Est-ce réellement l’heure du rebond des taux de crédit immobilier, tombés au plus bas ces derniers mois ? Après l’emballement médiatique sur le sujet à la mi-mai, le soufflet est retombé. D’autant que les courtiers en prêt à l’habitat, à l’origine du « buzz », ne parviennent pas à se mettre d’accord. cBanque en a sondés une douzaine : leurs réponses.

Sujets aux JT, débats ou interviews sur les chaînes d’information en continu, titres accrocheurs dans la presse et sur le web : « les taux entament leur remontée », « la fin des taux d’intérêt avantageux ? », « taux immobiliers : la fête est bientôt finie », « fin de la baisse historique », « faut-il craindre une remontée brutale ? », etc. Les courtiers en crédit immobilier ont réussi à médiatiser la potentielle remontée des taux. Leur objectif ? Faire passer le message « C’est le bon moment pour acheter ou renégocier ! », pour reprendre les termes de Credixia dans son dernier communiqué de presse.

Cet emballement médiatique était basé sur deux faits, la brusque remontée des OAT (1) et la très légère hausse des taux pratiqués dans une banque. Mais, depuis, des informations contradictoires, évoquant des nouvelles baisses de taux en mai, sont venues brouiller le message.

Rebond chez LCL, baisse dans d’autres banques

Afin de prendre du recul, cBanque a soumis un court questionnaire à douze courtiers. A quelques exceptions près, les différents réseaux s’accordent sur le constat : une seule banque a relevé ses taux. Certains la citent : LCL, qui aurait remonté son barème (de 0,10 point) pour des raisons techniques, notamment en termes de « délai de traitement », et parce que les taux de cette banque étaient parmi les plus bas. Trois réseaux, Meilleurtaux, Credixia et la Centrale de financement évoquent toutefois des potentielles remontées, a priori de l’ordre de 0,10 point, dans d’autres banques au mois de juin.

Les augmentations sont donc très rares. Et les baisses ? Elles se poursuivent dans certaines grandes banques selon quelques courtiers. Halte à l’alarmisme, donc, d’autant que lorsqu’il s’agit d’estimer les hausses sur le moyen terme, les courtiers ne pronostiquent pas d’augmentation de plus de 0,30 ou 0,40 point d’ici la fin de l’année. Concrètement, la moyenne établie par l’observatoire Crédit Logement/CSA, de 2,03% actuellement, toutes durées confondues, pourrait à en croire les courtiers remonter au pire à 2,30% ou 2,40% environ. Leurs prévisions.

