L'association professionnelle Financement participatif France regroupe une soixantaine de plateformes de crowdfunding, sous forme de don, de prêt ou de participation au capital. A l’occasion de la publication de son baromètre semestriel, et afin d’influencer les orientations du budget 2016, l’association a élaboré 15 propositions censées soutenir le développement du financement participatif. Les explications de Florence de Maupeou, coordinatrice générale du groupement.

Un doublement des fonds collectés entre les premiers semestres 2014 et 2015. 750.000 financeurs de plus en un an pour l’ensemble des plateformes. Vous attendiez-vous à des résultats si positifs ?

Florence de Maupeou : « Oui. Depuis le premier baromètre en 2013, nous sommes sur un rythme où les fonds collectés sont multipliés par deux chaque année. Nous tablons donc sur une collecte de 300 millions d’euros en 2015. »

Et 600 millions d’euros collectés en 2016 ?

FdM : « Oui. La croissance s’effritera probablement un jour mais le secteur a encore un fort potentiel inexploité. »

Rien qu’en se basant sur le registre tenu par l’Orias, qui ne concerne pas tous les sites, on recense 81 plateformes (1). Pensez-vous que cette prolifération va se poursuivre ?

FdM : « Pour les IFP [statut des plateformes de don et de prêt, NDLR] il y a eu de très nombreuses immatriculations car, avec le nouveau cadre réglementaire en vigueur au 1er octobre 2014, le gouvernement a ouvert un nouveau marché : le prêt des particuliers aux entreprises. Je pense que ce phénomène va désormais se tarir, même si je sais qu’il y a encore des dossiers en attente. Il faut toutefois souligner que certaines plateformes s'immatriculent doublement : en tant qu’IFP et en tant que CIP [statut des sites de crowdfunding en fonds propres, NDLR]. Toutes catégories confondues, j’ai recensé 160 plateformes [certains pans du crowdfunding ne réclament pas d’immatriculation, NDLR], dont environ la moitié sont déjà actives. »

Votre association a formulé 15 propositions pour « favoriser le développement du financement participatif ». Le cadre mis en place il y a un an n’est pas suffisant ?

FdM : « Ce n’est pas totalement satisfaisant. Nous avons vu la création des statuts IFP et CIP comme un message positif de la part des pouvoirs publics. La France s’est positionnée en précurseur sur ce point, mais si le cadre n’évolue pas nous allons rapidement être rattrapés par nos voisins. »

Pour les plateformes de prêt (IFP), vous proposez d’abroger le seuil de 1.000 euros de prêt par personne et par projet. Pourquoi ?

FdM : « Nous demandons l’abrogation du seuil tout en étant conscients que les pouvoirs publics tiennent à en conserver un. Il pourrait toutefois être plus élevé. Donnons la possibilité aux particuliers de prêter plus en sécurisant le prêteur ! Car sinon ce seuil peut dissuader de potentiels gros investisseurs. Pour certains épargnants, 1.000 euros, c’est un petit ticket ! Ce serait dommage de restreindre les possibilités de financement. En outre, dans l’idée de rendre le prêt accessible aux personnes morales, un seuil de 1.000 euros serait ridiculement bas. »

Justement, pour le prêt entre entreprises, vous souhaitez intégrer l’intermédiation de bons de caisse dans le cadre existant du crowdfunding. Or il n’y a pas de plafond pour le bon de caisse… Vous souhaitez une harmonisation ?

FdM : « Pour le bon de caisse, nous aimerions conserver l’absence de seuil maximal. L’utilisation du bon de caisse pour l’intermédiation de prêts inter-entreprises a été suggérée par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Les plateformes l’ont entendu, et c’est pour cela que nous proposons d’intégrer le bon de caisse au statut IFP. Mais il ne faudrait pas rendre l’intermédiation de bons de caisse trop compliquée. »

Vous proposez aussi de relever le seuil de 1 million d’euros par levée de fonds pour les plateformes d’investissement en fonds propres…

FdM : « Cette proposition ne figure pas parmi les premières de la liste : ce n’est pas anodin. Le montant moyen collecté par les plateformes de crowdequity [financement participatif en capital, NDLR] est de 400.000 euros par projet. Nous sommes loin du million ! Le besoin d’aller plus loin n’est donc pas urgent mais, de fait, ce seuil bloque certaines entreprises aux besoins plus importants. »

Vous réclamez, toujours pour les plateformes d’investissement en fonds propres, d’élargir le champ des titres financiers éligibles. A quels titres faites-vous référence ?

FdM : « Les titres participatifs [émis par des sociétés du secteur public, NDLR] et les titres associatifs, ainsi que les obligations convertibles [pouvant être converties en actions, NDLR]. »

Vous demandez aussi une évolution de la fiscalité, pour le prêt comme pour l’investissement en capital.

FdM : « La question de la fiscalité est avant tout une priorité pour le financement participatif sous forme de prêt. Actuellement, il n’y pas de fiscalité spécifique : les intérêts reçus sont soumis aux cotisations fiscales et sociales. Mais les pertes ne sont pas déductibles ! Pour encourager la prise de risque des particuliers, il faudrait créer un avantage fiscal, en rendant les pertes déductibles. »

Parmi vos 15 propositions, lesquelles sont prioritaires ?

FdM : « La fiscalité, et donc la déductibilité des pertes, pour le prêt. L’élargissement du panel de titres éligibles pour le crowdequity. Et, pour le don, l’accès des collectivités territoriales à ce type de financement participatif. »

Quand et comment espérez-vous que le gouvernement se saisisse de vos propositions ?

FdM : « Le timing nous semble bon pour le projet de loi de finances pour 2016. Le crowdfunding est régulièrement évoqué par les ministres : il y a un vrai engouement. »

Le rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée, justement réalisé pour préparer les débats du budget 2016, demande que les investisseurs soient mieux informés sur les risques encourus dans le cadre du crowdfunding…

FdM : « La protection de l’investisseur est un sujet qui revient régulièrement. En ce qui concerne le crowdequity, via un CIP, l’investisseur doit normalement répondre à un questionnaire où il reconnaît qu’il a conscience du risque de perte en capital. [Un tel questionnaire n’est en revanche pas obligatoire, à ce jour, dans le cadre du crowdfunding sous forme de prêt, NDLR]. L’AMF vérifie si ces procédures sont bien respectées. Il y a par ailleurs une véritable réflexion sur la transparence dans le secteur. A mon avis, pour que le crowdfunding conserve son esprit de financement par la foule, il ne faut pas mettre trop de barrières réglementaires, mais les plateformes doivent en contrepartie faire un effort de transparence. »

(1) En additionnant les entreprises immatriculées intermédiaire en financement participatif (IFP) et conseiller en investissements participatifs (CIP) auprès de l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias).