Un an après la mise en place d’un cadre réglementaire pour le crowdfunding, on recense déjà en France une trentaine de plateformes, dont 14 déjà opérationnelles, de prêts participatifs aux entreprises (ou crowdlending). Un total impressionnant, pour un mode de financement (côté entreprises) et un placement (côté particuliers) encore balbutiant. Le marché peut-il supporter autant d’acteurs ? Quelles sont les critères de réussite ? Nous avons interrogé Nicolas Guillaume, Senior Manager au sein du cabinet de conseil Chappuis Halder & Cie et ancien de Friendsclear, pionnier en France du financement participatif.

Un an à peine après la mise en place d’un cadre réglementaire pour le crowdfunding, l’une de ses sous-familles, le prêt participatif aux entreprises (ou crowdlending) compte déjà de très nombreuses plateformes. Comment expliquer cette frénésie ?

Nicolas Guillaume : « C’est vrai, la vague du crowdlending grossit. Ma conviction est que le prêt participatif aux entreprises est en effet le segment du crowdfunding qui a le plus de potentiel. C’est celui qui est le plus compréhensible pour le public, et le mieux adapté à la réglementation. Et c’est aussi le marché le plus profond : même en ne captant qu’une infime partie du marché du prêt aux entreprises, il est possible d’équilibrer son activité et de se développer. »

C’est également le segment qui vient le plus frontalement concurrencer les banques…

N.G. : « Oui. Les banques ont du mal à l’admettre, mais elles ne savent pas couvrir l’ensemble du marché du prêt aux entreprises. C’est encore plus vrai depuis la crise financière, car elles ont durci leurs politiques d’octroi et demandent de plus en plus de garanties. Résultat : certains besoins de financement des petites entreprises sont mal couverts, particulièrement pour des projets immatériels (évolution de la conformité, marketing, démarches qualités, etc.). Pourtant, il ne s’agit pas nécessairement de secteurs risqués, mais les banques ne savent pas bien les adresser. »

Peut-on envisager que toutes ces plateformes parviennent à l’équilibre financier ?

N.G. : « Non, toutes ne vont pas réussir. Mais combien vont rester ? C’est difficile de répondre. Sur un petit marché comme la France, il y aura probablement une forte prime au leader. Cette place revient actuellement à Unilend, mais elle n’a pas encore creusé l’écart. De plus, il s’agit d’un marché très large et très segmenté : le jeu est donc plus ouvert que sur d’autres terrains. Certains acteurs bien positionnés sur des niches peuvent s’en tirer. Le tri se fera à mesure que le marché va mûrir. »

Quelles sont les conditions à remplir pour réussir son lancement sur ce marché ?

N.G. : « Bien que le crowdlending soit clairement un business internet, je pense que dans un premier temps, il faut être capable d’aller chercher les prêteurs et les emprunteurs en activant des réseaux existants : courtiers, réseaux d’entrepreneurs, organismes d'aide à la création d’entreprises, etc. Au départ, les emprunteurs seront plus faciles à attirer que les prêteurs. Les seconds, en effet, n’ont pas nécessairement besoin d’un nouveau support d’épargne, leur argent est placé ailleurs. Il s’agit donc de les convaincre de l’intérêt de ce nouveau placement. Ensuite, si la plateforme fonctionne bien et parvient à trouver de bons dossiers de manière récurrente, les épargnants viendront plus facilement. Car le potentiel est là : il y a quantité de liquidités disponibles en France, et quantité d’épargnants intéressés par le financement de l’économie réelle et par des rendements supérieurs aux supports classiques. »

Comment distinguer les plateformes qui survivront des autres ?

N.G. : « Dans l’immédiat, jauger les meilleures plateformes est un exercice difficile. Certaines se distinguent déjà par leur volume d’activité. On peut citer Unilend, Finsquare ou encore Lendix. Mais il faudra les juger dans le temps et selon plusieurs critères : la transparence de l’information fournie aux prêteurs, la performance et la constance des processus de sélection des dossiers de financement, le montant des dossiers et le temps nécessaire pour les financer… Aujourd’hui, nous sommes encore au temps des pionniers : les épargnants ne doivent se lancer que s’ils ont une réelle envie de tester ce nouveau placement. »