Le 1er octobre 2014, le cadre réglementaire du financement participatif a été mis en place. Depuis, de très nombreuses plateformes de prêt, ou « crowdlending », se sont engouffrées dans la brèche, incitant les particuliers à prêter aux TPE et PME. En contrepartie, le gouvernement leur réclame la transparence sur leurs statistiques concernant les projets, prêteurs, sommes brassées, etc. Respectent-ils ces engagements ? Vérification.

Quelles sont les informations que les plateformes de crowdlending doivent mettre à la disposition des investisseurs potentiels ? Le gouvernement les a listées dans un décret (1). Les intermédiaires en financement participatif (IFP), le statut nécessaire pour les plateformes de prêt, doivent publier deux types d’information concernant leurs statistiques d’activité :

  • Un rapport d’activité sur l’année civile écoulée (en l’occurrence 2014) publié avant le 30 juin sur le site web de la plateforme, avec : le nombre et montant total des projets reçus et retenus dans l'année, le nombre de projets financés, le montant total des financements sous forme de crédits, le nombre de prêteurs, le nombre moyen de prêteurs par projet, le montant moyen des crédits et les indicateurs de défaillance. Mais aussi le « dispositif de gouvernance ».
  • Un taux de défaillance mis à jour « trimestriellement ». Celui-ci doit porter sur les défauts de paiement, de la part des entreprises emprunteuses, « enregistrés au cours des trente-six derniers mois » ou « depuis le démarrage de [l’]activité » si la plateforme a moins de 3 ans.

Ce taux de défaillance, tout comme les « conditions d'éligibilité et les critères d'analyse et de sélection des projets », doit être « facilement accessible depuis la première page » du site.

La réglementation jamais respectée à la lettre

Voilà pour les obligations. Sont-elles respectées ? Et vont-elles plus loin, les aspects nouveauté et « finance alternative » pouvant les pousser à un maximum de transparence ? Pour répondre à ces questions, cBanque a recensé les informations publiées sur les différentes plateformes, en se basant sur les seules statistiques visibles sans connexion, et donc accessibles à tout particulier prêteur-investisseur potentiel. Neuf plateformes ont ainsi été sondées : des plus anciennes, comme Unilend, aux plus récentes mais qui rencontrent un certain écho médiatique comme Credit.fr, Bolden ou Prexem.

Si elles respectaient la réglementation à la lettre, les plateformes de crowdlending auraient 6/6 dans notre barème de notation (voir ci-dessous) : toutes présentent donc des manques dans l’information fournie aux internautes ! Unilend se distingue toutefois par un niveau de détail supérieur dans ses statistiques, n’oubliant que le rapport d’activité 2014 en bonne et due forme.

Un seul rapport d’activité 2014

Le rapport annuel tel qu’il est évoqué dans le décret (gouvernance + statistiques), seul PretPME s’est astreint à le publier. En se bornant toutefois au strict minimum : un rapport accessible difficilement via un lien « Réglementaire » en bas de page et aucune statistique supplémentaire. Outre ses chiffres 2014, PretPME ne livre aucune statistique sur son site.

Ce relevé permet de constater que les plateformes lancées le plus récemment sont les plus avares en statistiques. Logique, faute de nombreux projets financés. Mais Bolden et Prexem n’ont pas encore créé de lien « statistiques » en bas de page, comme c’est le cas chez leurs concurrents. Impossible ainsi de trouver des statistiques globales sur leurs sites, pourtant denses en informations sur la sélection des projets ou la protection du prêteur. Pour avoir une idée de leurs premiers résultats, l’internaute doit se contenter d’informations « projet par projet », ou effectuer une recherche sur le web afin de glaner des statistiques au fil des articles publiés sur ces plateformes.

« Statistiques » plutôt que « taux de défaillance »

Les autres accordent donc leur pratiques en optant pour un lien « statistiques » en bas de page (seul Lendopolis le met plus clairement en valeur). Ils préfèrent ainsi cette dénomination neutre à la notation de « défaillance » comme indiqué dans le décret, mais respectent ainsi la réglementation qui réclame juste que ce taux de défaillance soit « facilement accessible depuis la première page ».

Le fameux lien « statistiques » envoie ensuite vers des informations plus ou moins développées. Du simple renvoi vers le décret avec indication d’un taux de défaillance à 0% chez Credit.fr (mis à jour il y a plus de 5 mois), à une liste d’informations relativement détaillées chez Unilend, Lendopolis voire Lendosphere.

