La publication d’un récent rapport d’information à l’Assemblée nationale et des premières statistiques 2015 pour le prêt à taux zéro permet d’analyser les premiers effets des profondes modifications qu’a connues le PTZ en octobre 2014 puis en janvier 2015. Décryptage.

En juin 2014, Manuel Valls et la ministre du Logement et de l’Egalité des territoires Sylvia Pinel annonçaient la mise en place d’un PTZ « réactivé », dans le cadre d’un plan de relance du secteur du logement. Une réactivation qui s’est ensuite déroulée en deux temps avec, dès le 1er octobre 2014 des modifications dans les règles d’attribution du prêt à taux zéro (plafonds de ressources, quotités de prêt, plafonds d’opération, etc.) ainsi qu’un zonage profondément remanié concernant l'éligibilité au PTZ. Puis, au 1er janvier 2015, c’était le retour tant attendu du prêt à taux zéro pour l’achat de logements anciens, toutefois limité, dans cette nouvelle version, à près de 6.000 communes en dehors des zones fortement urbanisées et conditionné à la réalisation de travaux de réhabilitation.

Quel est aujourd’hui l’impact de ces changements visant à redynamiser le PTZ, un peu plus d’un an après les premières annonces ? Dans son rapport sur l’application des mesures fiscales, la rapporteure du Budget à l’Assemblée nationale Valérie Rabault dresse un premier bilan – plutôt positif - pour ce « renforcement et élargissement du dispositif des prêts à taux zéro », en se basant notamment sur les plus récentes statistiques livrées par la SGFGAS (1). Analyse en quelques points clé.

47.192 PTZ en 2014, vers les 70.000 en 2015 ?

« Après plusieurs années décevantes, la relance du dispositif du PTZ commence à se concrétiser et pourrait ainsi contribuer à mettre un terme à la stagnation des conditions d’accession à la propriété », peut-on lire dans le rapport de la rapporteure du Budget. Les chiffres justifient ce satisfecit : un nombre de PTZ émis en 2014 qui atteint 47.192, soit 4.752 prêts de plus (+9,4%) qu’en 2013, « année noire » pour le PTZ puisque la production s’était effondrée de plus de 45% (79.116 prêts octroyés en 2012) !

Mais surtout, ce sont les premiers chiffres disponibles sur 2015 qui confirment la relance du dispositif : 8.926 PTZ ont été émis au premier trimestre, contre 6.809 un an auparavant, soit une progression de plus de 31%. Mieux : « sur l’ensemble du premier semestre 2015, les premières estimations transmises par les banques confirmeraient également cette tendance favorable, puisque le nombre de PTZ émis augmenterait de 35% par rapport au premier semestre 2014, » indique le rapport. Lequel se risque alors à une projection sur l’ensemble de l’année 2015 : entre 55 et 70.000 PTZ financés. Si le chiffre final s'approche du haut de la fourchette, le remaniement aura alors pleinement atteint son objectif, Sylvia Pinel s’étant fixé dès l’an dernier pour cap les 70.000 émissions de prêt.

L'influence des taux d'intérêt historiquement bas

Seul petit bémol : le rapport rappelle que « ces perspectives plus encourageantes pourraient aussi être renforcées par le niveau historiquement faible des taux d’intérêt actuellement proposés sur le marché par les établissements de crédit pour les acquisitions immobilières ». Difficile toutefois d’évaluer jusqu’à quel niveau le PTZ a pu ainsi être « dopé » par ces taux bas et l’effervescence sur le marché du crédit immobilier qui en découle. Seule la remontée des taux d’intérêt – déjà entamée – permettra d’en mesurer l’impact a posteriori.

Le PTZ coûtera moins cher à l’Etat en 2015

La faiblesse actuelle des taux du crédit immobilier aura non seulement permis d’accélérer la relance du PTZ, mais il va sûrement abaisser de manière sensible le coût global du dispositif pour l’Etat. En 2014, « les créances dues par l’État aux établissements prêteurs (donnant lieu à remboursement sur les cinq années suivant l’année d’émission, par le biais du crédit d’impôt) ont représenté un montant de 617 millions d’euros, » indique la rapporteure du Budget. Une « facture » quasiment identique à celle de 2013 (616 millions), alors que le nombre de PTZ financés a grimpé de 9%. Et l’effet « taux bas » devrait encore s’amplifier en 2015 : le rapport prévoit en effet une dépense fiscale comprise entre 456 et 585 millions d’euros, pour un nombre de PTZ émis compris entre 55.000 et 70.000 !

