Les rendements des produits d’épargne sont-ils si bas que les Français ne prennent plus la peine de placer leur argent ? C’est ce que laisse entendre le dernier baromètre trimestriel de la Banque de France. Les dépôts à vue, c’est-à-dire les comptes courants, dans l’immense majorité non rémunérés, ont drainé 13,9 milliards d’euros au 1er trimestre 2015, contre 6,1 milliards à la même période en 2014. L’analyse de Cyril Blesson, associé du cabinet Pair Conseil, qui édite « Les Cahiers de l’épargne ».

13,9 milliards d’euros de collecte nette pour les comptes courants sur le premier trimestre 2015 : est-ce exceptionnel ?

« Il s’agit en effet d’une collecte extrêmement importante ! Après, il faut savoir que les premiers mois de l’année enregistrent traditionnellement des flux conséquents. Le premier trimestre, c’est celui du versement du 13e mois, de la prime de fin d’année, etc. 13,9 milliards, c’est vraiment beaucoup mais l’on peut penser que cela va se réguler sur l’ensemble de l’année. Nous tablons sur une collecte nette approchant les 20 milliards d’euros en 2015, un peu comme en 2014 [18,4 milliards pour les dépôts à vue selon les statistiques de la Banque de France, NDLR]. »

A-t-on vu d’aussi fortes collectes par le passé ?

« Pour le premier trimestre 2015, il s’agit encore de chiffres provisoires. Si l’on compare les collectes annuelles, l’année 2014 ne bat pas de record. Les comptes courants avaient enregistré un flux net de 19,2 milliards d’euros en 2009, puis de 17,3 milliards en 2010. »

Comment expliquez-vous ces statistiques ? 20 milliards de collecte par an, c’est plus que sur l’ensemble des livrets d’épargne.

« En 2009 et 2010, nous étions dans les années post-crise financière. Les Français affichaient clairement leur préférence pour le cash. »

Ils avaient peur de placer leur argent ?

« Oui, en quelque sorte. »

Et en 2014-2015 ?

« Nous sommes face à un phénomène de baisse de l’opportunité de placement. Aujourd’hui, vous ne perdez pas beaucoup d’argent en le laissant dormir sur votre compte courant : l’inflation est quasi nulle ; et les rendements des produits d’épargne sont en baisse. »

Pensez-vous que la tendance va se confirmer ?

« Etant donné le niveau actuel des taux d’intérêt, et malgré leur léger rebond ponctuel, nous ne voyons pas de raison à ce que le rendement de l’épargne reparte à la hausse cette année. Nous ne pensons pas, par exemple, que le taux du Livret A va remonter. Nous ne pensons pas non plus, pour des raisons politiques, que le gouvernement va l’abaisser, même si la méthode de calcul du taux le permet. »

En 2014, ce sont le Plan épargne logement et l’assurance-vie qui ont le plus attiré l’épargne des Français. La tendance va-t-elle se confirmer en 2015 selon vous ?

« Nous pensons même que la collecte de l’assurance-vie va encore augmenter. Au premier trimestre, le Plan épargne logement a bénéficié de l’effet ''ouvrir un PEL à 2,50% au plus vite'', à la fin du mois de janvier. Le PEL va continuer d’attirer mais je pense que l’assurance-vie sera clairement le placement favori des Français en 2015. »

Nota bene : le baromètre trimestriel de la Banque de France porte sur les ménages (particuliers et entrepreneurs individuels) et institutions sans but lucratif au service des ménages. « Les entrepreneurs pèsent assez peu dans ces statistiques, nous pouvons donc aisément élargir le diagnostic d’une très forte collecte sur les comptes chèques aux seuls particuliers », juge Cyril Blesson.