ACMN Vie a signé un projet de transfert de ses contrats d’assurance-vie internet au profit de Suravenir. L’opération étant soumise à l’approbation du régulateur du secteur, l’ACPR, les deux assureurs ne souhaitent pas encore s’exprimer. Quand et comment va se passer ce transfert ? Pour quelles conséquences pour les assurés ? Eléments de réponse.

La demande de transfert « d’une partie » du portefeuille ACMN Vie vers Suravenir est officielle depuis le 3 octobre et la publication au Journal officiel d’un avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Comme l’ont confirmé les services presse des deux assureurs dès la mi-septembre, le portefeuille transferé est celui des contrats d’assurance-vie internet gérés par ACMN Vie (1), filiale du Crédit Mutuel Nord Europe. L’opération concerne donc plusieurs milliers d’épargnants : Altaprofits recensait 8.000 contrats Abivie en 2014, et Linxea 4.000 souscripteurs pour Linxea Evolution, entre autres.

Comme indiqué dans cet avis de l’ACPR, les créanciers des deux entreprises d’assurance concernées ont jusqu’au 3 décembre pour « formuler leurs observations sur le projet de transfert ». Suite à quoi le régulateur du secteur banque-assurance devra approuver, ou non, ce transfert de portefeuille.

Le régulateur évite la spoliation des assurés

Si l’approbation est obtenue à temps, le transfert a de grandes chances d’être effective au 31 décembre 2015 selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site Good value for money. S'il ne travaille pas sur ce dossier, il souligne que les transferts de portefeuille (suite à un accord, comme ici, ou suite à une fusion ou un rachat) sont généralement opérés au tournant de deux années, pour des raisons comptables.

Tout dépend donc de l’ACPR. Son rôle : s’assurer que l’opération ne crée pas un problème de « position dominante » et « qu’il n’y ait pas spoliation des assurés ». Chaque détenteur de contrat web géré par ACMN Vie détient une quote-part de la richesse (2) présente sur le fonds en euros : le régulateur veille à ce que les titulaires conservent bien que qui leur est dû.

ACMN Vie va isoler les actifs concernés

Depuis 2014, ACMN Vie ne propose qu'un seul et unique fonds en euros à ses assurés web. L'opération se résume-t-elle donc à retirer Sélection Rendement de chez ACMN Vie pour le poser chez Suravenir (filiale du Crédit Mutuel Arkéa) ? Non. Sélection Rendement n’est que l’appellation commerciale de l’actif général d’ACMN Vie utilisée pour les contrats internet : il s’agit du même fonds en euros (même encours, même allocation d’actifs) que celui présent sur les contrats distribués dans les agences du Crédit Mutuel Nord Europe.

Pour faire le tri à l’intérieur de ce grand fonds en euros, « l’assureur ne s’amuse pas à découper chaque actif », explique Cyrille Chartier-Kastler : « ACMN Vie va isoler une partie des actifs, aux caractéristiques équivalentes aux quote-part des détenteurs de contrats internet, pour les transférer à Suravenir. » Le fondateur de Good value for money tient des statistiques sur l’ensemble du secteur de l’assurance-vie : il estime ainsi que les contrats web ne représentent pas plus de 10% de l’actif général d’ACMN Vie.

Quid des supports en unités de compte présents sur les contrats d’assurance-vie d’ACMN Vie ? Ils ne sont pas gérés par l’assureur mais par des sociétés de gestion : ils ne sont donc pas directement impactés par ce transfert de portefeuille.

Quelle information pour les assurés ?

Les détenteurs de contrats ont-ils leur mot à dire dans cette opération ? « On va juste les informer », estime Cyrille Chartier-Kastler. Dans le cas d'une assurance-vie collective, comme Linxea Evolution, le courtier, qui est le souscripteur du contrat, informera les épargnants. Pour les contrats individuels, comme Hedios Vie, ce sont les assureurs qui informeront les assurés et bénéficiaires.

Le code des assurances offre tout de même une possibilité de recours aux assurés : ils « ont la faculté de résilier le contrat dans le délai d'un mois » après l’approbation de l’ACPR (3). Or, fiscalement, la résiliation équivaut à un rachat total du contrat. Bref, cela ne change rien.