Défauts de paiements : un niveau de détail inégal

Finsquare n’offre pas autant de détails au niveau des statistiques de financement (rien sur les prêteurs) mais tente de montrer patte blanche sur les défaillances, en précisant les formules de calcul des taux de défaut, en indiquant l’ensemble du capital restant dû, et en indiquant précisément les périodes prises en compte et dates de mise à jour. Là où Lendopolis et Lendosphere omettent par exemple d’indiquer leur date de mise à jour.

Les taux de défaillance n’apportent pas encore une information pertinente pour les investisseurs. Les crédits ayant été octroyés récemment aux TPE et PME, les taux sont quasiment toujours à 0%. Sur ce point, seul Unilend affiche des « incidents de remboursement », cela étant surtout dû à l’antériorité de cette plateforme, lancée en 2013 et disposant d’un statut spécifique (2), et aux volumes d’argent qu’elle voit transiter. Un bémol toutefois : la plateforme ne livre que la date de mise à jour de ses statistiques, le 31 juillet dernier, sans préciser la période sur laquelle elles portent, a priori depuis le lancement fin 2013. Dans l’idéal, une plateforme devrait indiquer clairement la période sur laquelle portent les statistiques, et par ailleurs la date à laquelle la page a été mise à jour.

Plateformes de « crowdlending »Date de lancement effectif *Montant total des crédits depuis le lancement **Respect des règles sur les statistiques globales ***
UnilendNovembre 201312.371.350 euros5/6
LendopolisNovembre 20141.988.500 euros4/6
FinsquareDécembre 2014831.070 euros4/6
LendosphereDécembre 20141.098.740 euros3,5/6
LendixMars 20153.010.000 euros3/6
PretPMEDécembre 201416.000 euros3/6
Credit.frMars 2015NC1,5/6
BoldenAvril 2015NC0/6
PrexemMai 2015NC0/6
* S’entend par « lancement effectif » non pas la création de la société ou l’immatriculation en tant qu’IFP mais l’ouverture du site au public et le lancement des premières collectes.
** Est indiqué ici le « montant total des financements sous forme de crédits », comme demandé par la réglementation, et non le « montant collecté » parfois communiqué par les plateformes. « NC » pour « non communiqué ».
*** Voir le barème de notation en bas de page.

Quelques « bonnes pratiques » mises en place

Première plateforme confrontée aux « incidents de remboursement », Unilend joue la transparence et détaille la cause des défaillances : deux entreprises en liquidation judiciaire, une en redressement, une en procédure de sauvegarde, cinq en recouvrement et deux projets avec un retard de paiement. Certaines plateformes livrent ainsi des informations que la réglementation ne les oblige pas à publier : un taux d’intérêt moyen des prêts chez Finsquare et Unilend, une durée moyenne chez Finsquare, etc.

Autre démarche louable, Lendix qui scinde le capital restant dû et les différents taux de défaut en trois parties, reprenant la notation proposée pour ses projets. Cela permettra à terme de vérifier que les défaillances sont plus courantes pour les projets notés « C » que pour les projets « A », la note la plus favorable.

Méthodologie de la notation

  • Présence d’un rapport d’activité 2014 : 1 point
  • Lien vers le taux de défaillance et/ou les statistiques clairement indiqué en page d’accueil : 1 point (0,5 si le lien est présent mais de façon ambiguë)
  • Indication du montant total des financements : 1 point
  • Statistiques sur les prêteurs et projets (nombre de prêteurs, crédit moyen, projets reçus et retenus, etc.) : 1 point, 0,5 point si la liste n’est pas complète
  • Taux de défaillance : 2 points (0,5 point s’il est indiqué, 0,5 si le capital restant dû est indiqué ou « calculable », 0,5 en cas de détails chiffrés, 0,5 en cas de mise à jour récente (lors du trimestre en cours ou en fin de trimestre précédent)

(1) Décret n°2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif.

(2) Unilend est agent de prestataire de service de paiement et n’a ainsi pas attendu la création du statut d’IFP, contrairement aux autres plateformes de prêt participatif aux PME, à l’automne 2014, pour se lancer un an plus tôt. Elle affiche un taux d’incidents de remboursement à date (ensemble des prêts depuis le lancement) de 2,05%.