En février 2015, la Cour de Justice de l'Union européenne avait désavoué la France sur l'application des prélèvements sociaux aux revenus du patrimoine des non-résidents fiscaux. Ces derniers espéraient une exonération pour leurs futurs revenus. Mais le gouvernement a choisi de rendre ces cotisations sociales non contributives pour les appliquer à tous. Explications.

En février, la Cour de Justice de l’Union européenne a rappelé que, selon le règlement européen 1408/71, les personnes soumises à la protection sociale d'un Etat européen n’ont pas à contribuer à celle d’un autre pays de l'UE. Or, « le produit [des prélèvements sociaux] est affecté directement et spécifiquement au financement de certaines branches de sécurité sociale en France ou à l’apurement des déficits de ces dernières ». Cette réponse, reprise par un arrêt du Conseil d’État, devrait donc entraîner une restitution pour les cotisations déjà prélevées et, à terme, leur disparition pour les personnes concernées (1).

Une perte de cotisations qui n'était pas du goût du ministère des Finances qui a ainsi trouvé une parade permettant de maintenir l’assujettissement aux cotisations sociales des personnes affiliées à un régime de protection sociale d’un autre pays. C'est dans ce but que l’article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (PLFSS) prévoit une réaffectation des prélèvements sociaux : ils ne serviront plus directement à financer les allocations familiales, l’assurance maladie ou les retraites mais contribueront principalement au fonds de solidarité vieillesse. Ainsi, selon Christian Eckert, « ces prélèvements [seront affectés] au financement de prestations non contributives, identiques à celles financées par les autres impôts ».

Une nouvelle répartition des cotisations sociales

Concrètement, cela ne changera pas l’obligation pour l’État de rembourser les cotisations déjà prélevées aux non résidents. Cela ne changera pas non plus le taux global de 15,5% appliqué aux revenus du patrimoine ni la répartition par famille de contribution : la CSG reste au taux de 8,20% et la CRDS à 0,5%. En revanche, c'est l’affectation dans chaque grande catégorie qui est modifiée.

Ainsi, les 8,20% de CSG se décomposaient jusqu’à présent en :

  • 0,87% pour la caisse nationale des allocations familiales,
  • 0,85% pour le fonds de solidarité vieillesse,
  • 0,10% pour la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie,
  • 5,90% pour le régime d’assurance maladie,
  • 0,48% pour la caisse d’amortissement de la dette sociale.

En 2016, l’affectation se simplifiera puisque le PLFSS prévoit cette nouvelle distribution :

  • 7,6% pour le fonds de solidarité vieillesse,
  • 0,6% pour la caisse d’amortissement de la dette sociale.

De même, le prélèvement social était alloué à :

  • 0,4% pour le fonds de solidarité vieillesse,
  • 1,3% pour la caisse d'amortissement de la dette sociale,
  • 2,75% pour la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés,
  • 0,35% pour la caisse nationale des allocations familiales.

Au 1er janvier 2016, les 4,50% de prélèvement social devraient suivre cette décomposition :

  • 3,35% pour le fonds de solidarité vieillesse,
  • 1,15% pour la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Le prélèvement de solidarité de 2%, qui permettait, lui, de financer la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, sera désormais affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Le reste des cotisations (CRDS à 0,50% et contributions additionnelles à 0,30%) ne sont pas modifiées. Au total en 2016, sur les 15,5 milliards d'euros que doivent rapporter ces prélèvements sociaux, selon l'exposé des motifs du PLFSS, ce sont pas moins de 12,95 milliards d'euros qui iront au fonds de solidarité vieillesse et 1,75 milliard à la caisse de solidarité pour l'autonomie.

Cette nouvelle répartition entrera en vigueur pour les cotisations perçues sur les revenus du patrimoine à compter du 1er janvier 2016, sous réserve d’une adoption conforme de cet article.

Il restera cependant deux obstacles à franchir pour le gouvernement : une possible saisie du Conseil constitutionnel et surtout l'aval des instances européennes de cette nouvelle législation, la Commission européenne ayant entamé une procédure à l’encontre de la France sur ce sujet.

(1) Voir sur le blog : CSG et CRDS : des cotisations sociales payées par les non affiliés devront être remboursées