Quels rendements espérer en 2015 et 2016 ?

Le transfert de portefeuille ayant été réclamé par les courtiers distribuant les fameux contrats, les épargnants n’ont a priori aucune raison de se sentir lésés : ils restent dans le giron du Crédit Mutuel mais quittent un assureur (ACMN Vie) qui recentre sa stratégie sur « le réseau bancaire » pour rejoindre un autre (Suravenir) pour qui internet est un axe de développement stratégique.

En 2014, le fonds en euros Rendement Sélection d’ACMN Vie a servi du 2,50% aux épargnants web : un taux collant à la moyenne du marché de l’assurance-vie en euros. En 2015, ACMN Vie se chargera vraisemblablement de l’annonce du rendement. En 2016, Suravenir aura, sauf accident, pris en main ces contrats. Deux possibilités s’offrent à cet assureur selon Cyrille Chartier-Kastler :

  • gérer les actifs de l’ex-fonds euros Rendement Sélection à part, dans une logique de « run off » (sans affaire nouvelle) en affectant les nouvelles souscriptions à un autre fonds en euros ;
  • intégrer progressivement ces mêmes actifs à un fonds en euros de Suravenir.

Dans les deux cas : les épargnants n'ont « aucune inquiétude » à avoir selon Cyrille Chartier-Kastler. Si la deuxième option est choisie, l’ACPR veillera à ce que « chacun garde la quote-part de richesse qui lui revient, sans que cela n’appauvrisse les autres ».

Quel fonds en euros chez Suravenir ?

Si les actifs provenant d’ACMN Vie rejoignent un fonds en euros, la logique voudrait qu'il se retrouve dans Suravenir Rendement, le fonds en euros dédié aux contrats web. Mais ce dernier, comme chez ACMN Vie, n’est qu'une appellation de l’actif général de l’assureur. En clair : l’allocation d’actifs et l’encours de Suravenir Rendement sont les mêmes que ceux du fonds en euros présent sur les contrats bancaires distribués dans le réseau des Crédits Mutuels de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif Central.

L’écart de rémunération est pourtant béant entre les contrats bancaires (2,45% en 2014) et les contrats web (3,22% sur Suravenir Rendement) : « Un assureur peut servir le taux qu’il veut à qui il souhaite, c’est parfaitement légal », développe Cyrille Chartier-Kastler. « Le client bancaire se voit ainsi servir un taux au niveau du marché, et son contrat contribue en partie à servir un taux plus élevé pour d’autres assurances-vie, en fonction de la stratégie de l’assureur. » Une logique qui n’est pas spécifique à Suravenir selon le fondateur de Good value for money : « Beaucoup d’assureurs usent de ce type de pratiques : Prédica, BNP Paribas Cardif, Generali, etc. »

Un nouvel assureur leader sur l’assurance-vie en ligne ?

La stratégie de Suravenir étant actuellement de développer le segment internet, les détenteurs de contrats ACMN Vie peuvent espérer de nouveaux développements sur leurs contrats (de nouveaux supports en unités de comptes, un second fonds en euros, etc.). Le transfert ACMN-Suravenir permettra-t-il à ce dernier de doubler E-cie vie, filiale de Generali, actuel leader du marché de l’assurance-vie en ligne ? « Non. E-cie vie gère de plus gros portefeuilles », relativise Cyrille Chartier-Kastler. « Les navires amiraux de l’assurance-vie internet, ce sont les banques en ligne ING Direct et Boursorama, et leurs assurances-vie sont gérées par Generali. » Suravenir dispose bien des contrats Fortuneo dans son portefeuille, mais l’acquisition probable des contrats ACMN Vie web ne lui apporte « que » des assurances-vie distribuées par des courtiers qui, en termes de montants, ne joue pas encore dans la même cour.

(1) Altaprofits (contrat Abivie), Assurancevie.com (Puissance Vie), Epargnissimo (Croissance Vie), Hedios Patrimoine (Hedios Vie), Linxea (Linxea Evolution), MonFinancier (Liberté Vie), etc.

(2) Une quote-part de réserve de capitalisation, une quote-part de plus-values latentes, une quote-part de la provision pour participation aux bénéfices, etc.

(3) Article L324-1 du code des assurances.