Depuis ses bureaux de la Défense - qui jouxtent, pour l'anecdote, ceux du concurrent Fortuneo - BforBank a donné ce matin le coup d'envoi officiel de son offre de compte courant, déjà disponible sur son site depuis un mois. A défaut de se distinguer sur l'offre, BforBank espère capitaliser sur son image de banque en ligne premium pour faire sa place sur un marché français déjà bien encombré.

Comment BforBank, auto-proclamée « spécialiste de l'épargne » depuis son lancement en 2009, en est-elle venue à s'intéresser au marché du compte courant ? « Depuis 2013, nous avons dû faire face à une certaine adversité », a détaillé sans fausse pudeur André Coisne, le directeur général de l'enseigne. « Une réforme de la fiscalité défavorable aux livrets d'abord ; une hausse du plafond du Livret A, ensuite ; une baisse générale des taux, enfin, qui diminue l'attractivité de notre super-livret ».

Dans ce contexte, il est devenu urgent de trouver un nouveau canal de conquête de clientèle. Dès 2014, le projet de transformer BforBank en banque complète a été acté par ses actionnaires (1), et intégré au plan stratégique du groupe Crédit Agricole. Un an pour développer le produit, et nous y voilà. Dès ce soir, l'existence du compte courant sera relayée à la télévision par deux spots télé, qui reprennent les codes de la marque : du noir et blanc, du piano classique et une signature, désormais bien connue : « Mon banquier, c'est moi ».

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La banque en ligne n'est plus un marché de niche

BforBank devient du même coup la 7e enseigne (2) à proposer en France ce type d'offre. Mais y a-t-il encore la place pour elle ? André Coisne, évidemment, en est persuadé. « 11% des Français sont aujourd'hui clients d'une banque 100% en ligne, contre 7% il y a 6 mois », explique-t-il, citant les chiffres d'une étude Audirep commandée pour l'occasion. « Et sur les 89% restants, 17% envisagent d'y ouvrir un compte prochainement. Un quart de la population active française est donc prête pour la banque en ligne. Ce n'est pas un marché de niche. »

Des clients qui, BforBank l'a bien compris, viennent avant tout pour faire des économies sur leurs frais bancaires, malgré leur profil plutôt CSP+. Du point de vue de la tarification, la filiale du Crédit Agricole se cale sur les standards du marché : une carte bancaire gratuite (en plus d'une prime de 80 euros à l'ouverture), une absence de frais sur les opérations courantes, pas de commissions d'intervention... Une offre qu'André Coisne souhaite « pertinente », tout en admettant qu'il est aujourd'hui difficile de « trouver un point de différenciation » avec la concurrence.

La carte du premium

La différence, BforBank espère plutôt la faire sur l'expérience client. « Notre compte bancaire, on le veut premium », résume le DG. Chacun son rôle dans le groupe Crédit Agricole : pas question pour BforBank de viser le très grand public ou les jeunes, qui restent les cibles privilégiées des caisses régionales. L'enseigne numérique a ainsi choisi de faire l'impasse sur les cartes bancaires d'entrée de gamme : tous les clients compte courant disposeront au minimum d'une carte Visa Premier. A condition de justifier d'un revenu net mensuel d'au moins 1.800 euros, lorsque 1.200 euros suffisent chez Boursorama ou Fortuneo pour obtenir un carte classique. Les plus aisés pourront même bénéficier, sous certaines conditions, de la très sélect Visa Infinite.

Cette touche premium doit également se retrouver dans les interfaces de gestion de compte, dépoussiérées pour l'occasion. Même si BforBank n'est pas « une banque de geeks », plaisante André Coisne, le site internet a été actualisé et s'adapte désormais à toutes les tailles d'écran, de l'ordinateur au smartphone. Une nouvelle application mobile est déjà disponible sur Android et prochainement sur iPhone. Parmi les services intégrés, BforBank propose du classique (consultation de soldes, virements, modulation de plafonds, alertes sur soldes) et du plus rare : un service de numérisation des chèques (baptisé BCheck) par exemple, ou une interface de gestion et de suivi de budgets, avec catégorisation automatique des opérations et restitution graphique. Au rayon sécurité, BforBank est capable de reconnaître l'ordinateur ou le mobile avec lequel se connecte le client, et de détecter ainsi d'éventuels usages suspects.

Trois années de déficit

Ce lancement commercial, évidemment, a un coût. Bénéficiaire depuis 2013, BforBank va repasser dans le rouge en 2015. Le retour à la rentabilité est espéré pour 2018. Pour y parvenir, la banque veut attirer 30.000 nouveaux clients par an, pour atteindre une masse critique de 250.000 clients et 7 milliards d'euros d'encours en 2020. Un objectif raisonnable, vu les succès actuels des banques en ligne : sur le seul premier trimestre 2015, un acteur dynamique comme Boursorama Banque a réussi à attirer plus de 40.000 nouveaux clients.

(1) BforBank est détenue à 85% par les caisses régionales du Crédit Agricole, les 15% restants appartenant à Crédit Agricole SA, l'entité côtée du groupe mutualiste.

(2) Après ING Direct, Boursorama Banque, Fortuneo, Monabanq, Hello Bank et Axa Banque (Soon).

Crédit conso et Livret A en juin, crédit immo en 2016

L'arrivée du compte courant dans l'offre BforBank ne met pas un terme à sa transformation de spécialiste de l'épargne en banque complète. Le catalogue du pure-player doit en effet encore s'enrichir, le mois prochain, de trois nouveaux produits : le crédit à la consommation et les deux compagnons habituels du compte courant, Livret A et le Livret de développement durable (LDD). BforBank va également imiter Boursorama Banque et ING Direct en intégrant une offre de crédit immobilier 100% en ligne. Mais ce ne sera pas avant 2016.