société Générale était effectivement menacée dans son existence. Il fallait absolument dénouer les risques en quelques jours et dans le secret. »

Relancé par son intervieweur, Jean-Pierre Elkabbach, sur cette notion de secret, Christian Noyer a justifé le fait de ne pas avoir averti Nicolas Sarkozy et François Fillon, président de la République et Premier ministre de l'époque : « J’ai considéré d’abord que moins il y avait de personnes dans la confidence et mieux on était pour dénouer les opérations – il fallait absolument que ça se fasse dans le secret - (...). C’était ma responsabilité et je voulais dire les choses une fois qu’on aurait apporté la solution. Il nous a fallu trois jours, ce n’est pas un délai si important que ça ».

« Finalement, les opérations ont été dénouées », a poursuivi le gouverneur. « Il n’y a eu que, si j’ose dire, cinq milliards de perte mais ç’aurait pu être beaucoup plus et la Société Générale a été capable en trois jours non seulement de dénouer tous les risques mais de monter une augmentation de capital pour combler le trou. »

« Très, très content » de la nomination de Villeroy de Galhau

Christian Noyer a passé deux mandats, soit douze ans, à la tête de la Banque de France. Son successeur au poste sera François Villeroy de Galhau, ancien directeur général délégué de BNP Paribas, dont la nomination fait débat. Il a expliqué que « les qualités essentielles » requises était l’indépendance « vis-à-vis des politiques mais aussi vis-à-vis des lobbies économiques et financiers », le « sang-froid » et la proximité avec les « besoins de la société, de l’économie, pour injecter dans la politique de la BCE ce qu’il faut ». Autant de qualités que possède son successeur, estime Christian Noyer : « Je suis très, très content de le voir me succéder. »