Le crowdfunding a le vent en poupe. Et sa composante immobilière bouge encore plus vite. En attestent les derniers résultats annoncés par Wiseed Immobilier, pionnier du secteur. Entretien avec Souleymane Galadima, directeur général de cette plateforme, sur l’évolution de ce marché très attractif pour les investisseurs, mais pas exempt de risques.

229.500 euros souscrits en 2 minutes, 400, voire 600.000 euros récoltés en moins d’une demi-heure auprès de quelques centaines d’investisseurs… Les statistiques de collecte affichées par Wiseed Immobilier sont impressionnantes. Vous parlez même de « financement minute » des promoteurs ! La preuve d’un véritable engouement des Français pour le crowdfunding immobilier ?

Souleymane Galadima : « Il est clair que l’on sent croître très fortement une communauté d’investisseurs sur l’immobilier. Dès le lancement des premières opérations sur Wiseed – en 2011 pour les toutes premières, sur la région toulousaine – les souscriptions ont été rapides. Il est vrai qu’en tant que pionnier du financement participatif en capital [avec plus d’une cinquantaine de startups « financées » depuis 2008, NDLR], notre communauté d’investisseurs particuliers, au nombre de 53.000 aujourd’hui, constituait déjà une clientèle ''avertie'', présentant une assez faible aversion au risque, et dont beaucoup investissent désormais sur les deux domaines. Mais la croissance sur l’immobilier est beaucoup plus forte : +233% pour la communauté entre 2014 et 2015 et des ''tickets'' souvent plus élevés qu’en equity, pouvant aller jusqu’à 100.000 euros. Quant à notre collecte, sur 2015, nous en sommes à plus de 9 millions d’euros. »

Pour commercialiser ces nouveaux supports d’investissement, vous dites en être venus à adopter un format « vente privée ». Qu’entendez-vous par là ?

« Nous avons rapidement constaté que sur ces projets immobiliers, les souscriptions se faisaient à des heures où les particuliers peuvent se connecter chez eux. Nous en avons tenu compte en adaptant notre process : une phase de présentation du projet pendant 72 heures suivie par une ouverture des souscriptions après 18 heures. Dans la soirée, l’opération est soldée. »

Les promesses de rendement que vous affichez – entre 8 et 12% annuels suivant les projets – sont certainement pour beaucoup dans cet engouement des investisseurs. En parallèle, quelles mesures mettez-vous en œuvre pour sécuriser, autant que possible, ce type d’investissement dans l’immobilier (1) ?

« D’abord une sélection très poussée des projets des promoteurs immobiliers, en plusieurs phases : une première sélection de conformité avec nos critères (taille de l’entreprise, etc.), suivie d’une analyse ''corporate'' sur sa solvabilité, sa rentabilité, etc. Vient ensuite l’audit proprement dit du projet présenté par le promoteur, avec de très nombreux éléments pris en compte, comme l’avancement de la commercialisation, la proportion de ventes déjà réalisées, certains éléments techniques (comme l’étude de sol), juridiques et administratifs (permis de construire purgé de tous recours), le budget de l’opération, le plan de trésorie, etc. Si une faiblesse émerge du dossier, cela nous permet d’ailleurs de négocier une majoration de rémunération pour nos investisseurs. Au global, 32% des projets qui nous parviennent sont retenus.

Autre élément de sécurisation pour nos clients : le mécanisme d’engagement que Wiseed propose à ses membres et qui se veut clair et transparent. Pour chaque projet, Wiseed crée une société – une SAS – de droit français au sein de laquelle les investisseurs souscrivent un emprunt obligataire pour une durée déterminée (de 12 à 36 mois) et moyennant une rémunération fixée dès le départ. Nous faisons aussi signer au promoteur une ''garantie autonome à première demande'' qui engage ce dernier à rembourser l’emprunt sans rien pouvoir opposer. »

Comment se rémunère Wiseed Immobilier sur ces opérations ?

« Uniquement via une commission sur les fonds propres apportés au promoteur, à hauteur de 8 à 10%. En revanche, nous ne facturons aucun frais d’entrée, de gestion ou de sortie à nos investisseurs. Ce modèle économique transparent relève des valeurs de la finance participative auxquelles nous sommes particulièrement attachés. Notre seul juge de paix, c’est le rendement que l’on offre. Un rendement d’ailleurs identique quel que soit l’investisseur et le montant investi. Hors de question, pour nous, d’aller vers une logique de fonds d’investissement plus ou moins réservé ou rémunérateur suivant le type d’investisseur, avec des frais, etc. Selon nous, la finance participative se doit de garder cet ADN. »

Votre commission, ajoutée à la rémunération des investisseurs… Les fonds collectés par les promoteurs immobiliers leur reviennent donc relativement cher. Pour quelle raison font-ils appel à votre plateforme dans ce cas ?

« Les programmes immobiliers se financent généralement par le produit des ventes sur plan, des prêts bancaires et par des fonds propres apportés par les promoteurs. Ce sont ces fonds propres qui sont abondés par l’argent des crowdfunders. Or, pour prêter, les banques sont de plus en plus exigeantes sur l’apport de fonds propres. Notre plateforme contribue ainsi à soutenir la croissance de certains promoteurs. Dans d’autres cas, en accord avec les banques, l’argent du crowdfunding peut venir remplacer les fonds propres bloqués sur une opération déjà lancée. Enfin, certains promoteurs n’ayant pas forcément de besoins en termes de fonds propres voient dans notre plateforme une opportunité pour gagner en visibilité et communiquer auprès d’un auditoire d’investisseurs qu’ils jugent intéressant. Le secteur de la promotion immobilière est encore largement méconnu du grand public ! »

Wiseed Immoblier s’affiche comme le leader du crowdfunding immobilier, un secteur pourtant bouillonnant, avec le lancement d’un grand nombre de nouveaux acteurs, le développement de business models très variés. Au point que le secteur suscite la « vigilance » d’institutions comme l’AMF…

« En effet, Wiseed Immobiler est bien leader du secteur, d’un point de vue historique, mais aussi car nous sommes la seule plateforme présentant déjà 3 ''sorties'' positives avec un profit pour les investisseurs de 10% par an. Enfin, nous sommes aujourd’hui l’un des deux seuls acteurs à disposer du statut légal de conseiller en investissement participatif (CIP). Oui, le marché voit naître de nombreux projets, mais il est suffisamment large pour accueillir d’autres opérateurs. Toutefois, certains acteurs investissent le créneau en dehors de tout cadre légal ou réglementaire, avec parfois des montages qui me semblent extrêmement risqués. ''Assurons ensemble la pérennité de ce marché'' aurais-je envie de dire. D’ailleurs, il n’est pas impossible que nous adoptions une nouvelle dénomination pour notre activité, afin d’éviter un amalgame entre des services réellement très différents… »

(1) Sur son site et dans ses documents d’information, Wiseed Immobilier rappelle que « l’investissement dans des projets immobiliers comporte des risques de perte totale ou partielle du capital investi, risque d’illiquidité et risque opérationnel du projet pouvant entraîner une rentabilité moindre que prévue ».