Ceux qui parlent de remontée à court terme
  • Sandrine Allonier, VousFinancer : « La remontée des taux va être lente et progressive, avec pour effet d'accroître les écarts de taux entre les différents profils, car il y aura toujours des possibilités de décotes pour les meilleurs dossiers. Les taux devraient rester bas au moins jusqu'à la fin de l'année. »
  • Estelle Laurent, Credixia : « Légère remontée (comme nous l’avions anticipée en début de mois) avec rattrapage de certaines banques qui devraient suivre le mouvement de hausse. Néanmoins, la baisse sera faible et l’année 2015 restera une année très favorable aux taux bas. »
Ceux qui tablent sur une hausse à la fin de l’année
  • Philippe Taboret, Cafpi : « Selon les données actuelles, vraisemblablement, un ajustement progressif pourrait intervenir en fin d’année. Les taux seront donc encore très attractifs jusque fin 2015. »
  • Ulrich Maurel, Immoprêt : « Nous prévoyons une stagnation à court terme (sur les trois prochains mois), et une remontée, probable mais lente, sur le dernier trimestre (maximum 0,30 point). Nous nous attendons à une remontée quasi certaine sur 2016. Malgré tout cela, les taux resteront à des niveaux bas jusqu'à fin 2015. »
  • Pascal Beuvelet, In&Fi : « Pour ma part, je lie toujours la variation des taux immobiliers à la variation de l’inflation. Actuellement, cette inflation est mesurée à 0%. La BCE l’anticipe dans une fourchette de 1% à 1,5% pour la fin de cette année. Dans cette configuration d’inflation haussière les taux pourraient remonter à compter d’octobre-novembre par palier pour augmenter de 0,10 à 0,15 point à fin 2015. »
Ceux qui parient sur une hausse non-généralisée
  • Maël Bernier, Meilleurtaux : « Stagnation dans un premier temps avec des petites hausses possibles mais pas certaines, liées à une surcharge dans les banques. »
  • Cécile Roquelaure, Empruntis : « Nous prévoyons une remontée lente et limitée des taux et elle ne sera pas généralisée. Ce sont les établissements en avance sur leurs objectifs ou souhaitant contenir le flux qui peuvent être prêts à le faire. »
Ceux qui misent sur le statu quo en 2015
  • Joël Boumendil, Ace Crédit : « Nous prévoyons une stagnation des taux dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, d’autant plus qu’on ne peut pas parler de véritable remontée des taux pour quelques dixièmes. »
  • Arsalain El Kessir, Bourse des Crédits : « Les banques n’ayant pas atteint leurs objectifs, l’augmentation des taux n’est pas une option que nous envisageons au moins jusqu’au dernier trimestre 2015. Les banques sont même prêtes à aller en dessous de leurs barèmes officiels afin d’attirer les acquéreurs avec les meilleurs profils. »
  • Sébastien Masure, Presse Taux : « Les taux devraient avoir une tendance à la stagnation jusqu’à la fin de l’année 2015. Ensuite, nous envisageons une possible remontée, assez lente, car le marché ne supporterait pas une hausse trop rapide. »
Ceux qui restent prudents
  • Sylvain Lefèvre, la Centrale de financement : « Si remontée il y a, celle-ci sera progressive (0,10 à 0,30 sur plusieurs mois). La prévision en la matière est très compliquée. »
  • Jean-Pierre Pirès, Union de courtage en crédit immobilier : « Difficile d’anticiper la fin d’année, mais si les signes actuels de reprise du marché se confirment il est vraisemblable que les taux remontent légèrement. »
Des différences d’interprétation assez ténues

Bilan ? Oui, ces douze porte-paroles de courtiers ont des divergences mais les scénarios évoqués sont assez proches les uns des autres. En résumé, la période de baisse touche lentement à sa fin, pour entrer dans une période de stabilisation, avant une éventuelle légère remontée des taux en fin d’année ou en 2016.

Les banques ont encore de la marge

Comment expliquer et anticiper ces mouvements de taux ? C’est finalement sur la méthode que les courtiers affichent le plus de désaccords. Faut-il suivre l’évolution des fameuses OAT (1), si souvent évoquées par certains d’entre eux et qui ont en effet brusquement remonté début mai ? D’un côté, ceux qui balaient l’idée d’une corrélation : « Le rebond des OAT n’a absolument aucune incidence sur le taux des crédits immobiliers », affirme Pascal Beuvelet, le président d'In&Fi Crédits, qui remettait déjà en cause l'incidence des OAT en octobre dernier.

D’autres considèrent les OAT comme un indicateur parmi d’autres, comme Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, ou Arsalain El Kessir, fondateur de Bourse des crédits : « L’OAT à bien un impact, mais très minime à lui seul. (…) Parmi ces indicateurs, il convient de prendre en compte l’inflation, la politique monétaire de la BCE, la croissance, etc. Même si l’OAT a doublé en quelques semaines, il reste historiquement très bas. » Les porte-paroles de VousFinancer et Credixia évoquent elles un indicateur certes indirect mais qui a tout de même « une forte incidence » puisque les banques « justifient les mouvements qu'elles effectuent sur leurs taux par les évolutions de l'OAT » selon Sandrine Allonier.

Une nouvelle remontée des OAT n’aura toutefois pas d’impact immédiat selon plusieurs courtiers, à l’image de Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, qui évoque « une marge bancaire confortable » : « La hausse, c’est plus une stratégie de désengorgement des banques qu’un réel renchérissement du coût de l’argent. » Conclusion : il n'est pas encore l'heure de se précipiter !

(1) Obligations assimilables au Trésor : il s’agit d’emprunts d’Etat. Les courtiers évoquent souvent les évolutions de l’OAT 10 ans dans leurs analyses des taux immobiliers.