Gare à la remontée des taux

Ce coût prévisionnel du PTZ en 2015 pourrait ainsi ne représenter que la moitié du plafond fixé par l’Etat. Pourtant, entre 2014 et 2015, cette enveloppe de crédits d’impôts (pour les établissements prêteurs) est passée de 820 millions à 1 milliards d’euros. Inutile alors, ce plafonnement ? Pas certain. En effet, les institutions préfèrent ne pas tenir pour acquise dans la durée la situation actuelle de taux d’intérêts très bas. « Une hausse d’un point des taux […] sur une année pleine suffirait à accroître de plusieurs centaines de millions d’euros la dépense fiscale au titre des PTZ, » avertit le rapport présenté par Valérie Rabault.

Seulement 436 PTZ dans l’ancien

La publication des premières statistiques 2015 permet aussi d’analyser le retour du PTZ pour l’achat de logements anciens. Retour en catimini semble-t-il : sur le premier trimestre 2015, la SGFGAS n’a répertorié que 436 PTZ « ancien », soit à peine 5% des prêts à taux zéro émis. On est donc bien loin du dispositif de 2011 où 3 PTZ sur 4 concernaient une première acquisition dans l’ancien ! Pour expliquer ces débuts très modestes, le rapport de la commission des finances invoque des « délais requis pour le montage des dossiers, s’agissant d’un dispositif encore très récent ». De quoi espérer un développement plus rapide dans les mois à venir, sans toutefois atteindre les records du passé. La limitation du PTZ ancien à 6.000 bourgs ruraux et la condition de travaux de réhabilitation sont aussi là pour éviter un explosion de l’enveloppe budgétaire.

Un PTZ moyen de 37.236 € en 2015

Concrètement, que peut-on espérer en bénéficiant d’un PTZ en 2015 ? Toujours sur la base des résultats du premier trimestre, le montant moyen octroyé s’établit à 37.236 euros pour une opération se chiffrant au total à 188.446 euros. Des chiffres en baisse assez sensible (-6,9%) par rapport à 2014, où le PTZ moyen s’élevait à 40.019 euros (pour un montant moyen d’opération de 194.469 euros). Résultat : la part du prêt à taux zéro dans le financement global passe sous la barre des 20%. La réouverture du dispositif sur le marché de l’ancien n’y est pas pour rien : sur ces dossiers, certes très minoritaires, le PTZ obtenu se chiffre en moyenne à 14.791 euros pour une opération de 118.804 euros !

Géographie bouleversée pour le PTZ 2015

L’une des modifications majeures du prêt à taux zéro portait sur son « zonage », tant du point de vue des déclassements et surclassements de communes (entre zones A, B1, B2 et C) que des remaniements de barèmes liés à ces zones. Des changements qui semblent avoir un impact notable sur la « géographie » du PTZ. On assiste d'abord à un véritable renversement de situation entre la zone A et la zone C. Illustration : sur les 3 premiers trimestres 2014 (avant toute modification des règles concernant le PTZ), la zone A concentrait plus de 35% des prêts accordés, suivie de la zone C (30%). Au 4e trimestre (après la première salve de modifications entrées en vigueur au 1er octobre 2014), la zone C prend la tête avec plus de 34% des PTZ émis contre 25% pour la zone A, talonnée par les zones B1 (23%) et B2 (18%). Cette nouvelle répartition des émissions de prêts à taux zéro se confirme d'ailleurs sur le premier trimestre 2015, pendant lequel 37% des PTZ ont été accordés en zone C. Et le poids de cette zone C a toutes les chances de s'accroître encore, avec le développement attendu des PTZ dans l'ancien.

Même sous l’angle des régions, ces mouvements géographiques se perçoivent aisément. Avec le plus gros impact pour l’Ile-de-France qui, en termes de nombre de PTZ émis, conserve difficilement son leadership, avec une poids qui passe de 24,5% à 18% entre 2014 et 2015 (premier trimestre). Et encore : en ne considérant que les PTZ individuels (2), l’Ile-de-France chute lourdement à la 5e place (avec 7,7% des prêts octroyés), derrière l’Aquitaine (8,2%), la Bretagne (8,8%), Rhône Alpes (10,3%) et les Pays de la Loire (10,3%). En juillet dernier, la Dreal (3) ligérienne s’enorgueillissait d’ailleurs dans un communiqué d’une hausse de 60% des PTZ accordés dans la région, « deux fois plus forte que pour la France métropolitaine ».

(1) La Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété « fournit aux banques les services nécessaires à la distribution de certains prêts immobiliers aidés ou garantis par l’Etat : les prêts à taux zéro , les éco-prêts à taux zéro et les prêts à l’accession sociale (PAS). » Elle est aussi le relais de l’Etat pour le contrôle et la gestion de ces prêts.

(2) Les statistiques fournies par la SGFGAS permettent de distinguer les PTZ individuels et collectifs, concernant notamment les cas de vente de HLM à leurs occupants.

(3) Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement