Chaque année, les détenteurs de contrats d’assurance-vie reçoivent un relevé dans lequel figure la rémunération du fonds en euros, les opérations en cours, la valeur des unités de compte, etc. Quid des frais pesant sur tous ces supports ? Les assureurs se contentent généralement d'un minimum d'informations. Certains ont toutefois fait évoluer leurs relevés récemment. Comment ? Pourquoi ? Eléments de réponse.

Dans l’assurance-vie, au rayon facturation, il y a d’un côté les frais qui correspondent à des actions de l’épargnant (frais d’arbitrage ou de versement) et de l’autre des frais qui viennent chaque année rogner le rendement des différents supports. Généralement situés entre 0,60% et 1%, les frais de gestion de l’assureur sont affichés assez clairement dans le contrat et sont rappelés dans l’information annuelle. Le rendement du fonds en euros apparaît ainsi en général à la fois en brut et en « net de frais de gestion ».

Pour les supports en unités de compte (UC), l’assureur prélève là aussi chaque année des frais de gestion, ce qui se traduit généralement par une diminution du nombre de parts. Mais d’autres frais grignotent, chaque année, le rendement des UC. Leur existence n’est pas secrète : pour chaque fonds (OPCVM), le document d’informations clés pour l’investisseur (DICI) est public ou peut être réclamé auprès de l’assureur. Sur ce DICI apparaissent les « frais courants », prélevés annuellement mais dont le pourcentage peut varier d’une année sur l’autre. Ces frais de gestion de l’OPCVM sont ponctionnés en amont, avant que l’assureur ne prélève ses propres frais de gestion. La valeur liquidative de cet OPCVM est exprimée net de ces « frais courants » (voir encadré).

Information annuelle plus ou moins détaillée

Comment les titulaires de contrats d’assurance-vie sont-ils informés sur ces différents frais ? Avant tout via les relevés annuels. Traditionnellement, les assureurs y livrent toutefois peu de détails. Aviva y souligne ainsi que les « frais de l’OPCVM sont prélevés en amont par les sociétés de gestion » et se contente d’indiquer à l’épargnant qu’il peut réclamer les fameux DICI. Les pratiques changent toutefois, petit à petit. Début 2015, dans les relevés de l’année 2014, les assureurs Generali et Suravenir ont affiché distinctement les frais prélevés par les gestionnaires des OPCVM. ACMN Vie va même plus loin en indiquant les « frais de gestion de l’unité de compte (incluant les frais indirects) », ce qui permet de constater, dans certains cas, un écart entre les « frais courants » affichés dans le DICI et les frais réellement appliqués.

D’où vient cet écart ? « Les frais indirects inclus par ACMN Vie, ce sont les frais de courtage [prélevés pour les achats ou vente d’actions, NDLR], les frais de garde, les frais de surperformance [si le fonds fait mieux que son indice de référence], etc. », détaille Edouard Michot, président de JDHM Vie, société de courtage en assurance et éditrice d’Assurancevie.com. « Certains de ces frais sont minuscules mais il est intéressant de pouvoir comparer afin de mettre le doigt sur d’éventuels abus. » Exemple, dans un relevé ACMN Vie, un fonds affiche des frais de plus de 7% - un pourcentage extrêmement élevé - alors que le DICI de ce même fonds n’évoque des « frais courants » que de 3,70%. La différence provient probablement des « frais indirects ».

Un sujet tabou chez les assureurs

Edouard Michot affirme avoir réclamé plus de transparence aux assureurs gérant les contrats qu’il commercialise auprès des particuliers. « Nous demandons toujours plus de transparence, y compris sur les rétrocessions entre assureur et gestionnaires de fonds, les asset managers. Pour nous, les frais, c’est une information d’importance, au même titre que le rendement ! »

Un autre courtier en assurance-vie a confirmé la tendance : des relevés annuels avec un meilleur niveau d’information. Ces changements concernant tous les titulaires de contrats et non pas uniquement les clients de tel ou tel courtier, pourquoi certains assureurs font-ils œuvre de transparence ? Nous avons sollicité Generali et ACMN Vie pour évoquer ces évolutions, mais aussi Crédit Agricole Assurances, deuxième plus gros gestionnaire d’assurance-vie en France. Refus, manque de disponibilité ou réorientation vers d’autres interlocuteurs : les assureurs ne souhaitent visiblement pas communiquer sur ce sujet.

Rendre l’information sur les frais plus compréhensible

Afficher le pourcentage de « frais indirects » pour chaque support en unités de compte, cela reste « trop compliqué du point de vue de l’épargnant » selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet de conseil Facts & Figures. Comme Edouard Michot, de JDHM Vie, Cyrille Chartier-Kastler estime que les frais doivent être exprimés en euros et centimes plutôt qu’en pourcentage. Suravenir a par exemple fait un pas en ce sens. Edouard Michot se félicite ainsi que cet assureur « fait désormais apparaître les frais de gestion qu’il ponctionne en euros », pour le fonds en euros, et en nombre de parts pour les UC.

Cela reste insuffisant pour Cyrille Chartier-Kastler : « Nous ne sommes pas encore au stade de ce que l’on peut avoir pour les banques avec des frais qui apparaissent en valeur absolue dans le relevé de compte. Dans l’assurance-vie, pour les unités de compte, c’est objectivement compliqué d’expliciter cela en euros mais c’est le meilleur moyen pour que l’information soit accessible au plus grand nombre. » Le fondateur de Facts & Figures aimerait voir « imposée une fiche A4 standardisée avec une liste d’informations à communiquer au titulaire d’assurance-vie, un peu à l’image de l’extrait standard de tarifs dans la banque ou de la fiche standardisée qui va désormais s’imposer pour l’assurance emprunteur ». Toutefois, aucun projet de ce type ne semble être dans les tuyaux.

Les frais de gestion du fonds puis ceux de l'assureur

Il y a deux sortes de frais de gestion sur les unités de compte. Ceux du gestionnaire du fonds qui impactent directement la valeur liquidative de celui-ci. Ceux de l'assureur qui sont ponctionnés sur le nombre de parts.

Exemple : un OPCVM coté 9 euros le 1er janvier a réalisé des performances qui équivalent à une valeur brute de 10 euros, au 31 décembre. Mais compte tenu des 3% de frais de gestion de l'OPCVM, la part affiche 9,70 euros de valorisation. Cet OPCVM est disponible sur un contrat d'assurance-vie sous la forme d'une unité de compte, l'assureur prévoyant des frais de gestion de 1% par diminution du nombre de parts.

Concrètement, si vous achetez 100 parts de cette UC à 9 euros le 1er janvier, vous vous retrouvez le 31 décembre avec 99 parts à 9,70 euros.

Récapitulatif : vos 900 euros du 1er janvier auraient dû valoir 1.000 euros à la fin de l'année, en l'absence de tout frais. Mais vous vous retrouvez avec seulement 960,30 euros, 30 euros ayant été conservés par l'OPCVM et 9,70 euros par l'assureur. Cette répartition reste théorique puisque ces frais peuvent être rétrocédés en partie à l'assureur et au distributeur.