Deux ex-dirigeants du Crédit Agricole de l'Yonne et deux responsables d'une société immobilière, Eurocef, ont réclamé mercredi en appel plus de 18 millions d'euros de dommages à la banque et à l'Etat pour une procédure qu'ils estiment abusive et trop longue.

L'affaire remonte à 1993, quand une nouvelle direction de la Caisse nationale du crédit agricole (CNCA) découvre « une situation catastrophique » dans la caisse régionale de l'Yonne, en raison de diversifications dans la construction d'immobilier défiscalisé en outre-mer, notamment un programme de 700 logements à Cayenne, en partenariat exclusif avec Eurocef.

Relaxe quasi-générale

Une plainte est déposée à Auxerre en mai 1994 dans le cadre de ce qui deviendra médiatiquement connu comme l'affaire du « milliard [de francs à l'époque, soit 150 millions d'euros, NDLR] disparu du Crédit Agricole de l'Yonne ». Plusieurs mis en examen ont effectué de la détention provisoire dans ce dossier qui a fini par être dépaysé à Paris en 2002 et a débouché sur une relaxe quasi-générale, confirmé en appel, des chefs principaux, un des prévenus ayant été condamné à trois mois avec sursis dans un volet annexe.

Patrice Bourbier, ancien directeur général du Crédit Agricole de l'Yonne, Pierre Bérengier, fondé de pouvoirs, Jean-Philippe Lehmann, fondateur d'Eurocef et Olivier Campredon, gérant de la société avaient été déboutés en première instance de leurs demandes de dommages. Leurs avocats ont plaidé mercredi devant la cour d'appel de Paris « le procès d'un procès », un dossier ayant connu « des dysfonctionnements majeurs », selon Me Johann Bioche, avocat de Patrice Bourbier.

« Vingt ans c'est trop »

« Le Crédit Agricole a été le meneur » de l'instruction, a dénoncé Me Olivier Pardo pour Pierre Bérengier, tandis que Me Alain Thuault pour Jean-Philippe Lehmann dénonçait un premier juge d'instruction ayant « abandonné les commandes de son dossier à la partie civile », avec selon l'avocat « pas moins de 80 interventions de la partie civile en quatre ans ». Et tous les avocats de dénoncer en exemple une liste de questions adressée par fax par la banque aux experts... avant même leur saisine officielle par le magistrat instructeur.

« Vingt ans c'est trop » a fustigé Me Thuault en évoquant les « ravages » de la procédure sur les accusés depuis blanchis. En face les avocats de la banque ont dénoncé les dérives d'une direction régionale qui « n'avait aucune compétence pour conclure des accords avec une société marseillaise concernant des produits immobiliers outremer ». « Le Crédit Agricole pouvait-il ne rien faire, ne pas suspecter (des actes délictueux) au vu de ces dysfonctionnements, de ces pertes », demande Me Ludovic Malgrain.

L'avocat demande à la cour de confirmer le rejet des demandes, tout comme l'agent judiciaire du Trésor, représentant l'Etat. La décision est attendue pour le 20 octobre.