« Changer de banque, c’est facile ! » C'est l'idée généralement véhiculée par l'industrie bancaire, et souvent reprise par les médias, face aux critiques qui l'accusent de verrouiller le marché. Est-elle exacte, pour autant ? Une chose est sûre : malgré la mise en place progressive, depuis une dizaine d’années et sous la pression des pouvoirs publics, de mesures d’aide à la mobilité bancaire, les Français changent encore rarement de banque. Suite de notre série d’été consacrée aux clichés sur l’argent.

Changer de banque principale en 2015, casse-tête ou formalité ? A cette question, les Français n’offrent pas de réponse tranchée. Selon un récent sondage (1) commandé par la Fédération bancaire française (FBF), le syndicat professionnel de l'industrie bancaire, 54% d’entre eux estiment qu’il est facile de changer de banque, contre 31% qui pensent le contraire.

D’autres chiffres montrent pourtant que les Français hésitent encore souvent à franchir le pas. 4% seulement des clients interrogés par la FBF se sont lancés dans l’aventure au cours des 12 mois précédant le sondage. Doit-on en déduire que tous les autres sont satisfaits des services de leur banque actuelle ? Sans doute pas. Certes, près de 80% d’entre eux déclarent en avoir plutôt une bonne image, selon le sondage FBF déjà cité. Mais ils sont bien moins nombreux à la recommander à leurs proches : 24% seulement en 2013, selon le cabinet de conseil Bain & Company (2). Ce qui dénote d’un certain degré d’insatisfaction, et semble incohérent avec le faible chiffre de mobilité. Conclusion : les Français semblent avoir conscience de la persistance de freins à la mobilité. Et ils n'ont pas complètement tort.

Les limites de l’aide à la mobilité bancaire

Qui dit changement de banque principale dit en effet changement de domiciliation bancaire pour de multiples prélèvements, pointage des chèques non encaissés et le plus souvent transfert des produits d’épargne, voire d'un crédit immobilier. Autant de tâches qui restent fastidieuses, malgré l’existence dans les enseignes de dispositifs d’aide à la mobilité bancaire.

Lire à ce propos : Les mesures pour faciliter la mobilité bancaire

Initiée par le CCCSF (3) en 2004, renforcée en 2009, l’obligation pour les banques d’aider leurs clients à les quitter est inscrite dans la réglementation depuis 2014, et la loi Consommation de Benoît Hamon. Le dispositif inclut des obligations en matière d’information (mise à disposition d’un guide de la mobilité notamment), de délais de transfert des domiciliations et de gratuité des clôtures de compte.

Il a toutefois ses limites. Tous les Français, d’abord, n’en connaissent pas l’existence : c’est le cas de seulement 60% d’entre eux, selon la FBF. Et les banques ne bousculent pas pour en faire la promotion, à la notable exception des banques en ligne qui en font un outil de conquête. Résultat : l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a récemment pointé que 12% seulement des Français ayant changé de banque en 2012 ont fait appel à ce dispositif.

La prise en charge des changements de domiciliation par la banque d’arrivée, ensuite, ne fonctionne pas à tous les coups. Certains organismes - les Caisses d’allocations familiales (CAF) par exemple - refusent en général de traiter les demandes initiées par les banques, et imposent que la démarche soit effectuée en direct par le client. Le dispositif, enfin, est inopérant ou presque pour le transfert des produits d’épargne, qui reste un des principaux freins au changement de banque.

Que vaut le nouveau dispositif issu de la Loi Macron ?

Changer de banque, toutefois, n’est pas insurmontable, pour peu qu’on fasse preuve d’un peu de rigueur et de méthode. Outre le « guide de la mobilité bancaire » édité par la FBF et disponible dans les agences et sur les sites internet des banques, les plus courageux pourront trouver sur cBanque un guide pas à pas du changement de banque et du transfert des produits bancaires.

A consulter : les guides étape par étape pour changer de banque et pour transférer ses produits bancaires

L’opération, par ailleurs, sera prochainement facilitée, grâce aux apports de la loi Macron (4). Le texte voté en juillet contient en effet un article, issu d’un amendement gouvernemental, qui réforme le dispositif de mobilité bancaire évoqué plus haut. Il crée en particulier l’obligation pour les banques - ainsi qu'aux services de paiement alternatifs, du type Compte-nickel - de permettre le « changement automatisé des domiciliations bancaires, vers le nouveau compte, des prélèvements valides et virements récurrents du compte d’origine ». En clair, il s’agit du système de transfert automatique des opérations d’un compte à l’autre réclamé de longue date par les associations de consommateurs, et par certaines enseignes bancaires.

Outre son automaticité, qui va retirer une belle épine du pied des « switchers », le nouveau dispositif promet de faire sauter un frein psychologique. Plus besoin, en effet, de justifier son départ auprès de son ancienne banque : la nouvelle enseigne devient l’unique interlocutrice. C’est elle qui récupèrera, puis communiquera au client, la liste des opérations récurrentes effectuées sur l’ancien compte au cours des treize derniers mois, ainsi que celle des chèques émis au cours de la même période, mais non encore débités ; elle aussi qui initialise la clôture de l'ancien compte, si le client le demande.

Le dispositif issu de la loi Macron, toutefois, a aussi ses limites. Quid des paiements récurrents par carte bancaire, de plus en plus fréquents dans le domaine des biens et services numériques ? Le transfert automatique fonctionnera-t-il aussi efficacement si l’émetteur du prélèvement est basé à l’étranger ? Malgré les demandes des associations de consommateurs en faveur de la gratuité, le nouveau dispositif passe totalement sous silence la question des transferts des PEL, CEL, PEA et autres comptes-titres, aujourd’hui payants et dont le prix est librement fixé par les banques. Il ne traite pas non plus le crédit immobilier, souvent utilisé par les banques comme un outil de fidélisation forcée, ni le crédit à la consommation.

Conclusion : malgré ses avancées, la loi Macron ne rendra pas le changement de banque totalement transparent et indolore, juste un peu moins complexe. Sans compter qu’il faudra être patient pour en profiter : sa date d’entrée en vigueur, en effet, est fixée au 6 février 2017.

(1) Observatoire de l’image des banques 2015, sondage réalisé par BVA en face à face entre le 17 et 30 avril 2015, auprès d’un échantillon représentatif de 1.000 Français âgés de 15 ans et plus. (2) Bain & Company a développé un indice, le Net Promoter Score (NPS) qui mesure le pourcentage de clients prescripteurs de leur banque. (3) Comité consultatif du secteur financier, instance de concertation entre pouvoirs publics, banques et consommateurs, placé sous l'égide de la Banque de France. (4) Loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron)